Onze mois après la découverte de viande de cheval dans des lasagnes et la chute de l'entreprise Spanghero à Castelnaudary, la gendarmerie a mené lundi 16 décembre une vaste opération dans 11 départements, dans le cadre d'une nouvelle information judiciaire conduite cette fois à Marseille sur un trafic de viande en gros.
Vingt et une personnes ont été interpellées lundi matin lors de cette opération, qui a mobilisé une centaine de militaires, principalement dans le sud de la France, enLanguedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Midi-Pyrénées.
- Pourquoi cette viande de cheval est-elle impropre à la consommation ?
Il y a quelques mois, des centaines de chevaux ayant été utilisé dans le cadre de programmes scientifiques entre 2010 et 2012 auraient été envoyés dans un abattoir de l'Aude, après que les documents de traçabilité eurent été falsifiés. Normalement, ces chevaux, qui ne répondent pas aux normes sanitaires, sont élevés dans une ferme attachée au laboratoire et, après trois ans de bons et loyaux services, ils sont revendus à des marchands avec un certificat qui stipule qu'il est interdit de les mettre en circuit dans la filière alimentaire. Tous possèdent une puce qui garantit leur traçabilité.
« D'autres chevaux, issus de centres équestres ou de particuliers, traités avec des anti-inflammatoires et des antibiotiques, donc illicites à la consommation, ont également été remis dans la chaîne alimentaire », précise France 3, qui a révélé l'information.
Lors d'une conférence de presse lundi après-midi, le procureur de la République à Marseille, Brice Robin, a cependant déclaré n'avoir « absolument pas la preuve à travers des analyses toxicologiques que ces animaux étaient nuisibles à la santé humaine ». « Ce n'est pas parce qu'ils sont impropres à la consommation qu'ils sont nuisibles à la santé de l'homme », a-t-il ajouté.
- Quelle est l'origine de l'enquête ?
Tout a débuté par un courrier anomyme dénonçant les agissements frauduleux de la Narbonnaise des viandes, une société de négoce de chevaux sise à Narbonne. L'enquête ouverte par le parquet de Narbonne met au jour qu'« au moins 200 chevaux ont été rachetés à Sanofi-Pasteur sur son site d'Alba-la-Romaine, dans l'Ardèche, par un marchand de chevaux de Saint-Jean-de-Maruéjols, dans le Gard. Ce dernier revendait les animaux à un négociant de Narbonne, qui est suspecté d'être l'organisateur du trafic » indique encore France 3.
De son côté, le géant pharmaceutique Sanofi a indiqué avoir collaboré à l'enquête et avoir été interrogé il y a quelque temps en qualité de témoin. Des reventes légales, effectuées en toute transparence, selon le laboratoire pharmaceutique probablement abusé, puisque des fiches médicales accompagnant ces animaux précisaient « abattage interdit pour la consommation humaine ». Selon le procureur de la République de Marseille, le groupe Sanofi va se porter partie civile.
- Que sait-on des personnes interpellées ?
Les enquêteurs ont découvert qu'un véritable réseau avait été tissé pour fabriquerdes faux dossiers, faire abattre ces animaux théoriquement impropres à la consommation et les revendre dans des boucheries du sud de la France, d'Espagne et peut-être d'Italie.
Les gendarmes ont ainsi interpellé plusieurs négociants en viande, dont l'organisateur présumé du trafic, Patrick Rochette, le dirigeant de la Narbonnaise des viandes, « marchand de chevaux, propriétaire de deux boucheries et de commerce de viande en gros », selon Le Figaro. Un de ses proches a également été arrêté, de même qu'au moins trois vétérinaires et un informaticien. Ces interpellations devaient s'accompagner de perquisitions au siège de négociants en viande et dans des abattoirs.
Le trafic concernerait aussi, quoique dans une moindre mesure, des chevaux achetés à des centres équestres ou des particuliers. Il s'étendrait à l'Espagne, où l'abattoir de Gérone a été perquisitionné.
- Y a-t-il un risque pour la santé des consommateurs ?
Impossible de dire « à ce stade » si le trafic a mis en péril la santé des consommateurs, déclarait lundi le ministre délégué à l'agroalimentaire, Guillaume Garot. Cependant, a jugé une source proche de l'enquête, « cette affaire est potentiellement plus malsaine » que la précédente affaire autour de la viande de cheval trouvée dans des plats industriels au début de l'année.
- Un lien avec l'affaire Spanghero ?
Ce nouveau scandale risque en effet d'éprouver à nouveau la filière de viande de cheval, qui avait été durement touchée par la révélation, début 2013 qu'une entreprise de l'Aude, Spanghero, revendait de la viande de cheval pour du bœuf. Cette viande avait ensuite servi à la préparation de millions de plats cuisinés, comme des lasagnes, pour des grandes marques ou la grande distribution.
Le ministre de la consommation, Benoît Hamon, a distingué la nouvelle affaire du scandale Spanghero. « C'est différent, là il pourrait s'agir d'un problème sanitaire », a-t-il annoncé au micro de RTL. « Nous avons depuis le début de l'année mis sous surveillance la filière viande et la filière poisson en France [pourrétablir la confiance], a-t-il ajouté. La France est le premier pays en Europe à avoirinscrit dans sa loi l'étiquetage de l'origine de la viande dans les plats préparés. Nous attendons maintenant de Bruxelles qu'elle nous donne le feu vert, je l'espère en janvier prochain. »
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