dimanche 5 juillet 2015

COP21 : les acteurs non-étatiques veulent faire entendre leurs voix

Réunis à Lyon les 1er et 2 juillet, les acteurs non-étatiques ont pu mettre en lumière leurs actions de lutte contre le changement climatique et leur envie de compter dans les négociations de la COP21. Retour sur les deux jours de discussions.


Les acteurs non étatiques seront-ils entendus dans leur appel pour compter dans le jeu des négociations climatiques à cinq mois de la COP 21 ? Réunis à Lyon pour le Sommet mondial climat et territoire, les mercredi 1er et jeudi 2 juillet, les collectivités territoriales, ONG, entreprises et citoyens ont montré qu'ils étaient déjà impliqués dans des actions concrètes et qu'ils souhaitaient que soit reconnue la nécessité d'une approche territoriale dans l'action climatique.
Aujourd'hui, à la table des négociations onusiennes sur le climat, seuls 195 Etats et l'Union européenne ont voix au chapitre. L'idée de la reconnaissance des acteurs non-étatiques a toutefois progressivement fait son chemin lors de différentes résolutions, de Sommets sur le climat, d'appels, ou de rapports. "Avec l'échec de Copenhague, les doutes sont grands sur la capacité des États à s'entendre sur la possibilité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et un climato-fatalisme pourrait s'installer, pointait ainsi en 2013 un rapport de deux sénateurs, Ronan Dantec (groupe écologiste), co-pilote du Sommet de Lyon et Michel Delebarre (groupe socialiste et républicain). La France doit donc s'appuyer sur ses élus locaux pour remobiliser la société sur ces questions (…). Nous devons prendre la mesure du rôle d'influence de cette toile d'élus territoriaux à l'échelle mondiale, (…) Il est question ici de profiter des relations de confiance bilatérales existant entre élus locaux de pays différents pour passer des messages, (…) de s'appuyer sur la capacité d'expression mondiale commune de tous les réseaux de collectivités territoriales pour affirmer qu'un accord mondial ambitieux est possible".
L'agenda des solutions, 4e pilier du succès de la COP21
L'un des objectifs du Sommet de Lyon est ainsi de porter l'engagement des acteurs des territoires qui souhaitent contribuer "au quatrième pilier pour un succès à Paris", l'Agenda des solutions : ce dernier (issu du plan d'actions Lima-Paris) réunit l'ensemble des initiatives complémentaires au futur Accord de Paris. Les propositions mises en lumière lors du Sommet de Lyon, découlent de séances de travail organisées depuis février par des réseaux internationaux de collectivités et une organisation de la société civile. Dix thématiques ont été ainsi étudiées : l'adaptation, la planification territoriale, l'économie bas carbone, la coopération décentralisée et le partenariat entre territoires, la forêt, l'agriculture, la mobilité, la production, l'accès et la consommation d'énergie, le financement et enfin l'éducation.
L'événement a également été l'occasion de différents rapprochements : la région Rhône-Alpes, l'Ecosse (Royaume-Uni) et le Pays Basque (Espagne) ont ainsi rejoint l'initiative  “Under 2 MOU ”: un accord qui réunissait déjà 17 régions et provinces du monde (Californie (Etats-Unis) et le Bade Würtemberg (Allemagne)) s'engageant à limiter le réchauffement de la planète à 2°C. Les réseaux comme les villes neutres en carbone, le pacte des régions et provinces, la Convention des Maires et le Carbonn Climate Registry ont également présenté leurs engagements et actions d'ici 2020 tandis que le pacte des maires, Eurocities, l'Alliance pour le climat, le Conseil des Communes et régions d'Europe (CCRE/CEMR), l'United Cities and local Governments (UCLG) et Energiy Cities Metropolis ont mentionné leurs actions pour l'horizon 2050.
"Nous avons tenté d'estimer la totalité des engagements à travers les plateformes qui les enregistrent : pour 2020, il est prévu d'atteindre une réduction des émissions de gaz à effet de serre à hauteur de 1,5 gigatonne, souligne Ronan Dantec. Les 12% de la population concernée par ces mesures, représentent donc 1/16e de l'effort à fournir au niveau global : le second message est donc de continuer à rejoindre ces plateformes".
Déclaration du Sommet mondial climat et territoires
 
