samedi 20 décembre 2014

Bangladesh: le développement du pays menace l'écosystème des Sundarbans

Le développement rapide du Bangladesh, aux portes de la forêt de mangroves des Sundarbans souillée récemment par une marée noire, accroit le risque de nouveaux désastres environnementaux dans ce fragile écosystème, estiment les experts.
Un pétrolier a percuté la semaine passée un cargo dans un épais brouillard dans une rivière des Sundarbans, réseau de voies d'eau et de mangroves abritant en particulier de rares espèces de dauphins et des tigres du Bengale en danger, dans le sud du Bangladesh.
Les autorités ont été incapables d'organiser le nettoyage pendant les quatre premiers jours, laissant des dizaines de milliers de litres de pétrole se déverser dans ce sanctuaire de dauphins. Il a ensuite ordonné aux habitants des village et aux pêcheurs d'éponger artisanalement le liquide visqueux.
Les Sundarbans, classés patrimoine mondial de l'Unesco, sont «une bombe prête à exploser» depuis la décision du gouvernement en 2011 de laisser les navires commerciaux traverser le delta du Gange, selon les experts environnementaux.
Une série de projets, en particulier une centrale à charbon et un énorme silo à grains, menacent la plus grande forêt de mangroves du monde, estiment-ils.
«La forêt a perdu la moitié de sa surface sur les cinq dernières décennies. Maintenant les bases ont été jetées pour mettre le dernier clou du cercueil», dit l'expert indépendant Mohsinuzzaman Chowdhury à propos de ces projets.
L'arrivée massive de travailleurs risque en outre de mettre un peu plus ce fragile environnement sous pression.
«Environ un million de personnes dépendent directement ou indirectement de cette forêt. Mais leur nombre pourrait passer à plus de cinq millions au cours de la prochaine décennie», ajoute-t-il.
- Centrale à charbon -
La centrale à charbon, prévue à 14 km au nord de l'entrée du delta, doit fournir de l'électricité cruciale pour la population encore pauvre de ce pays en croissance.
Ce projet a valu aux autorités du Bangladesh de sévères critiques lors d'un récent congrès à Dacca sur la sauvegarde des tigres dans le monde.
Le responsable national des forêts, Yunus Ali, a dit avoir fait part de la préoccupation de ses services sur ce projet, prévu sur les rives du fleuve Poshur qui court jusqu'à la forêt.
«Mais les autorités ont adopté un plan de gestion environnemental pour limiter tout impact négatif éventuel», a-t-il dit.
Un responsable forestier des Sundarbans, sous couvert d'anonymat, exprime cependant son inquiétude pour les rejets que la centrale déversera dans le fleuve, une fois en fonctionnement en 2018.
«Notre principale inquiétude concerne la gestion des déchets et de l'eau chaude. La centrale va déverser ses boues dans les rivières des Sundarbans. Elle va aussi cracher une poussière épaisse qui va se propager dans la forêt», dit-il.
Les populations locales ont longtemps pu pêcher et chasser dans cette région qui s'étend sur 10.000 km2, aux deux tiers sur le Bangladesh et un tiers en Inde.
En 2011, le Bangladesh a autorisé les navires commerciaux à traverser le delta pour aller du port de Chittagong dans le Golfe du Bengale au centre du pays, leur offrant un gain de temps et d'argent.
Un port situé à l’extrémité du Poshur a vu multiplier par six le nombre de bateaux lors des dernières années, une tendance qui risque de se renforcer avec l'ouverture prochaine d'un silo de 50.000 tonnes sur sa rive.
- «Une préservation compromise» -
Des poissons et crabes morts se sont échoués depuis la marée noire dont l'impact exact n'est pas encore connu.
Les experts ont craint pour les tigres du Bengale, dont plusieurs centaines vivent dans cette région, mais également pour 300 espèces d'oiseaux et pour les dauphins Irrawady.
Le delta, situé à l'embouchure du Gange, du Brahmapoutre et de la Meghna, abrite aussi un lieu de reproduction crucial pour l'industrie de la crevette et la pêche du hilsa, un poisson tropical.
La centrale à charbon et la circulation fluviale risquent d'avoir un impact «désastreux» et de mettre en danger «un ensemble de races aquatiques et les tigres du Bengale», dit Y.V. Jhala, professeur au Wildlife Institute of India.
«Le Bangladesh compromet la préservation (de l'environnement) au profit du développement», dit-il, plaidant pour l'interdiction des navires et le déplacement de la centrale.
Cet écosystème «a une forte valeur économique et agit comme un rempart contre les désastres environnementaux dus aux cyclones du Golfe du Bengale». «Le perdre sera une grosse perte pour l'humanité».

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