jeudi 3 avril 2014

Le Japon renonce à la chasse à la baleine en Antarctique

L'Agence des pêches japonaises a annoncé jeudi 3 avril qu'elle renonçait à sa prochaine campagne de pêche dans l'Antarctique, pour la première fois depuis vingt-sept ans, conformément à l'ordre donné par la Cour internationale de justice (CIJ).

« Nous avons décidé d'annuler notre campagne de recherche sur les baleines dans l'Antarctique pour l'année budgétaire qui a débuté en avril, à cause de la récente décision de justice », a expliqué un responsable de l'agence, précisant que le Japon allait néanmoins continuer de chasser des baleines ailleurs, notamment dans l'océan Pacifique nord.
HARCÈLEMENT ET MORATOIRE NON RESPECTÉ
Estimant que Tokyo détournait un moratoire de 1986 n'autorisant la chasse à la baleine qu'à des fins scientifiques, l'Australie avait demandé à la CIJ d'ordonner au Japon l'arrêt de son programme de recherche Jarpa II. Le Japon, pour qui la chasse à la baleine est une tradition ancestrale, soutenait que ses activités sont scientifiques, mais ne cache pas que la chair des baleines chassées termine sur les étals nippons.
Selon l'Australie, le Japon a chassé plus de dix mille baleines entre 1987 et 2009, principalement des petits rorquals, ou baleines de Minke. Les militants de l'association Sea Shepherd — qui harcèlent les baleiniers japonais dans l'Antarctique pour les empêcher de chasser, une pratique pouvant mener à des affrontements musclés — suivent de très près les débats devant la CIJ.
En avril 2013, le Japon avait indiqué que le nombre de baleines chassées dans l'Antarctique lors de la campagne 2012-2013 était au plus bas en raison du harcèlement permanent des écologistes. De plus, les Japonais semblent perdre goût à la viande de baleine. Selon l'Institut nippon de recherche sur les cétacés, une structure semi-publique qui supervise les missions de pêche, 908,8 sur les 1 211 tonnes de chair issues de la campagne du pays l'an dernier n'ont ainsi pas trouvé preneurs, soit presque 75 % des stocks.



La Cour internationale de justice a ordonné, lundi 31 mars, l'arrêt de la chasse à la baleine dans l'océan Antarctique par les Japonais.

La Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné, lundi 31 mars, l'arrêt de la chasse à la baleine dans l'océan Antarctique par les Japonais. Patrick Ramage, directeur du programme Baleines du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), juge cette décision « historique » et susceptible d'entraîner l'arrêt de la chasse au cétacé dans d'autres océans.

La décision de la Cour internationale de justice constitue-t-elle un précédent ?
Patrick Ramage : Nous sommes à la fois surpris et heureux de cette décision historique. Depuis des années, des Etats et des ONG dénoncent la chasse à la baleine japonaise, assurant qu'elle n'est pas menée à des fins scientifiques mais commerciales. Pour la première fois, la plus haute autorité juridique du monde l'a reconnu : le programme de recherche Jarpa II [Japanese Whale Research Program under Special Permit in the Antarctic] mené dans l'Antarctique ne remplit pas les conditions de la recherche scientifique. Or, comme la Commission baleinière internationale a pris en 1986 un moratoire n'autorisant la chasse à la baleine qu'à des fins scientifiques, la CIJ a déclaré que le Japon devait stopper immédiatement cette chasse en Antarctique.
C'est la première fois que le sujet de la chasse à la baleine — et de manière générale un cas concernant la faune sauvage — est amené devant cette cour. Et cette procédure inédite se solde par une victoire pour la biodiversité.
Cette décision peut-elle avoir une portée plus large ?
La décision de la Cour internationale de justice, dans un sens strict, n'interdit pas de tuer des baleines, mais vise la campagne japonaise dans l'Antarctique. Toutefois, ses répercussions devraient être mondiales : le jugement devrait augmenter la pression sur les autres campagnes de chasse à la baleine et les rendre plus difficiles à justifier. Ce sera le cas pour les campagnes que le Japon mène sur ses côtes et dans l'océan Pacifique nord, mais aussi pour l'Islande, qui avance des raisons à la fois commerciales et scientifiques. Le cas de la Norvège, par contre, sera plus difficile à résoudre : Oslo a refusé de reconnaître le moratoire sur la chasse commerciale en 1986.
De nombreuses baleines pourraient finalement être sauvées. On estime que le Japon a chassé plus de 10 000 cétacés entre 1987 et 2009, principalement des petits rorquals, ou baleines de Minke. La Norvège en a tué 590 en 2013 et l'Islande, 172.
Pensez-vous que le Japon va respecter cette interdiction ?
Le porte-parole de la délégation japonaise a dit qu'il se conformerait à la décision de la CIJ. La pression sur le Japon est aujourd'hui telle qu'il lui sera difficile de passer outre. Pour cette même raison, il est également très peu probable que le Japon quitte la Commission baleinière internationale. Tokyo pourrait lancer un autre programme de recherche scientifique pour contourner l'interdiction. Mais ce serait techniquement difficile et très cher à mettre en œuvre.
Pourquoi le Japon déploie-t-il tant d'énergie pour continuer à chasser la baleine alors que sa population n'en consomme presque plus la viande ?
Les campagnes de chasse se poursuivent au Japon, malgré la pression des associations écologistes, pour des raisons nationalistes.
Après la seconde guerre mondiale, le Japon avait besoin de la chasse à la baleine pour nourrir sa population. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. A tel point que, depuis quelques années, l'essentiel des stocks de viande de baleine ne trouvent plus preneurs. La population japonaise ne soutient pas la chasse : elle y est en réalité indifférente.
Si les campagnes de chasse se poursuivent, malgré la pression des associations écologistes, c'est pour des raisons nationalistes et de fierté patriotique. Certains dirigeants estiment que cette tradition ancestrale fait partie de l'essence japonaise. Les agences de pêche, qui font partie du ministère de l'agriculture, de l'élevage et des forêts, font également pression pour continuer à bénéficier des crédits des programmes de chasse. Le Japon doit sortir de cet héritage rétrograde, et par exemple développer le tourisme autour de l'observation des baleines (whale watching), que pratiquent de nombreux pays.
La recherche scientifique sur les baleines est-elle encore nécessaire ?
La recherche scientifique reste indispensable mais ne nécessite pas de tuer des baleines. Les technologies modernes — appareils photos, caméras, satellites — permettent, par l'observation des cétacés dans leur environnement naturel, de progresser dans leur connaissance bien plus que l'étude de cadavres. Ces outils aident à déterminer le nombre de ces mammifères, comment ils utilisent l'océan pour évoluer ou comment ils communiquent entre eux. Il reste encore beaucoup de mystères dans les mers.

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