Bruxelles - La très controversée autorisation de culture donnée en mars 2010 à une pomme de terre OGM par la Commission européenne a été annulée vendredi par la justice européenne et cette décision relance les questions sur le processus d'évaluation des risques et les responsabilité données à l'exécutif bruxellois.
Le jugement rendu vendredi par le Tribunal de la Cour de Justice de l'UE constitue un cinglant désaveu pour la Commission européenne.
La Commission européenne a autorisé le 2 mars 2010 la culture et la commercialisation d'Amflora sur la base de plusieurs avis favorables, en 2005, puis en 2009, de l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). L'arrêt du Tribunal stipule que la Commission n'a pas respecté la procédure de consultation des Etats avant de décider le 2 mars 2010 d'autoriser la culture d'Amflora, une pomme de terre transgénique créée par le groupe allemand BASF.
Si la commission avait respecté les règles, le résultat de la procédure aurait pu être différent, car les Etats auraient pu revoir leur position et décider pour ou contre les autorisations demandées, a fait valoir le Tribunal.
L'exécutif bruxellois avait déjà été condamné le 26 septembre par ce même tribunal pour avoir mis en sommeil la demande d'autorisation de culture présentée en 2001 par le groupe américain Pionner pour le TC1507, un maïs OGM.
«La Commission prend note du jugement de ce vendredi et va analyser les conséquences potentielles de cet arrêt pour le maïs 1507», a commenté Fréderic Vincent, porte-parole de Tonio Borg, le commissaire à la Santé responsable du dossier OGM.
BASF a bataillé une décennie pour obtenir l'autorisation de commercialiser dans l'Union européenne Amflora, une pomme de terre génétiquement modifiée, élaborée pour trois usages: industriel (amidon pour la pâte à papier et engrais pour le jus) ; alimentation animale (la pulpe) et présence de résidus jusqu'à 0,9% dans les produits pour l'alimentation humaine. Amflora s'est révélée un échec commercial.
Des questions sans réponse
Mais le jugement du Tribunal ne répond pas à plusieurs questions qui empoisonnent le débat sur les OGM en Europe.
Des sources européennes regrettent ainsi l'absence de débat de fond sur l'indépendance de l'EFSA qui est chargée d'évaluer les risques que représentent les OGM. La Commission s'appuie sur les avis scientifiques de l'EFSA or certains contestent l'objectivité de l'Agence basée à Parme.
Du côté de la Commission, accusée par ses détracteurs de céder aux pressions des géants de l'industrie chimique et agroalimentaire, on tente depuis plusieurs mois de mettre un terme au jeu trouble des gouvernements européens qui refusent d'assumer leurs responsabilités pour les demandes d'autorisation de mise en culture d'OGM et lui imposent d'assumer la décision finale.
La règle en vigueur stipule que si les Etats sont incapables de s'entendre alors la Commission n'a d'autre choix que d'autoriser l'OGM dont une demande de mise en culture a été présentée. Jusqu'à présent, les Etats ne sont jamais parvenus à réunir une majorité qualifiée pour bloquer une demande.
La Commission européenne a mis sur la table une proposition pour permettre aux Etats de refuser la culture d'un OGM sur tout ou dans certaines parties de son territoire. Elle est dans l'impasse, bloquée par la France et le Royaume-Uni.
Un seul OGM est cultivé dans l'UE, le maïs MON810, essentiellement en Espagne et au Portugal. Monsanto a demandé le renouvellement de son autorisation. La décision est toujours à l'étude.
Outre le MON810, cinq autres demandes d'autorisation de mise en culture sont en suspens et attendent le feu vert de l'exécutif bruxellois.
«Rouvrir ce dossier politiquement sensible à six mois des élections européennes, c'est totalement irresponsable» en raison de l'hostilité de l'opinion publique, a confié à l'AFP un négociateur européen.
Elle est d'autant plus incompréhensible que les firmes renoncent. Monsanto a décidé de «ne plus demander d'autorisation de culture pour de nouveaux OGM en Europe» et BASF a abandonné toutes ses pommes de terre génétiquement modifiées après l'échec commercial d'Amflora.
«L’arrêt du Tribunal souligne que la décision prise en janvier 2012 par BASF de réorienter ses activités de biotechnologies végétales vers des marchés d’avenir était la bonne», a commenté vendredi Peter Eckes, président de la division du groupe consacrée à cette activité, après le jugement du tribunal de Luxembourg.
© 2013 AFP
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