PROJET DE LOI
autorisant l'approbation de
l'accord relatif aux mesures du ressort de
l'État du port visant à
prévenir,
contrecarrer et
éliminer la pêche
illicite, non déclarée et
non réglementée,
PRÉSENTÉ
au nom de M. Manuel VALLS,
Premier ministre
Par M. Laurent FABIUS,
ministre des affaires étrangères et du
développement international
(Envoyé à la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées,
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission
spéciale dans les conditions prévues par le
Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'accord sur les mesures du ressort de l'État du port
visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche
illicite, non déclarée et non réglementée (dite
« pêche INN ») a pour objectif d'assurer la
conservation à long terme et l'exploitation durable des ressources
biologiques marines et des écosystèmes marins. Il concerne la
pêche INN proprement dite ainsi que les activités de soutien qui
lui sont associées. Il constitue le premier véritable
traité de niveau mondial portant sur cette question.
L'accord instaure des normes minimales obligatoires relatives
à la surveillance, au contrôle et à l'inspection des
navires de pêche dans les ports. Ses principales dispositions portent
sur : la mise en place d'une autorisation préalable pour les
navires de pêche souhaitant entrer dans les ports des Parties ;
l'obligation pour les Parties d'interdire l'entrée dans leurs ports aux
navires impliqués dans des activités de pêche INN ; la
communication d'informations entre États parties ; la conduite des
inspections portuaires. L'accord ne s'applique en principe qu'aux navires ne
battant pas le pavillon de l'État du port.
L'accord comporte trente-sept articles, organisés en
dix parties, et cinq annexes techniques.
DISPOSITIONS GÉNÉRALES (PARTIE
1) :
Définitions (article 1er) :
L'accord pose les définitions des principaux termes
qu'il utilise. Pour la définition de la « pêche
illicite, non déclarée et non
réglementée » (dite pêche INN), il renvoie
à la définition, longue et détaillée, contenue dans
le Plan d'action international visant à prévenir, à
contrecarrer et à éliminer la pêche illicite, non
déclarée et non réglementée adopté par
l'OAA/FAO en 2001.
La notion d' « activités liées
à la pêche » est, quant à elle, définie
comme correspondant à « toute opération de soutien,
ou de préparation, aux fins de la pêche, y compris le
débarquement, le conditionnement, la transformation, le transbordement
ou le transport des poissons qui n'ont pas été
précédemment débarqués dans un port, ainsi que
l'apport de personnel et la fourniture de carburant, d'engins et d'autres
provisions en mer » (article 1d). Cette disposition
reflète le souhait des négociateurs de ne pas cantonner cette
définition aux seules opérations de pêche mais de
l'élargir à toutes les activités qui contribuent à
la pêche INN, telles que les activités de ravitaillement ou de
transbordement. Le terme « navire » renvoie donc, dans le
cadre de cet accord, non seulement aux navires de pêche proprement dits
mais également aux navires dont l'utilisation est liée aux
activités de pêche (article 1j).
Portée des règles de l'accord :
Les Parties doivent appliquer les règles
édictées par l'accord aux « navires qui ne sont pas
autorisés à battre [leur] pavillon et qui cherchent à
entrer dans [leur(s)] port(s) ou qui se trouvent dans l'un de [leurs]
ports ». Deux exceptions sont introduites (article 3 paragraphe
1) :
- pour les « navires d'un État voisin se
livrant à une pêche artisanale de subsistance »,
à la condition que l'État du pavillon des navires visés et
l'État du port coopèrent pour s'assurer que ces navires ne
participent pas à des activités de pêche INN ;
- pour les « navires porte-conteneurs qui ne
transportent pas de poisson ou, s'ils en transportent, seulement du poisson qui
a [déjà] été
débarqué », sous réserve que ces navires ne
soient pas sérieusement soupçonnés de s'être
livrés à des activités liées à la
pêche INN.
Les règles posées par l'accord s'appliquent non
seulement aux navires présents dans les ports des Parties mais aussi
à ceux qui cherchent à y entrer (article 3, paragraphe 1), la
simple demande d'entrée dans un port pouvant suffire pour
déclencher une opération de contrôle.
L'article 3, paragraphe 4 précise que l'accord doit
être appliqué de manière neutre par les Parties, sans
discrimination en fonction de la nationalité des navires.
L'article 4 rappelle classiquement les règles
gouvernant l'articulation des dispositions de l'accord avec le droit
international et les autres instruments internationaux.
L'article 5 invite les Parties à intégrer les
mesures relatives au contrôle de l'État du port dans leur
législation nationale relative à la lutte contre la pêche
INN.
L'article 6 prévoit, quant à lui, que les
Parties coopèrent et échangent des informations entre elles et
avec les organisations concernées, telles que l'OAA/FAO et les
organisations régionales de gestion des pêches (ORGP).
