samedi 17 mai 2014

securite prevention Sécurité - Prévention - Accidents du travail - Risques Le Lâcher de moustiques OGM autorisé et bientôt commercialisé au Brésil (Par Jean-Charles BATENBAUM)

La Commission brésilienne en charge des OGM, la CTNBio, a autorisé, le 10 avril dernier, la dissémination commerciale dans l’environnement du moustique Aedes aegypti transgénique (OX513A) de l’entreprise britannique Oxitec.

La Commission brésilienne en charge des OGM, la CTNBio, a autorisé, le 10 avril dernier, la dissémination commerciale dans l’environnement du moustique Aedes aegypti transgénique (OX513A) de l’entreprise britannique Oxitec.
Il s’agit d’un moustique transgénique stérile, qui est censé permettre de lutter contre la dengue, une maladie qui fait encore de nombreuses victimes dans les pays tropicaux. Mais c’est aussi et surtout le premier animal transgénique qui est autorisé en vue d’être disséminé à grande échelle dans l’environnement.

D’autres stratégies ont été proposées et sont sur le point d’être commercialisées. Ainsi, Oxitec, une entreprise britannique en étroite relation avec Syngenta, propose des moustiques transgéniques stériles qui permettraient de « contrôler » la population des moustiques vecteurs. Des essais en champs ont été réalisé par Oxitec : 6000 moustiques GM lâchés en Malaisie en 2010, trois millions de moustiques GM dans les îles Caïmans et plusieurs essais au Brésil. Curieusement, les essais prévus en Floride (États-Unis) n’ont jamais eu lieu. Au Brésil, la première autorisation commerciale pour ces moustiques GM vient donc d’être accordée, peut-on lire dans un communiqué de presse.
Le Lâcher de moustiques OGM autorisé et bientôt commercialisé au Brésil

Contrairement au Haut conseil sur les biotechnologies en France, la CTNBio au Brésil ne se contente pas d’évaluer les demandes d’autorisation, mais est décisionnaire. Pour que cette autorisation soit effective, elle doit être publiée au Journal officiel et à l’instar du catalogue des variétés pour les plantes génétiquement modifiées, ce moustique GM doit être enregistré par l’Anvisa, l’agence nationale de surveillance sanitaire. Mais d’après Gabriel B. Fernandes, de l’AS-PTA, une ONG qui défend l’agriculture familiale au Brésil, cette agence ne peut qu’exécuter les décisions de la CTNBio.
Cette décision inquiète de nombreuses organisations, écologistes, agricoles, sociales, etc. selon elles, aucun plan de suivi post-commercial n’est fourni par l’entreprise, et les soi-disant « résultats probants » des essais en champs n’ont pas été publiés. Par ailleurs, la procédure d’autorisation n’est pas respectée : le public n’a pas été correctement consulté.
Les ONG mentionnent encore dans leur critique qu’Oxitec n’a pas pris en compte le fait que la technique, si elle est partiellement ou temporairement efficace, peut engendrer des effets graves sur l’immunité humaine. Deux cas ont été envisagés par les ONG critiques vis-à-vis de ce projet.
Voici, selon eux, ce qui pourrait se produire :
·         Premier cas : si le lâcher de moustiques GM est efficace temporairement, alors l’immunité humaine contre la dengue peut baisser et entraîner des dégâts au moment d’un retour de la dengue (ce qu’on appelle l’effet rebond). Ce risque à long terme ne semble pas trop poser de problème car l’efficacité de ces lâchers est loin d’être prouvée...
·         Second cas : si l’efficacité n’est que partielle, le risque est encore plus grand. Tout d’abord, il faut savoir qu’il existe cinq sérotypes de la dengue, certains mortels, d’autre moins. Or, dans les zones où la dengue est endémique, plusieurs sérotypes se côtoient. La recherche académique soutient qu’une personne infectée par un sérotype, puis, ultérieurement, par un second, a un risque plus grand de contracter une forme la plus grave de la maladie, potentiellement létale, de la dengue : la dengue hémorragique. De plus, dans les zones où les risques de transmissions sont élevés, et donc là où les personnes sont piquées très souvent, une succession rapide de deux piqûres par deux sérotypes différents peut favoriser le développement d’une immunité croisée. Ainsi, pour Helene Wallace, de GM Watch, réduire seulement partiellement la fréquence de piqûres de moustiques peut réduire cette acquisition d’immunité croisée. Or, l’approche transgénique n’est pas efficace à 100%, soutient-elle. Donc lâcher des moustiques GM ne permettra pas d’éliminer la population des moustiques vecteurs, mais simplement réduire, de fait, le nombre de morsures... entraînant de facto une baisse de l’immunité croisée. « Ce risque n’a pas été pris en compte dans les évaluations faites par Oxitec, bien qu’il soit mentionné dans les projets d’évaluation des risques dans les demandes d’essais en Floride ». Mais, ajoute H. Wallace, si en Floride il n’existe pas de dengue endémique, il n’en va pas de même au Brésil... où paradoxalement ces impacts n’ont pas été étudiés. Impossible donc d’estimer les risques.
« Comme pour la faim dans le monde, l’éradication des grandes épidémies ne se fera pas à l’aide d’une simple technique. Ce sont des politiques agricoles, pour l’une, et sanitaires, pour l’autre, qui auront des réels impacts. Certes, mais pourquoi ne pas cumuler les deux stratégies, répondront les partisans des modifications génétiques... D’une part, car les ressources utilisées par les pouvoirs publics pour l’achat et la gestion de plusieurs milliers, voire millions de moustiques GM, ne pourront pas être mises dans d’autres secteurs », estiment les ONG. Affaire à suivre…

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