vendredi 1 janvier 2016

Lancement d'un plan national pour développer et gérer durablement l'agroforesterie

Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a lancé ce 17 décembre le plan quinquennal de développement de l'agroforesterie 2015-2020, inscrit au cœur du projet agro-écologique français depuis fin 2012, cher au ministre.
Technique ancestrale, l'agroforesterie consiste à associer productions au sol (élevage ou culture) et arbres sur une même parcelle. Plusieurs systèmes existent : sylvopastoralisme, pré-vergers, bocages, cultures intercalaires en vergers fruitiers, truffiers, noyeraies, vignes … Production de bois et de fourrage, réduction des besoins en produits phytosanitaires, séquestration du carbone, protection de la biodiversité, gestion durable de l'eau, lutte contre l'érosion des sols… Les avantages "économiques et écologiques" de ces pratiques sont nombreux.
Les systèmes agroforestiers "agissent positivement sur le sol, l'eau, la biodiversité et le climat", a souligné M. Le Foll. Les arbres et les haies dans les champs permettent d'obtenir une diversité des espèces et des habitats favorables aux insectes auxiliaires des cultures et aux pollinisateurs.
Les arbres ont la capacité d'absorber le CO2 et, durant leur phase de croissance, de stocker le carbone. Ils participent "donc à atténuer les effets du changement climatique. L'agroforesterie est également une composante essentielle de l'initiative « 4 pour 1000 », par enrichissement du sol en matières organiques et stockage du carbone", a-t-il ajouté. Lorsque des espèces fixatrices d'azote (comme l'acacia) sont utilisées en association, les arbres peuvent aussi contribuer à l'alimentation azotée de la culture et réduire l'utilisation d'intrants de synthèse. L'agroforesterie permet également "la création de conditions favorables à l'augmentation des rendements", a indiqué le ministre. Une expérimentation menée par l'Inra sur un système blé-noyers dans l'Hérault a montré qu'une parcelle agroforestière de 100 ha pouvait produire autant de biomasse (bois et produits agricoles) qu'une parcelle de 136 ha où arbres et cultures auraient été séparés, soit "un gain de 36%".
Développer ces pratiques méconnues
Décliné en cinq axes et 23 actions, ce plan entend "donner une impulsion décisive" pour encourager ces pratiques, en recul dans de nombreuses régions qui abandonnent l'élevage. En 2014, la surface totale de haies et d'alignements d'arbres représenterait près d'1 million ha en France (hors outre-mer). Un chiffre en baisse de 6% par rapport à 2006. Les surfaces des pré-vergers (pommiers, poiriers, noyers) estimées à 165.000 ha, ainsi que les bosquets auraient également régressé de 21.000 ha par an entre 2012 et 2014. "Ce plan doit permettre d'inverser cette dynamique", a indiqué Pierre Schwartz, sous-directeur "Performance environnementale et valorisation des territoires" au ministère. "Il est difficile de dire avec précision si, au niveau national, le solde entre arrachages de haies et replantations est aujourd'hui positif ou négatif, et plus encore au niveau régional".
"Intégré dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone", ce plan vise à densifier le bocage pour contribuer à l'atténuation du changement climatique : "Notre ambition est de passer de 500.000 ha de haies aujourd'hui à 700.000 ha à l'horizon 2035 ", a précisé M. Schwartz. S'agissant des plantations intra-parcellaires : 122.000 ha sont également prévus en 2035, contre 3.000 ha recensés début 2015. "L'agroforesterie doit également s'inscrire dans le nouveau plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) en 2016", a-t-il ajouté.
Le plan vise à mieux faire connaître ces pratiques, via la mise en place d'un observatoire de l'agroforesterie sous l'égide du ministère, afin de mettre en commun les données et outils de suivi permettant de décrire les systèmes agroforestiers et les pratiques associées.
Il prévoit également de renforcer la coordination des actions des organismes concernés (instituts de recherche ou chambres d'agriculture) et de constituer un réseau de fermes agroforestières de référence. "Il s'agit de démontrer par l'exemple" , a indiqué M. Schwartz, afin de mesurer l'impact sur les rendements. Le ministère s'inspire du réseau des fermes pilotes "Dephy" sur les pratiques économes en produits phytosanitaires. "On a besoin d'expérimentations pour créer la dynamique de diffusion [de ces pratiques]", a indiqué M. Le Foll.
Structurer la filière et valoriser les produits
Ce plan vise également à structurer la filière autour d'une association nationale unique (rapprochement entre l'Association française d'agroforesterie (Afaf) et l'Association française de l'arbre champêtre et des agroforesteries (Afac-Agroforesteries)) et d'un réseau de conseillers agroforestiers : "Au moins un conseiller dans chaque département", a précisé M. Schwartz .La formation dans l'enseignement agricole sera également renforcée : "Il est maintenant stratégique d'y acter la place de l'agroforesterie".
L'objectif est aussi de mieux valoriser les produits via des outils de distinction commerciale : mention "bois agroforestier géré durablement", label "végétal local", synergies avec les produits sous signe de qualité (exemples de plantations de haies dans des vignobles en AOC).
Pas d'enveloppe budgétaire mais des aides de la PAC
Ce plan quinquennal n'est pas doté d'une enveloppe financière. "Nous sommes dans un contexte de dépenses publiques limitées", a déploré le ministre. Les systèmes agroforestiers reconnus peuvent bénéficier d'aides directes de la Politique agricole commune (PAC) 2015-2020 au titre des bonnes conditions agro-environnementales et des aides indirectes du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) qui est sous la responsabilité des Régions. Mais "à ce jour, la moitié des Régions a retenu la mesure agroforesterie", précise le ministère. Dans le cadre du plan, "un certain nombre de dispositions de la PAC doivent être encore améliorées" afin de soutenir la filière. Des leviers fiscaux en faveur des plantations agroforestières ainsi que la "sécurisation du foncier" seront également étudiés.
Un comité de pilotage, présidé par le ministère et rassemblant des représentants de l'administration et des partenaires associés, sera mis en place au premier semestre 2016. Il sera chargé du suivi et de l'évaluation de la mise en œuvre des actions du plan. Les indicateurs de moyens et/ou de résultats seront précisés pour chaque action.

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