mercredi 1 janvier 2014

Les entreprises et les agriculteurs contre le projet de loi sur la biodiversité Par Laurence Caramel

Le Comité national de la transition écologique (CNTE) a donné un avis favorable, mardi 17 décembre, au projet de loi sur la biodiversité que le gouvernement s'est engagé à soumettre au Parlement au cours du premier semestre 2014. Seul le collège des employeurs où siègent le Medef, la CGPME et la FNSEA a voté contre en regrettant « les insuffisances de la concertation et l'absence d'étude d'impact économique, social et fiscal des mesures proposées ».

De leur côté, les associations de défense de l'environnement, les syndicats à l'exception de FO, les collectivités territoriales et les représentants du Parlement n'ont émis aucune réserve. « Ce texte marque une nouvelle étape dans la reconnaissance du rôle important que joue la biodiversité, s'est félicité Christophe Aubel, directeur d'Humanité et biodiversité et notre vote quasi unanime montre qu'il y a une volonté des différents acteurs de continuer à avancer. » L'avis du CNTE, qui a remplacé le comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement est uniquement consultatif, mais le ministre de l'écologie avait indiqué qu'il tiendrait compte des critiques qui seraient formulées.
L'AGENCE DE LA BIODIVERSITÉ OPÉRATIONNELLE EN 2015
La future loi sur la biodiversité prévoit la création de l'Agence française pour la biodiversité, promise par François Hollande en septembre 2012 à l'occasion de la première conférence environnementale. Même s'il reste beaucoup de travail avant que ce nouvel organisme phare de la politique de protection de la biodiversité ne devienne opérationnel, en 2015, ses contours semblent désormais fixés. Il regroupera l'Agence des aires marines protégées, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), l'établissement public des Parcs nationaux de France ainsi que « l'atelier technique des espaces naturels », un établissement public de formation des gestionnaires. En dépit des demandes répétées des associations, l'Office de la chasse et de la faune sauvage n'en fera pas partie. Le projet de loi ne prévoit qu'un « rapprochement » au risque de donner à l'Agence pour la biodiversité une « coloration » aquatique très marquée. Sur les 1 200 agents qui la rejoindront, 800 seront issus de l'Onema.
L'Agence aura pour mission principale de fournir une expertise aux pouvoirs publics – Etat et collectivités territoriales –, mais aussi aux opérateurs privés engagés dans des politiques de préservation de l'environnement. « L'Agence doitdonner à tous les acteurs les moyens de mener la politique exemplaire voulue par le chef de l'Etat », précise-t-on dans l'entourage du ministre de l'écologie Philippe Martin.
DE NOUVEAUX OUTILS DE PROTECTION DE LA NATURE
Le projet de loi sur la biodiversité défend l'idée d'une approche plus dynamique de la protection de la nature. « Nous étions jusqu'à présent dans une approche très patrimoniale de mise sous cloche des espaces à protéger. Nous pensons qu'il faut avoir une démarche plus dynamique. Nous souhaitons donner une impulsion nouvelle en fournissant les outils qui permettent à chacun de s'emparer du sujet »,poursuit-on au ministère.
Le texte ne fixe pas de nouveaux objectifs chiffrés. Ceux-ci ont été définis dans le cadre de la stratégie nationale de la biodiversité et dans les engagements pris par la France au niveau européen ou dans le cadre de la convention des Nations unies sur la biodiversité. Il ne prévoit pas non plus de nouvelles dispositions réglementaires pour contraindre les différents acteurs à prendre en compte la protection de l'environnement. Le gouvernement a estimé qu'« il y en avait] assez comme ça. »
Il introduit, en revanche, de nouveaux outils comme la création de zones spéciales de conservation environnementale, calquées sur ce qui existe par exemple pou rpréserver la qualité de l'eau aux abords des zones de captage. Les pouvoirs publics peuvent dans ce cas précis imposer des pratiques environnementales. Il s'agirait d'étendre ce droit à d'autres milieux lorsque la survie d'une espèce est en jeu. Le cas du Grand Hamster d'Alsace pour lequel le gouvernement ne parvient pas à mettre en place un plan de protection en y associant sur une base volontaire les agriculteurs alsaciens pourrait être le premier concerné. 
L'encadrement des activités dans les zones côtières devrait par ailleurs être renforcé  par la création d'un « régime d'autorisation » qui permettra notamment d'évaluer plus en amont les projets d'infrastructure d'énergies renouvelables.
UNE SERVITUDE ENVIRONNEMENTALE
Le projet de loi prévoit aussi de créer une « servitude environnementale » pour faciliter la mise en œuvre des mesures de compensation auxquelles sont tenus les porteurs de projets d'aménagement ou d'infrastructures lorsqu'ils portent atteinte à l'environnement. La loi sur la protection de la nature de 1976 stipule que, pour obtenir le feu vert de l'administration, tout projet d'aménagement doit« supprimer, réduire et si possible compenser » les dommages à l'environnement. La troisième injonction, la seule susceptible d'enrayer l'érosion de la biodiversité, n'a en réalité jamais ou très peu été prise en compte. Sur les 60 000 hectares grignotés chaque année par l'expansion urbaine, la construction de routes, d'entrepôts, de centres commerciaux, etc. – soit au bout de dix ans l'équivalent en moyenne d'un département –, seuls quelques milliers d'hectares seraient compensés.
Les porteurs de projets ont jusqu'à présent eu beau jeu de dire qu'ils n'avaient concrètement aucun moyen de remplir leurs obligations. L'initiative prise par la Caisse des dépôts à travers sa filiale CDC biodiversité a commencé à apporter des solutions, mais elle est loin de pouvoir répondre à toutes les situations. Le projet du gouvernement cherche ainsi à introduire de la souplesse dans les mécanismes de compensation en proposant qu'une entreprise puisse passer un contrat avec un propriétaire foncier pour qu'il garantisse la protection d'un milieu sur une durée de trente à quarante ans. Cette obligation s'appliquerait en cas de location des terres à un tiers. La FNSEA s'est inquiétée d'un tel dispositif qui pourrait conduire, selon elle, à la diminution des surfaces disponibles pour l'agriculture.

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