ENTRÉE AU PORT (PARTIE 2) :
Les Parties sont tenues de désigner les ports dans
lesquels elles accueillent des navires de pêche. Elles doivent en
communiquer la liste à l'OAA/FAO. Les ports désignés
doivent être équipés de moyens suffisants pour la conduite
des inspections (article 7).
L'entrée dans les ports des Parties est
subordonnée à la communication préalable par les navires
de certaines informations de base. Ces informations doivent être
communiquées suffisamment à l'avance pour que l'État du
port puisse les examiner (article 8 et annexe A).
Sur la base des renseignements qu'elles détiennent, les
autorités de l'État du port décident d'autoriser ou de
refuser l'accès au port. Lorsqu'elles disposent de preuves suffisantes
permettant d'établir qu'un navire demandant à entrer dans leur
port s'est livré à des activités de pêche INN ou
à des activités de soutien de cette dernière, les Parties
sont tenues de refuser à ce navire l'accès à leurs ports
(article 9 paragraphe 4). Si elles le laissent entrer, cela doit être
exclusivement dans le but de l'inspecter et de prendre, à son encontre,
des mesures appropriées au moins aussi efficaces que l'interdiction
d'accès au port (article 9 paragraphe 5). Dans le cas d'un refus
d'entrée au port, l'État du port est tenu de communiquer sa
décision aux autorités de l'État du pavillon ainsi qu'aux
États côtiers, aux ORGP et aux autres organisations
internationales éventuellement concernées. Le principe
d'interdiction d'accès au port ne s'applique pas en cas de
détresse ou de force majeure (article 10).
Dans le cas où un navire suspecté de pêche
INN se trouve dans le port d'une Partie (pour quelque raison que ce soit),
cette dernière doit lui interdire d'utiliser les installations
nécessaires au débarquement, au transbordement ou au traitement
du poisson ou tout autre service portuaire (article 9 paragraphe 6).
UTILISATION DES PORTS (PARTIE 3) :
Même si elles ont autorisé un navire à
entrer dans leur port, les Parties conservent la possibilité de lui
refuser l'utilisation des installations et des services du port si elles
constatent que le navire ne détient pas les autorisations requises pour
se livrer à des activités de pêche ou s'il s'avère
que les captures présentes à son bord ont une origine illicite
(article 11 paragraphe 1). L'État du port doit alors notifier sa
décision à l'État du pavillon et, le cas
échéant, aux États côtiers, aux ORGP ou aux
organisations internationales éventuellement concernées (article
11 paragraphe 3). Il en est de même lorsqu'il décide de lever
l'interdiction, lorsque des preuves suffisantes lui permettent de le faire
(article 11 paragraphes 4 et 5).
Cette interdiction ne s'applique pas dans les situations
où la santé et la sécurité de l'équipage ou
celle du navire sont en jeu ou lorsque le navire doit être mis au rebut.
INSPECTIONS ET ACTIONS DE SUIVI (PARTIE
4) :
Les Parties sont tenues d'effectuer un nombre annuel
d'inspections qui soit « suffisant pour atteindre les objectifs
[de l'accord] » (article 12 paragraphe 1). Elles sont
incitées à se mettre d'accord sur des niveaux minimaux
d'inspection (article 12 paragraphe 2).
L'organisation des contrôles doit prendre en compte
certaines priorités, en particulier les demandes d'inspection de
certains navires émanant d'autres États ou d'ORGP (article 12
paragraphe 3).
Les contrôles menés par les Parties doivent
respecter des prescriptions minimales portant sur la conduite des inspections
(article 13), le rapportage (article 14 et annexe C) et la communication des
résultats aux autres États et organisations concernées
(article 15). Les Parties sont également incitées à
échanger leurs informations par voie électronique selon certains
standards (article 16 et annexe D). L'accord fixe également des lignes
directrices relatives à la formation des inspecteurs (article 17 et
annexe E).
Si des activités de pêche INN sont
constatées ou fortement suspectées, l'État du port est
tenu d'en informer l'État du pavillon du navire et, le cas
échéant, les États côtiers, ORGP ou organisations
internationales concernées ainsi que l'État de nationalité
du capitaine du navire. Il doit également prendre des mesures à
l'encontre du navire en cause, en lui refusant l'utilisation des installations
et services du port, sauf lorsque cela est indispensable pour la santé
ou la sécurité de l'équipage et du navire (article 18).
Les Parties sont tenues de mettre à la disposition du
public et des responsables du navire (propriétaire, exploitant ou
capitaine) les informations relatives aux voies de recours à
l'égard de toute mesure prises à l'encontre du navire (article
19).
