samedi 17 mai 2014

Madagascar: une pluie de pesticides pour lutter contre l'invasion de criquets


Amparihibe (Madagascar) - Une gigantesque nuée obscurcit le ciel bleu d'Amparihibe, village des Hauts Plateaux de Madagascar. Mais une pluie de pesticides va éliminer en moins de 24 heures les 6 milliards de criquets de cet essaim géant ravageur de récoltes, qui s'étend sur 800 hectares.
L'Agence des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) n'a pas encore gagné la guerre contre les criquets qui occupent les deux tiers du pays et menacent de malnutrition 13 millions de paysans, même si elle a déjà éliminé une centaine d'essaims ces dernières semaines.
«Le but, c'est de casser l'invasion pour revenir à une période de rémission, c'est-à-dire à un stade où les criquets sont solitaires, et ne se transforment pas en essaims», explique l'acridologue Tsitohaina Andriamaroahina, responsable de la mission.
Pour mener à bien l'offensive de la FAO, trois bases aériennes itinérantes suivent les essaims. Trois hélicoptères et un avion patrouillent tous les jours.
«Quand on vole pour faire la prospection, il y a plusieurs choses à regarder: la direction du vent, la fumée, la position du soleil. C'est en fonction de ça qu'on sait où se trouve l'essaim», explique Hasibelo Rakotovao.
Des colonnes de fumée sont visibles un peu partout dans cette région située à 200 kilomètres à l'ouest de la capitale Antananarivo. Ce sont les feux allumés par les paysans pour tenter de disperser les criquets.
Une fois les insectes repérés, une équipe technique se rapproche le lendemain, avant le lever du jour, avec un camion chargé de pesticides. L'hélicoptère arrive sur zone plus tard, car il a interdiction de voler la nuit. On fixe alors une cuve sous l'appareil.
Il faut faire vite, car l'épandage ne peut avoir lieu qu'à l'aube, lorsque les criquets sont au sol et immobiles, leurs ailes étant alourdies par la rosée du matin. Le pesticide --qui selon les promoteurs de l'opération n'est dangereux que pour les insectes-- agit alors directement sur leur système nerveux.
Mobilisant 90 personnes, l'opération conjointe de la FAO et du Centre national anti-acridien malgache a déjà déversé 500.000 litres de pesticides sur un million d'hectares.

- Sauver les cultures de riz -

Cette opération de grande envergure, la plus vaste depuis quinze ans, est la seule solution pour éradiquer le fléau. A cause de l'inaction du gouvernement, les essaims se sont multipliés de manière incontrôlable ces dernières années, jusqu'à atteindre le stade de l'invasion. Madagascar sort en effet tout juste de cinq années d'une grave crise politique provoquée par le renversement du président Marc Ravalomanana en 2009, qui a privé le pays de l'aide internationale.
«On s'entraide entre voisins mais on n'est pas assez nombreux. On a des criquets jusqu'aux genoux, on ne peut pas faire face. (...) On est obligés d'allumer des feux de brousse car on n'a pas d'autre moyen de chasser ces criquets», soupire Marie Louise Rasoamampionona, une cultivatrice de 50 ans.
Les paysans se plaignent déjà de manquer de riz.
«Les criquets font beaucoup souffrir les paysans, parce que le riz, c’est toute notre vie. Et si cela est détruit, on est perdus, qu'est ce que les paysans vont manger?
Si on mange seulement du manioc, cela ne nous donne pas assez de forces et on ne peut pas travailler, le riz est essentiel pour nous autres agriculteurs», explique Ranaivo, cultivateur à Amparihibe où tous les habitants sont paysans.
La FAO a encore besoin de 10 millions d'euros pour mener à son terme l'opération, estimée à 32 millions, d'ici 2016.Et malgré ses bons résultats, Madagascar n'est pas à l'abri d'une autre invasion acridienne. En cause, le manque de sensibilisation et la déforestation.
«Quand on pratique la déforestation, ça laisse de la savane et ça amène les criquets, les surfaces colonisables augmentent. La déforestation a de très lourdes conséquences», rappelle Tsitohaina Andriamaroahina, le responsable de la mission anti-criquets.
A Madagascar, environ 200.000 hectares de forêts disparaissent tous les ans. 90% de la forêt primaire a déjà disparu.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire