mercredi 7 octobre 2015

Un économiste sud-coréen élu à la tête du GIEC, le groupe d’experts du climat

Il sera, dans les prochaines années, la voix et le visage de la science climatique. L’économiste sud-coréen Hoesung Lee a été élu, mardi 6 octobre, président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Professeur à l’université de Corée, M. Lee a été élu au second tour, face au physicien belge Jean-Pascal van Ypersele (université catholique de Louvain), par 78 voix contre 56, après le vote des Etats membres du GIEC réunis jusqu’à jeudi à Dubrovnik (Croatie). Très investi dans la campagne qu’il avait menée ces derniers mois, M. van Ypersele faisait figure de favori. Quatre autres candidats étaient en lice : Chris Field (Etats-Unis), Thomas Stocker (Suisse), Nebojsa Nakicenovic (Autriche, Monténégro) et Ogunlade Davidson (Sierra Leone).

M. Lee remplace l’ingénieur indien Rajendra Pachauri, arrivé en 2002, qui a démissionné en février après avoir été mis en cause dans une affaire de harcèlement sexuel. Il est le troisième président de l’organisation, créée en 1988 sous la tutelle de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) pour expertiser les connaissances scientifiques, techniques et économiques en lien avec le changement climatique. Tous les six ans environ, le GIEC publie l’état de l’art de ces connaissances dans d’épais volumes qui servent de base aux négociations. En 2007, conjointement avec l’ancien vice-président américain Al Gore, le GIEC a reçu le prix Nobel de la paix.
Au sein de l’organisme, le président du GIEC est chargé, avec les 34 membres du bureau, d’orchestrer le travail des experts et de donner les grandes orientations à la forme que revêt l’expertise (rapport d’évaluation, rapports spéciaux sur des thématiques données, etc.). A l’extérieur du GIEC, son président remplit essentiellement un rôle de représentation et d’intermédiaire avec les décideurs politiques.

Avocat de la science climatique

Le projet de M. Lee pour le GIEC repose sur trois axes. D’abord, précisait-il dans sa note d’intention, il faut « accroître la participation d’experts des pays en développement », en « identifiant localement les centres de recherche d’excellence travaillant sur la science climatique, l’adaptation et l’atténuation du réchauffement, ainsi que sur le développement économique ». Ensuite, M. Lee entend « améliorer la neutralité et la pertinence » du travail du GIEC en « incorporant des contributions du monde des affaires, de l’industrie et de la finance ». Enfin, l’économiste sud-coréen veut promouvoir l’étude des questions liées « à la création d’emploi, la santé, l’innovation et le développement technologique ».
L’économiste sud-coréen Hoesung Lee veut promouvoir l’étude des questions liées « à la création d’emploi, la santé, l’innovation et le développement technologique »
Si le président du GIEC ne participe pas directement aux travaux d’expertise, la parole publique qu’il porte est l’objet d’une attention particulière de la part des gouvernements. En avril 2002, le New York Times avait ainsi révélé qu’un mémo adressé par la société pétrolière Exxon à la Maison Blanche demandait que le chimiste de l’atmosphère Robert Watson, jugé trop engagé, ne soit pas soutenu par les Etats-Unis. Washington avait in fine pesé en faveur de l’Indien Rajendra Pachauri, ingénieur de formation et présumé susceptible de porter un discours plus favorable aux industriels.
La fonction de président du GIEC a évolué en 2010, après la découverte d’une erreur dans l’un de ses rapports. En janvier 2010, dans la foulée de l’échec du sommet de Copenhague, le Sunday Times mettait en exergue une coquille, à la 493e des 976 pages du deuxième volet (« Impacts, adaptation, vulnérabilités ») de la quatrième édition (2007) du rapport du GIEC. « Dans l’Himalaya, pouvait-on y lire, les glaciers se retirent plus vite que dans toute autre partie du monde et, si les taux de retrait se maintiennent, la probabilité est très élevée de les voir disparaître en 2035 et peut-être plus tôt, si la Terre continue à se réchauffer au rythme actuel. »
Cette erreur de date – « 2035 » au lieu « 2350 » – avait entamé la crédibilité des experts et M. Pachauri, alors en poste, avait dû devenir, devant les médias, l’avocat de la science climatique. La pression médiatique, notamment au Royaume-Uni, s’était essentiellement exercée sur lui. Et ne s’est estompée que plusieurs mois plus tard, après que différents audits ont conclu à la qualité incontestable des travaux du GIEC.

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