La France vient d'étendre son domaine maritime de 579.000 km2, près
de l'équivalent de la superficie de l'Hexagone, un atout pour Paris qui
accroît ainsi ses droits souverains sur les ressources du sol et du
sous-sol marin en vue d'une exploitation future.
Quatre décrets
ont été publiés fin septembre au Journal Officiel (JO) fixant les
limites extérieures du plateau continental français au large de la
Martinique et de la Guadeloupe, de la Guyane, des îles Kerguelen et de
la Nouvelle-Calédonie.
C'est en effet grâce à ses territoires
d'outre-mer que la France peut revendiquer la deuxième place en termes
de puissance maritime, juste derrière les Etats-Unis, avec 11 millions
de km2 de Zone économique exclusive (ZEE).
La publication de ces
textes fait suite aux recommandations en ce sens de la Commission des
limites du plateau continental (CLPC), un organe établi par la
convention des Nations unies sur le droit de la mer (1982).
Cette
convention, dite de Montego Bay, permet aux pays côtiers d'étendre leur
plateau continental au-delà des 200 milles marins (environ 370 km) de
leur ZEE - jusqu’à une limite maximale de 350 milles - s’ils démontrent
que leur territoire terrestre se prolonge sur le fond des océans.
Les
droits d'un Etat sur cette zone ne s'exercent cependant que sur le sol
et le sous-sol marin et non sur la colonne d'eau, qui reste du domaine
international.
«Il y a sûrement un enjeu de souveraineté, mais
l'enjeu principal c'est l'exploitation des ressources du sol et du
sous-sol marin», explique à l'AFP Walter Roest, ancien responsable
auprès de l'Ifremer du programme national d'extension raisonnée du
plateau continental (Extraplac), et aujourd'hui membre de la CLPC.
Certains
pays ont commencé à mener des campagnes d'exploration dans ces zones,
mais aucun n'est pour l'instant en mesure d'exploiter les richesses qui
pourraient s'y trouver, tels des hydrocarbures, sulfures hydrothermaux,
encroûtements cobaltifères, nodules polymétalliques, ressources
biologiques ou terres rares, des métaux au coeur des nouvelles
technologies.
- Générations futures -
La possibilité offerte aux Etats d'accéder à des ressources naturelles du sol et du sous-sol marin ouvre cependant les appétits.
Mais
«mettre les pieds dans l'eau, c'est souvent dix fois plus cher que de
rester à terre», souligne Antoine Rabain, spécialiste en économie
maritime au sein d’Indicta, la nouvelle division conseil et études
stratégiques du cabinet Mprime Energy.
Malgré cet écueil, «la
quasi-totalité des marchés de l'économie maritime sont en croissance, un
phénomène assez inédit dans le contexte économique actuel»,
ajoute-t-il.
La France a ainsi déjà investi 25 millions d'euros
depuis 2003 pour étendre son plateau continental, un budget «parmi les
plus modestes des grands pays maritimes», note cependant Walter Roest,
qui cite des enveloppes de 100 millions d'euros pour le Danemark, 150
pour le Canada, 200 pour la Russie et même 750 pour le Japon.
«On travaille vraiment pour les générations futures», assure-t-on au ministère des Affaires étrangères.
Des
générations futures qui devront cependant s'acquitter d'une taxe
pouvant aller jusqu'à 12% des profits issus de l'exploitation de ces
ressources et destinée à venir en aide aux pays en développement.
Les
zones concernées par ces extensions en France portent sur une
superficie de 423.000 km2 au large des îles Kerguelen, de 76.000 km2 au
large de la Nouvelle-Calédonie, de 72.000 km2 au large de la Guyane et
de 8.000 km2 au large de la Martinique et de la Guadeloupe.
La
CLPC doit encore se prononcer sur les demandes relatives à Crozet, La
Réunion, Saint-Paul et Amsterdam, Wallis et Futuna et
Saint-Pierre-et-Miquelon. Un dossier reste à déposer concernant la
Polynésie française.
Si toutes les demandes soumises par la
France étaient validées, le domaine maritime sous juridiction française
pourrait augmenter d'au «moins un million de km2», assure Benoît
Loubrieu, autre chercheur de l'Ifremer, impliqué dans le programme
Extraplac.
La CLPC a validé jusqu'à présent les projets
d’extension d'une vingtaine de pays dans le monde, mais seuls cinq, dont
la France, les Philippines, le Mexique et l'Australie - qui vient de
gagner deux millions de km2 - ont publié des textes officiels fixant de
manière définitive les limites de leur plateau continental.
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