La
Commission brésilienne en charge des OGM, la CTNBio, a autorisé, le 10
avril dernier, la dissémination commerciale dans l’environnement du
moustique Aedes aegypti transgénique (OX513A) de l’entreprise
britannique Oxitec.
Il
s’agit d’un moustique transgénique stérile, qui est censé permettre de
lutter contre la dengue, une maladie qui fait encore de nombreuses
victimes dans les pays tropicaux. Mais c’est aussi et surtout le premier
animal transgénique qui est autorisé en vue d’être disséminé à grande
échelle dans l’environnement.
D’autres
stratégies ont été proposées et sont sur le point d’être
commercialisées. Ainsi, Oxitec, une entreprise britannique en étroite
relation avec Syngenta, propose des moustiques transgéniques stériles
qui permettraient de « contrôler » la population des moustiques
vecteurs. Des essais en champs ont été réalisé par Oxitec : 6000
moustiques GM lâchés en Malaisie en 2010, trois millions de moustiques
GM dans les îles Caïmans et plusieurs essais au Brésil. Curieusement,
les essais prévus en Floride (États-Unis) n’ont jamais eu lieu. Au
Brésil, la première autorisation commerciale pour ces moustiques GM
vient donc d’être accordée, peut-on lire dans un communiqué de presse.
Le Lâcher de moustiques OGM autorisé et bientôt commercialisé au Brésil
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Contrairement
au Haut conseil sur les biotechnologies en France, la CTNBio au Brésil
ne se contente pas d’évaluer les demandes d’autorisation, mais est
décisionnaire. Pour que cette autorisation soit effective, elle doit
être publiée au Journal officiel et à l’instar du catalogue des variétés
pour les plantes génétiquement modifiées, ce moustique GM doit être
enregistré par l’Anvisa, l’agence nationale de surveillance sanitaire.
Mais d’après Gabriel B. Fernandes, de l’AS-PTA, une ONG qui défend
l’agriculture familiale au Brésil, cette agence ne peut qu’exécuter les
décisions de la CTNBio.
Cette
décision inquiète de nombreuses organisations, écologistes, agricoles,
sociales, etc. selon elles, aucun plan de suivi post-commercial n’est
fourni par l’entreprise, et les soi-disant « résultats probants » des
essais en champs n’ont pas été publiés. Par ailleurs, la procédure
d’autorisation n’est pas respectée : le public n’a pas été correctement
consulté.
Les
ONG mentionnent encore dans leur critique qu’Oxitec n’a pas pris en
compte le fait que la technique, si elle est partiellement ou
temporairement efficace, peut engendrer des effets graves sur l’immunité
humaine. Deux cas ont été envisagés par les ONG critiques vis-à-vis de
ce projet.
Voici, selon eux, ce qui pourrait se produire :
· Premier
cas : si le lâcher de moustiques GM est efficace temporairement, alors
l’immunité humaine contre la dengue peut baisser et entraîner des dégâts
au moment d’un retour de la dengue (ce qu’on appelle l’effet rebond).
Ce risque à long terme ne semble pas trop poser de problème car
l’efficacité de ces lâchers est loin d’être prouvée...
· Second
cas : si l’efficacité n’est que partielle, le risque est encore plus
grand. Tout d’abord, il faut savoir qu’il existe cinq sérotypes de la
dengue, certains mortels, d’autre moins. Or, dans les zones où la dengue
est endémique, plusieurs sérotypes se côtoient. La recherche académique
soutient qu’une personne infectée par un sérotype, puis,
ultérieurement, par un second, a un risque plus grand de contracter une
forme la plus grave de la maladie, potentiellement létale, de la dengue :
la dengue hémorragique. De plus, dans les zones où les risques de
transmissions sont élevés, et donc là où les personnes sont piquées très
souvent, une succession rapide de deux piqûres par deux sérotypes
différents peut favoriser le développement d’une immunité croisée.
Ainsi, pour Helene Wallace, de GM Watch, réduire seulement partiellement
la fréquence de piqûres de moustiques peut réduire cette acquisition
d’immunité croisée. Or, l’approche transgénique n’est pas efficace à
100%, soutient-elle. Donc lâcher des moustiques GM ne permettra pas
d’éliminer la population des moustiques vecteurs, mais simplement
réduire, de fait, le nombre de morsures... entraînant de facto une
baisse de l’immunité croisée. « Ce risque n’a pas été pris en compte
dans les évaluations faites par Oxitec, bien qu’il soit mentionné dans
les projets d’évaluation des risques dans les demandes d’essais en
Floride ». Mais, ajoute H. Wallace, si en Floride il n’existe pas de
dengue endémique, il n’en va pas de même au Brésil... où paradoxalement
ces impacts n’ont pas été étudiés. Impossible donc d’estimer les
risques.
« Comme
pour la faim dans le monde, l’éradication des grandes épidémies ne se
fera pas à l’aide d’une simple technique. Ce sont des politiques
agricoles, pour l’une, et sanitaires, pour l’autre, qui auront des réels
impacts. Certes, mais pourquoi ne pas cumuler les deux stratégies,
répondront les partisans des modifications génétiques... D’une part, car
les ressources utilisées par les pouvoirs publics pour l’achat et la
gestion de plusieurs milliers, voire millions de moustiques GM, ne
pourront pas être mises dans d’autres secteurs », estiment les ONG.
Affaire à suivre…
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