jeudi 31 juillet 2014

La Commission européenne va t-elle transformer la nature en registre comptable ?

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Une consultation publique vient d’être lancée par la Commission européenne jusqu’au 17 octobre prochain. Malgré un intitulé quelque peu énigmatique – « initiative européenne visant à enrayer toute perte nette de biodiversité » [1] –, l’enjeu est majeur. Car ce projet de réglementation concerne l’ensemble des impacts liés aux activités humaines, de la création d’un entrepôt à la réalisation des grandes infrastructures de transport. « Pour stopper cette détérioration (de la biodiversité, ndlr), les pertes dues aux activités humaines doivent être contrebalancées par des gains, précise la Commission européenne. Lorsque ces gains sont au moins équivalents aux pertes, le principe visant à éviter toute perte nette est respecté. » Traduction ? Concrètement, quand une activité économique détruit une portion de nature, et de biodiversité, celle-ci doit être recréée ailleurs. L’intention paraît louable. Sauf que pour la Commission européenne, tous les écosystèmes seraient substituables les uns aux autres. Un projet bétonne plusieurs hectares de vallons, de bois et d’étang dans une région ? Il pourra être compensé par une action équivalente en faveur de l’environnement dans une autre région. Comme si tout se valait.
En réaction à cette proposition de la Commission, plusieurs organisations écologistes britanniques [2] diffusent une vidéo parodique de trois minutes autour de la « compensation biodiversité ». On y voit la directrice d’une société fictive, GreenLite Energy, se réjouir d’avoir découvert du gaz de schiste sous le Regent’s Park – un parc situé en plein cœur de Londres. Soutenue par le gouvernement anglais, la société assure pouvoir compenser la destruction du parc, voué à l’extraction d’hydrocarbures. Comme si le bénéfice pour la flore et la faune était forcément quantifiable à un instant donné. Ce dont se moque la vidéo : un expert tente de compter chaque abeille en train de butiner et inventorie grossièrement les oiseaux dans les arbres. Impossible de croire en la mise en place d’unités de mesure fiables permettant de calculer la valeur naturelle de Regent’s Park...

Dans une lettre ouverte à la Commission européenne, les organisations à l’initiative de cette vidéo préconisent l’abandon des plans de compensations. « La compensation biodiversité commercialise la nature et envoie un message dangereux selon lequel la nature est remplaçable, écrivent-elles. Or, la biodiversité et les écosystèmes sont complexes et uniques. Il est impossible de réduire la biodiversité à un système de crédits, tel que le prévoient de nombreux systèmes de compensation. » Elles appellent à l’élaboration de plans de développement en partenariat avec les citoyens concernés. En France, des mesures de compensation des zones humides sont notamment envisagées pour les projets de ligne à grande vitesse Lyon-Turin et l’aéroport de Notre-Dame des Landes.

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