RÔLE DE L'ÉTAT DU PAVILLON (PARTIE
5) :
Cette partie (article 20) est un rappel de la
responsabilité et des obligations incombant à l'État du
pavillon vis-à-vis de ses navires, déclinées dans le
contexte particulier de cet accord.
L'État du pavillon est tenu :
- de demander à ses navires de coopérer avec
l'État du port (article 20 paragraphe 1) ;
- de demander à l'État du port de
procéder à l'inspection et à toute autre mesure
appropriée à l'égard d'un navire battant son pavillon, en
cas de présomption sérieuse pesant sur ce navire d'avoir une
activité liée à la pêche INN (article 20 paragraphe
2) ;
- d'encourager ses navires à utiliser les ports des
États mettant en oeuvre l'accord ou agissant de façon compatible
avec ses dispositions (article 20 paragraphe 3) ;
- de mener une enquête « immédiate
et complète » et de prendre des mesures
« coercitives », lorsqu'une inspection de l'État du
port permet de constater ou de suspecter fortement la participation d'un de ses
navires à des activités de pêche INN (article 20
paragraphe 4) ;
- de faire rapport aux autres Parties et États du port
appropriés et, le cas échéant, à d'autres
États, ORGP et à l'OAA/FAO, des mesures prises à
l'encontre de ses navires dont la participation à des activités
de pêche INN a été établie à la suite de
mesures prises par l'État du port (paragraphe 5) ;
- d'appliquer à ses propres navires des mesures qui ne
soient pas moins efficaces que celles qu'il applique aux navires
étrangers transitant dans ses ports (paragraphe 6).
BESOINS DES ÉTATS EN DÉVELOPPEMENT
(PARTIE 6) :
Comme nombre d'autres instruments internationaux relatifs
à l'environnement et au développement durable, cet accord
contient des dispositions prenant en compte les besoins particuliers des
États en développement (article 21). La prise en compte de ces
besoins se traduit par une assistance technique et financière, dans le
domaine relevant de l'accord, au profit des États en
développement (paragraphe 1 et 5).
Cette assistance doit se fonder sur l'évaluation des
besoins des États concernés et le souci d'éviter tout
transfert à leur détriment de charges excessives résultant
de la mise en oeuvre de l'accord (paragraphe 2).
Les Parties sont également tenues de coopérer
à l'établissement de mécanismes de financement pour aider
les États en développement (paragraphe 4) et d'établir,
à cet effet, un groupe de travail ad hoc (paragraphe 6).
DISPOSITIONS FINALES :
Les parties 7, 8 et 9 traitent respectivement du
règlement des différends, des pays tiers à l'accord et du
suivi de sa mise en oeuvre.
La partie 10 contient les dispositions relatives à la
signature/adhésion, à la ratification, à l'entrée
en vigueur de l'accord ainsi qu'aux réserves, déclarations et
amendements. Il faut en retenir que :
- le directeur général de l'OAA/FAO est le
dépositaire de l'accord (article 36) ;
- l'entrée en vigueur de l'accord a lieu trente jours
après la date du dépôt du vingt-cinquième instrument
de ratification (article 29) ;
- des contrôles réguliers seront effectués
pour vérifier l'application des règles édictées par
l'accord, avec un premier bilan prévu quatre ans après son
entrée en vigueur (article 24).
Dans la mesure où il a vocation à instaurer des
normes minimales, l'accord n'admet ni réserves, ni exceptions (article
30).
Enfin, les cinq annexes évoquées traitent
respectivement :
- des informations à fournir au préalable par
les navires de pêche demandant l'autorisation d'entrer dans un port
(annexe A) ;
- des procédures d'inspection de l'État du port
(annexe B) ;
- des résultats de cette inspection (annexe
C) ;
- du système d'information sur les mesures du ressort
de l'État du port (annexe D) ;
- des lignes directrices pour la formation des inspecteurs
(annexe E).
Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord
relatif aux mesures du ressort de l'État du port visant à
prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non
déclarée et non réglementée. Cet accord comporte
des dispositions de nature législative, telles que celles relatives aux
opérations d'inspections prévues par l'article 13. Il doit donc
être soumis préalablement au Parlement en vertu de l'article 53 de
la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires
étrangères et du développement international,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi relatif aux mesures du ressort
de l'État du port visant à prévenir, contrecarrer et
éliminer la pêche illicite, non déclarée et non
réglementée, délibéré en Conseil des
ministres après avis du Conseil d'État, sera
présenté au Sénat par le ministre des affaires
étrangères et du développement international, qui sera
chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord relatif aux
mesures du ressort de l'État du port visant à prévenir,
contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non
déclarée et non réglementée (ensemble cinq annexes)
signé à Rome le 19 novembre 2010, et dont le texte est
annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 3 septembre 2014
Signé : MANUEL VALLS
Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères et du
développement international,
Signé : LAURENT FABIUS
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