« Non seulement leur nombre reste stable, mais les concentrations ne faiblissent pas non plus, souligne Martin Guespereau, directeur général de cet établissement public. Leurs taux atteignent parfois jusqu’à 200 fois la norme de l’eau potable. Je veux insister sur ce constat inquiétant. »
L’agence
de l’eau RMC couvre 25 % du territoire français et 13 000 km de cours
d’eau, elle représente 14 millions d’habitants, 20 % de l’activité
agricole et industrielle nationale, ce qui la rend relativement
représentative du territoire français. Or
son constat est irréfutable : alors que la pollution venue des
agglomérations diminue grâce à l’amélioration des stations d’épuration,
le chantier des pesticides en revanche est en panne : 15 millions d’analyses réalisées régulièrement pendant ces six dernières années le montrent. 36 PESTICIDES INTERDITS
Mais
il y a pire : dans un quart des analyses, on retrouve des substances
prohibées, pour certaines depuis dix ans. Sur cette palette de
pesticides, l’agence en a identifié 36 interdits depuis
au moins 2008. Et il apparaît clairement qu’il ne s’agit pas de
quelques traces persistantes, mais bien d’utilisations renouvelées. Les
prélèvements effectués six à douze fois par an indiquent en effet des
pics au moment des épandages d’herbicides.
Les concentrations
records de terbuthylazine, de simazine et d’atrazine correspondent
systématiquement à la saison de traitement des vignobles et des grandes
cultures. Dans certaines stations des zones viticoles du Beaujolais et
de Bourgogne, ainsi que du Languedoc-Roussillon, ces substances sont présentes dans plus de la moitié de leurs analyses.On trouve en particulier du glyphosate dans les trois quarts des rivières du Sud-Est ! Pas étonnant puisqu’il s’agit du principe actif du Roundup, un produit-phare en tête des ventes de pesticides dans les bassins Rhône-Méditerranée et de Corse où il s’en vend… plus de 4 000 tonnes par an.
Le sous-sol n’échappe pas à la contamination. Ces six dernières années, les pesticides ont rendu 58 nappes souterraines impropres à la fourniture d’eau potable. Principal accusé cette fois : l’atrazine pourtant interdite depuis 2003.
Or rappelle Martin Guespereau : « Les herbicides continuent leur vie dans les cours d’eau, où ils ont un effet dévastateur sur les petits invertébrés et la flore aquatique. Ils sont donc dévastateurs pour les fonds de rivière qui ne peuvent plus remplir leur rôle de filtre vis-à-vis de la pollution. Ces phytosanitaires peuvent en outre générer des proliférations de bactéries toxiques, » alerte-t-il.
DÉSÉQUILIBRES BIOLOGIQUES
Les pesticides sont les principaux responsables du déclassement des cours d’eau dans ce vaste secteur du Sud-Est, juste avant l’altération physique des cours d’eau. Lorsqu’une rivière perd son régime naturel, lorsque ses rives sont bétonnées, lorsqu’elle est coupée par de multiples ouvrages et que son débit pâtit d’importants prélèvements hydroliques, la vie de la faune et de la flore est perturbée. Non seulement ces déséquilibres biologiques apparaissent dans 60 % des cas, selon l’agence, mais la défiguration des lits de rivière aggrave les inondations.
Les comparaisons avec les autres régions françaises sont difficiles, car l’agence RMC est la seule à faire preuve d’autant de transparence. Cette dernière estime cependant que, selon les critères de la directive-cadre européenne sur l’eau de 2000, la moitié de ses cours d’eau peut être considérée comme en « bon état écologique ».
Globalement, 16 % d’entre eux ont progressé en quatre ans. Les poissons sont partiellement de retour dans l’axe rhodanien, notamment des jeunes anguilles. Il y a moins de rivières classées « médiocres » qu’en 2008, mais la catégorie « très bon état » reste bien peu fournie.
Comme il serait dommage de ne pas saluer les efforts accomplis, au risque de décourager tous les acteurs, l’agence RMC lance un label « Rivière en bon état » que les élus locaux ne manqueront pas d’installer au bord de leurs routes à partir du printemps 2015. Si la qualité de leurs rus et torrents le mérite et maintient au moins trois années consécutives.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire