SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat
le 1er juillet 2014
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PROPOSITION DE LOI
visant à
décentraliser l'application de la
loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à
l'aménagement, la protection et la mise en valeur du
littoral,
PRÉSENTÉE
Par MM. Raymond COUDERC, Jean BIZET, Philippe BAS, Charles
REVET, Roger KAROUTCHI, André TRILLARD, René BEAUMONT, Mmes
Colette GIUDICELLI, Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Robert LAUFOAULU,
Jean-Pierre CHAUVEAU, Jean-Pierre VIAL et Serge DASSAULT,
Sénateurs
(Envoyée à la commission du
développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de
l'aménagement du territoire, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Adoptée à l'unanimité le 3 janvier 1986,
l'application de la loi relative à l'aménagement, la protection
et la mise en valeur du littoral (loi littoral) a permis d'endiguer le
développement incontrôlé de l'immobilier et de
préserver la biodiversité sur les côtes françaises.
À ce titre, ce texte doit être considéré comme un
texte précurseur en matière de développement durable et
son bienfondé ne saurait être remis en cause.
Pour autant, l'interprétation trop restrictive de ce texte
par un juge administratif qui fait systématiquement prévaloir la
protection de l'environnement sur toute autre considération de
développement des territoires littoraux, est contraire à l'esprit
initial du législateur. Nos collègues Mme Odette HERVIAUX et M.
Jean BIZET, dans leur rapport d'information relatif à la loi littoral
déposé le 21 janvier 2014, soulignaient que :
« les collectivités ont perdu le pouvoir d'impulser une
vision de bord de mer : au lieu d'être une zone d'aménagement
du territoire, le littoral est devenu le terrain d'une confrontation
juridictionnelle entre des intérêts
divergents ».
Il n'existe pas un littoral mais des littoraux dont
découle une pluralité de situations. L'absence de
déclinaisons territoriales de l'application de la loi littoral, pourtant
prévues par le législateur en 1986, conduit à des
situations ubuesques. Ainsi, il peut arriver que les terrains d'une même
rue soient d'un côté situés sur une commune littoral, et de
l'autre, sur le périmètre d'une commune limitrophe
échappant aux dispositions de la loi. À l'inverse, il peut
arriver, comme c'est le cas pour la commune de Portiragnes, que l'application
de la loi soit la même pour le territoire de Portiragnes-plage ou le
territoire de Portiragnes-Village, situé pourtant
cinq kilomètres plus loin dans les terres.
L'absence de territorialisation de la loi littoral est d'une part
injuste, car elle fait peser des contraintes inégales sur nos
concitoyens et, d'autre part, nuit au développement de nos territoires.
Depuis trente ans, l'absence de confiance de l'administration en la
capacité des élus à développer des initiatives
locales susceptibles de concilier la préservation de la nature et de
répondre aux besoins économiques de nos concitoyens nuit à
la mise en oeuvre sereine de la loi littoral. Il est du devoir du
législateur d'y remédier afin de restaurer l'esprit initial de la
loi.
Suivant les conclusions des travaux issus de la mission
d'information sur la loi Littoral, la proposition de loi vise à
créer des chartes régionales d'aménagement, afin de
permettre une adaptation décentralisée de la loi littoral.
L'élaboration des chartes régionales d'aménagement, dont
il est prévu qu'elles puissent être élaborées
à l'initiative du conseil régional ou d'au moins 30 % des
communes littorales de la région, permettra de prendre en compte la
diversité des littoraux de notre pays.
Les chartes régionales d'aménagement seront
élaborées en association avec l'État, les
départements, les communes et les groupements à fiscalité
propre et, conformément aux recommandations établies par la
mission d'information sur le littoral conduite par Mme Odette HERVIAUX et
M. Jean BIZET, le Conseil national de la mer et du littoral se voit
confier un rôle d'arbitre dans l'élaboration de ces projets de
charte.
Les chartes d'aménagement établies s'imposeront aux
documents d'urbanisme de rang inférieur (schémas de
cohérence territoriale, plans locaux d'urbanisme) à l'instar des
directives territoriales d'aménagement (DTA) prévues par la loi
n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire.
La présente proposition de loi, en créant des
chartes régionales d'aménagement, facilitera l'application de la
loi littoral en permettant aux élus locaux, en concertation avec
l'État, les départements et les associations de trouver un
équilibre juste entre préservation de notre littoral et
développement économique.
