Paris - Saviez-vous que dans une grosse cuillère de terre, il y autant de micro-organismes que d'êtres humains sur la planète? Pourtant, cette ressource vitale à maints égards se dégrade dans le monde, quand elle ne «disparaît pas sous le béton», alerte le chercheur Dominique Arrouays de l'INRA à l'occasion de la «Journée mondiale des sols».
Et l'ampleur des dégâts est importante: 60% des terres cultivées sur la planète sont «touchées par une ou plusieurs formes de dégradation», rappelle le président de l'Association française pour l'étude du sol (Afes) et expert auprès de l'organisation de l'ONU pour l'Alimentation (FAO).
Les sols sont essentiels pour la production alimentaire mondiale, mais aussi cruciaux pour le filtrage et l'épuration des eaux qui les traversent, régulent les inondations, abritent une grande biodiversité terrestre, ou encore jouent un rôle central dans la régulation du climat, en stockant et relâchant des gaz à effet de serre.
Ainsi, a souligné Dominique Arrouays lors d'un colloque organisé à Paris, les sols «sont un maillon central de nos écosystèmes» et «au coeur de grands enjeux planétaires».
Mais ils sont de plus en plus menacés, et parmi la multiplicité des dégâts -- de l'acidification à la salinisation en passant par la contamination par divers polluants ou le compactage des sols sous le poids de machines lourdes utilisées dans l'agriculture-- le chercheur en isole deux à combattre en priorité.
«Prendre le pouls de la planète»
«L'artificialisation», dit-il dans un entretien à l'AFP, «c'est-à-dire la disparition des sols sous le béton. 20 millions d'hectares par an qui disparaissent». Soit 6.350 m2 par seconde.
«Et puis l'érosion, car c'est une perte irrémédiable», poursuit-il, précisant qu'elle est essentiellement due à «la façon dont on gère les sols», avec notamment la disparition de la couverture végétale qui les protège contre la pluie et le vent.
«On fait de plus en plus de monocultures, qui laissent le sol nu à certaines période de l'année». En outre «en France, par exemple, le fait qu'on soit passé de petites parcelles avec des haies et des fossés à de grands open fields, on favorise le ruissellement et donc l'érosion».
Et d'avancer le chiffre de 24 milliards de tonnes de terres érodées par an dans le monde, soit 3,4 tonnes par habitant, quand il faut parfois jusqu'à 2.000 ans pour que la nature fabrique 10 cm de terre fertile.
En France, sur les fonctions liées à l'épuration ou encore l'écoulement de l'eau dans les rivières, on «est déjà dans l'orange ou dans le rouge, en particulier en Ile-de-France, sur le pourtour de la Méditerranée, et autour de presque toutes les grosses villes françaises».
«Mais au niveau mondial, la situation est bien plus alarmante, notamment dans les grands pays émergents, comme la Chine, l'Inde, le Brésil, la nouvelle Russie. On est dans des ordres de grandeur concernant l'érosion ou la contamination par les polluants jusqu'à 4 fois plus élevés qu'en France».
Parallèlement aux mesures d'urgence à prendre, comme repenser l'urbanisme en construisant notamment dans les friches industrielles, il faut développer, selon M. Arrouays, «des outils de surveillance à l'échelle mondiale» sur l'état des sols, ce que se propose de faire la FAO en lançant un Partenariat mondial sur les sols.
L'idéal, selon lui, serait alors «d'avoir une base de données mondiale sur les sols, de façon harmonisée, pour pouvoir prendre le pouls de la planète de la même façon qu'on le fait pour le climat, la désertification, ou la biodiversité».
© 2013 AFP
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