Quelles clefs de réussite pour les acteurs non étatiques ?
Pour CDC Climat, "l'articulation et la mise en cohérence nécessaire de ces ambitions non-étatiques au sein d'une trajectoire mondiale de réduction de GES de long terme et la réalisation des actions liées restent un défi, qui ne pourra être relevé que sous quatre conditions". Tout d'abord, selon la filiale de la Caisse des Dépôts dédiée à la transition énergétique, il faudra assurer l'intégration de ces initiatives dans les stratégies et les engagements des États sur le long terme. Ensuite, Il faudra garantir leur crédibilité et efficacité en utilisant un système de suivi, de notification et de vérification (MRV) commun et adapté aux acteurs non-étatiques ainsi qu'en vérifiant la viabilité économique et environnementale ainsi que l'acceptabilité sociale de leurs actions. Troisième condition : Favoriser leur diffusion auprès du plus grand nombre d'acteurs. Enfin, faciliter l'accès aux financements et en apportant des garanties sur leur pérennité.
 
Les acteurs non-étatiques réunis se sont également accordés sur une déclaration commune. Dans celle-ci, ils affirment leur volonté de "lutter contre les dérèglements climatiques, en évitant une montée des températures supérieure à 2°C Celsius, avec en perspective une limitation à 1,5°C Celsius". Pour cela, ils estiment que l'approche territoriale est indispensable à la réussite des actions climatiques. Ils soulignent le besoin de moyens financiers et la mise en œuvre de nouveaux mécanismes (garantie d'emprunt, green bonds, tiers-financement, intégration d'un prix carbone dans l'économie). Ils demandent à ce que les collectivités territoriales des pays en développement aient un accès facilité aux fonds internationaux, comme le Fonds vert. Les acteurs non-étatiques appellent également à étudier la faisabilité de fonds spécifiques dédiés à l'action territoriale, pouvant être abondés directement par des collectivités ou des financements innovants. Enfin, ils s'engagent à poursuivre et renforcer leurs actions." Jamais une déclaration n'a été signé par autant de réseaux, s'est réjoui Bernard Soulage, Vice-président de la Région Rhône-Alpes délégué à l'Europe et aux Relations internationales, second co-pilote du Sommet de Lyon. Nous avons la volonté de demander aux Etats de s'appuyer sur nous".
L'appel à l'organisation de l'Etat français
Si l'Etat français a salué l'initiative, il appelle toutefois à une structuration et un rassemblement des actions. "A cinq mois de la conférence de Paris, votre rencontre, votre sommet est une étape importante, a souligné François Hollande, présent aux échanges du mercredi après midi, aussi fortes que soient les contributions nationales, en réalité aussi vide sera cet engagement s'il n'est pas rempli par les territoires. (…) Il faut aussi que vous puissiez vous organiser (…) nous devons recenser les initiatives et les pratiques qui marchent. La plateforme dite NAZCA (…) permettra d'avoir une évaluation reconnue par tous pour les contributions des acteurs non étatiques. De manière à ce que nous puissions évaluer, noter, et pouvoir donc diffuser".
Le président a également précisé que l'Ademe mettait au point une méthode permettant de réaliser cette évaluation. Concernant le financement, François Hollande a reconnu qu'une partie des fonds devrait être directement accessible aux gouvernements locaux, aux collectivités territoriales et aux territoires. "Il faut aussi qu'à Paris, pendant tous les jours qui précèderont la conclusion, il puisse y avoir cette mobilisation, a-t-il ajouté. Il y aura une journée dans la conférence qui sera uniquement consacrée aux territoires, où les territoires ne prendront pas seulement la parole, mais participeront à l'élaboration de la négociation et donc de sa conclusion ".
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international a également salué le travail réalisé et assuré qu'il transmettrait la déclaration du Sommet de Lyon aux délégués en amont de la COP21. Il a précisé qu'il s'efforcerait de faire avancer l'idée que les collectivités locales puissent bénéficier des financements climat internationaux mais également la clause de révision à la hausse des engagements initiaux. "Mais soyons clairs, a pointé le ministre des affaires étrangères. Si l'action des collectivités locales pour la planète est absolument indispensable, elle ne se substitue pas à l'action des Etats. Les gouvernements ont un rôle central à jouer, et nous devons montrer, nous aussi gouvernements, que nous sommes à la hauteur des enjeux".

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