Tel est l'objet de la proposition de loi que je vous demande
d'adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Le titre Ier du livre Ier du code de
l'urbanisme est complété par un chapitre IV ainsi
rédigé :
« CHAPITRE IV
« Chartes régionales
d'aménagement
« Art. L. 114-1. - Des
chartes régionales d'aménagement peuvent préciser, pour
l'ensemble du territoire régional, les modalités d'application
des dispositions particulières au littoral figurant au chapitre VI du
titre IV du présent livre, adaptées aux particularités
géographiques locales. Les dispositions des chartes régionales
d'aménagement s'appliquent aux personnes et opérations
mentionnées au chapitre VI du titre IV du présent livre.
« Les schémas de cohérence territoriale
et les schémas de secteur et, en l'absence de schéma de
cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les documents
d'urbanisme en tenant lieu et les cartes communales, doivent être
compatibles avec les chartes régionales d'aménagement.
« Art. L. 114-2. - Le
projet de charte régionale d'aménagement est
élaboré par le conseil régional, à son initiative
ou à l'initiative d'au moins 30 % des communes littorales de la
région au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement, et
après consultation du conseil économique, social et
environnemental régional.
« Le projet de charte régionale
d'aménagement est élaboré en association avec
l'État, les départements, les communes ou leurs groupements
à fiscalité propre ainsi que les établissements publics
mentionnés à l'article L. 122-4 du présent code. Il est
soumis pour avis à ces collectivités territoriales et
établissements publics, aux associations mentionnées à
l'article L. 121-5 du présent code lorsqu'elles en effectuent la
demande et au représentant de l'État dans la région. Cet
avis est réputé favorable s'il n'a pas été rendu
par écrit dans un délai de trois mois à compter de leur
saisine.
« Le projet de charte régionale
d'aménagement est soumis à enquête publique dans les
conditions définies au chapitre III du titre II du livre Ier
du code de l'environnement. Le dossier soumis à enquête publique
comprend en annexe les avis recueillis en application de l'alinéa
précédent.
« Après l'enquête publique, le projet de
charte régionale d'aménagement, éventuellement
modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au
dossier, des observations du public et des conclusions du
commissaire-enquêteur ou de la commission d'enquête, est
approuvé par le conseil régional sur avis conforme du Conseil
national de la mer et du littoral qui se prononce dans les six mois suivant sa
saisine. Le Conseil national de la mer et du littoral doit être saisi du
projet de charte régionale d'aménagement dans un délai de
trois ans suivant la décision de son élaboration.
« Art. L. 114-3. - Le
conseil régional peut déléguer l'élaboration du
projet de charte régionale d'aménagement à une structure
spécialement créée à cet effet ou à une
structure existante qu'il désigne. La structure
délégataire est présidée par un élu
local.
« Le conseil régional détermine les
conditions dans lesquelles la structure délégataire associe
l'État, les collectivités territoriales et les
établissements publics mentionnés à l'article L. 114-2,
à l'élaboration du projet de charte régionale
d'aménagement.
« Art. L. 114-4. - Le
Conseil national de la mer et du littoral détermine les conditions dans
lesquelles les dispositions de la charte régionale d'aménagement
sont applicables aux communes incluses dans le périmètre d'un
schéma de mise en valeur de la mer ou d'une directive territoriale
d'aménagement maintenue en vigueur après la publication de la loi
n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour
l'environnement.
« Art. L. 114-5. - Pour la
révision de la charte régionale d'aménagement, la
procédure définie aux articles L. 114-2 à L 114-4 est
applicable. La révision d'une charte d'aménagement ne peut
être demandée dans les deux ans suivant son adoption ou la
révision précédente.
« Art. L. 114-6. - Le
présent chapitre ne s'applique ni en Corse ni dans les régions
d'outre-mer. »
II. - Le 1° de l'article L. 121-10 du code de
l'urbanisme est complété par les mots : «, les chartes
régionales d'aménagement et les directives territoriales
d'aménagement et de développement durables ; ».
III. - L'article L. 146-1 du code de l'urbanisme
est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa est ainsi
rédigé :
« Les directives territoriales d'aménagement
prévues à l'article L. 111-1-1 et les chartes
régionales d'aménagement prévues à l'article
L. 114-1 peuvent préciser les modalités d'application du
présent chapitre. Les directives territoriales d'aménagement sont
établies par décret en Conseil d'État après avis ou
sur proposition des conseil régionaux intéressés et
après avis des départements et des communes ou groupements de
communes concernés. Les chartes régionales d'aménagement
sont établies par les conseils régionaux dans les conditions
définies aux articles L. 114-2 à
L. 114-6. » ;
2° À la première phrase du dernier
alinéa, après les mots :
« d'aménagement », sont insérés les
mots : « et les chartes régionales
d'aménagement ».
Article 2
La perte de recettes résultant pour les
collectivités territoriales du présent article est
compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation
globale de fonctionnement.
La perte de recettes résultant pour l'État du
paragraphe précédent est compensée, à due
concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts.
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