Argentan (France) - Après 202 journées de blocage, les
écologistes ont remporté une première victoire mercredi en obtenant de
la justice la fermeture de la décharge ouverte par la société de
recyclage GDE à proximité du prestigieux haras du Pin en Normandie.
Au
terme d'une audience de plus de six heures dans la nuit de mardi à
mercredi, le tribunal correctionnel d'Argentan a donné raison à deux
organisations écologistes en estimant que GDE avait entreposé
illégalement des morceaux de pneus dans cette décharge située à
Nonant-le-Pin (Orne).
GDE a annoncé son intention de faire appel.
«C'est
une grande bataille gagnée même si on n'est pas au bout de la guerre», a
déclaré à l'AFP Noëlle Sandoz, présidente de Nonant Environnement,
l'une des associations qui bloquent les accès à la décharge depuis fin
octobre avec une vingtaine de personnes présentes en permanence. La
question de la levée du blocage est désormais «en train de se poser»,
a-t-elle dit.
Ouverte légalement le 22 octobre 2013, la décharge
n'a été exploitée que deux jours avant d'être bloquée par des opposants
qui disent redouter la pollution de terres de réputation internationale
pour l'élevage équin.
Les deux associations France nature
environnement (FNE) et le Centre national d'information indépendante sur
les déchets (Cniid), qui poursuivaient GDE, ont obtenu que la société
soit condamnée à leur verser une amende de 10.000 euros.
Pendant
l'audience, des morceaux de pneus, certains mesurant un mètre et
récupérés sur place par des huissiers de justice, ont été montrés au
tribunal, alors que selon la loi, les pneumatiques doivent faire l'objet
d'un recyclage spécifique.
Alexandre Faro, l'avocat de FNE, a
accusé GDE d'avoir intentionnellement entreposé ces morceaux de pneus
pour des raisons économiques: broyer les carcasses d'automobiles sans
ôter les pneumatiques au préalable, ce qui entraîne des coûts de main
d'oeuvre.
- 1.856 tonnes entreposées en deux jours -
En
réponse, l'avocat de GDE, Louis-Narito Harada, a reconnu la présence de
«quelques résidus de pneumatiques» mais expliqué que les techniques
actuelles ne permettaient pas de séparer ces déchets des carcasses
d'automobiles.
GDE a fait part de sa«stupéfaction» à l'égard de ce jugement «incompréhensible».
«Nous
allons continuer de travailler et de nous battre pour démontrer que
notre site est en tout point conforme à la réglementation, en tout point
exemplaire et nous sommes convaincus que nous obtiendrons gain de
cause», a déclaré dans un communiqué Guillaume Dauphin, membre du
directoire de GDE.
L'avocat de France nature environnement a
souligné que l'entreprise avait déjà fait, à trois reprises, l'objet de
mises en demeure depuis 2009 exactement pour le même problème
d'entreposage de déchets de pneus sur ses sites.
Mme Sandoz, de
Nonant environnement, a estimé que le jugement «ouvre un boulevard» à la
ministre de l'Ecologie Ségolène Royal, qui peut selon elle désormais
s'appuyer sur des éléments juridiques pour suspendre l'autorisation
administrative d'exploiter attribuée en 2011 à GDE.
En février, le
préfet de l'Orne a mis en demeure l'entreprise de retirer les 1.856
tonnes de déchets entreposés pendant les deux journées d'exploitation du
site. GDE a contesté cet arrêté préfectoral.
La décharge devait
recueillir quelque 2,34 millions de tonnes de déchets industriels en 17
années d'exploitation. Basé à Rocquancourt (Calvados), GDE se présente
comme un des leaders du recyclage en France, avec plus de 80 sites.
Le jugement a été salué par des politiques de gauche comme de droite.
«C'est
une excellente nouvelle et une grande victoire de la résistance des
citoyens», s'est félicitée l'eurodéputée Karima Delli, tête de liste
Europe Ecologie dans la circonscription nord-ouest.
«J’avais
déclaré qu’il fallait résister et sortir les fourches et les faux. Je
suis heureux que le combat mené avec pugnacité face à la bêtise et
l’injustice l’ait emporté», a estimé le député de l'Eure Hervé Morin.
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