Organisée par l'Office central de lutte
contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp)
et le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), cette
journée, a réuni une quarantaine de participants – douaniers,
magistrats, enquêteurs, agents de l'Office national de la chasse et de
la faune sauvage (ONCFS) et du Muséum national d'histoire naturelle –
afin de dresser un état des lieux des différents trafics liés aux
espèces sauvages et des actions à mener pour lutter efficacement contre.
Voici dix chiffres – une liste bien évidemment non exhaustive – sur
cette criminalité qui explose dans le monde, touchant l'Afrique, l'Asie,
l'Amérique du Sud, mais également la France.
14,5 milliards d'euros. C'est le coût de la criminalité liée chaque année aux espèces sauvages, qui se classe au 4e
rang des activités illicites les plus lucratives au monde, derrière le
trafic de drogues, les contrefaçons et la traite d'êtres humains, selon
le WWF et l'IFAW dans son rapport "La Nature du crime",
publié en septembre 2013. Ce trafic, qui englobe le braconnage, la
capture, la collecte ou le commerce d'espèces, attire les criminels en
raison des risques faibles, des profits élevés et des sanctions légères.
Huit pays sont pointés comme des rouages majeurs : le Kenya, l'Ouganda
et la Tanzanie, les Philippines, la Malaisie, la Thaïlande, le Vietnam
et la Chine.
Au-delà des braconniers locaux, cette criminalité est aux mains de groupes
de milices rebelles et de membres du crime organisé. Elle a par exemple
financé l'Armée de résistance du Seigneur en Ouganda, les Janjawid au
Soudan ou les Chabab en Somalie. "Ce sont des réseaux très biens
organisés qui ont une grande adaptation à tous les changements, qui
trouvent des itinéraires de contrebande et qui sont pour l'instant hors
de contrôle", explique Céline Sissler-Bienvenu, la directrice de l'IFAW France et Afrique francophone.
800 espèces. C'est le nombre d'espèces inscrites à l'Annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction
(Cites), signée en 1973 et ratifiée par 175 pays. Cette annexe interdit
le commerce d'animaux considérés comme en danger immédiat d'extinction,
comme certaines populations d'éléphants, les tigres, les gorilles, les
tortues marines, ainsi qu'un certain nombre de grands félins, de
perroquets ou aras. L'Annexe II, elle, définit les espèces qui doivent
recevoir une protection, et qui font donc l'objet d'un commerce
restreint et contrôlé, notamment via des permis d'exportation des
animaux et produits dérivés.
L’organisation Traffic,
un programme conjoint du WWF et de l'Union internationale pour la
conservation de la nature (UICN) pour la surveillance du commerce des
espèces sauvages, estime que le commerce illicite concerne chaque année
500 à 600 millions de poissons tropicaux, 15 millions d’animaux
à fourrure, cinq millions d’oiseaux, deux millions de reptiles, 30 000
primates.
2 000 cornes. C'est le
nombre de nouvelles cornes de rhinocéros entrées dans le trafic en
provenance d'Afrique l'an dernier, soit 30 fois plus qu'en 2000. Trois
rhinocéros meurent tous les jours en raison de ce trafic essentiellement
destiné au Vietnam et à la Chine. Les cornes, réduites en poudre, y
sont en effet parées de vertus thérapeutiques et aphrodisiaques – jamais
démontrées scientifiquement –, à l'instar également des os de tigres.
L'ivoire, elle, est convoitée pour fabriquer des bijoux ou des objets
d'art. Aujourd'hui, un éléphant meurt toutes les 15 minutes dans le
monde pour son ivoire. Au total, 30 000 à 35 000 pachydermes sont tués
chaque année, sur une population qui compte 500 000 individus, et ce, en
dépit du moratoire sur le commerce de l’ivoire adopté en 1989 par la
Cites.
51 000 euros/kilo.
C'est le prix de la corne de rhinocéros sur le marché noir, bien plus
élevé que celui de l’or (37 900 euros) ou du platine (43 200). Le kilo
d'ivoire, lui, se vend environ 1 500 euros.
139 malfaiteurs. C'est
le nombre de personnes recherchées par Interpol pour des atteintes à
l'environnement. Le 6 octobre, l’organisation mondiale de police a lancé
l’opération Infra-Terra ciblant
139 malfaiteurs en fuite recherchés par 36 pays membres, pour des
infractions comprenant, entre autres, la pêche illégale, le trafic
d’espèces sauvages, le commerce et le déversement illégaux de déchets,
les coupes illégales de bois et le commerce illégal d’ivoire. Interpol a
sollicité l'aide du public pour neuf d'entre eux,
pour lesquels aucune nouvelle piste n’a pu être trouvée. Depuis, un de
ces criminels, le Zambien Ben Simasiku, poursuivi pour possession
illégale de 17 objets en ivoire, a été arrêté le 2 décembre.
1 000 rangers. C'est le
nombre d'éco-gardes qui ont été tués par des braconniers ces dix
dernières années, dans 35 pays différents, lors d'incidents liés au
trafic d'espèces sauvages, selon un décompte de l'ONG Game Rangers International. "Un chiffre probablement sous-estimé", prévient Céline Sissler-Bienvenu, de l'IFAW.
9 500 annonces. Le commerce
d’animaux sauvages se fait de plus en plus en ligne, ce qui complique
la lutte contre cette criminalité, comme l'a démontré le dernier rapport
de l'IFAW, Recherché, mort ou vif,
publié fin novembre. Au terme d'une enquête menée début 2014 sur 280
sites de vente en ligne dans 16 pays, l'ONG a trouvé un total de 33 006
spécimens, parties du corps et produits dérivés d'espèces menacées
proposés à la vente dans près de 9 500 annonces pour une valeur estimée
d'environ 7,8 millions d'euros. 32 % des annonces recensées concernaient
de l'ivoire authentique ou présumé, 54 % des animaux vivants.
En France, les enquêteurs ont couvert
17 sites de vente en ligne et recensé 1 192 annonces d’espèces menacées
pour une valeur de près d’un million d’euros. Trois sites s’illustrent
particulièrement dans ce commerce : leboncoin.fr (346 annonces),
naturabuy.fr (336 annonces) et marche.fr (185 annonces). "Nous
devons collaborer avec ces sites marchands afin qu'ils aient
connaissance de la réglementation de la Cites et qu'ils renforcent leur
base de mots-clefs permettant de contrôler les annonces suspicieuses", avance Céline Sissler-Bienvenu.
3 tonnes. Ce sont les stocks d'ivoire illicites détruits par la France en février 2014. Les
698 défenses brutes ou travaillées et les 15 357 pièces d'ivoire
(statuettes, bijoux…) provenaient de saisies réalisées par les douanes
depuis l'instauration du moratoire sur le commerce international de
l'ivoire en 1989. 80 % de la marchandise a été interceptée à l'aéroport
de Roissy-Charles-de-Gaulle.
"La France est une zone de transit pour le trafic d'espèces menacées", assure le colonel Bruno Manin, directeur de l'Oclaesp. Cette
criminalité concerne les animaux emblématiques, tels que les éléphants
ou rhinocéros, mais aussi des espèces françaises. En métropole, la
civelle est ainsi braconnée pour répondre à la demande croissante
asiatique, où elle est un mets de luxe. Il en va de même avec les lambis
dans les espaces ultra marins." Il reste toutefois très difficile
d'obtenir des chiffres sur le nombre d'espèces braconnées en France, le
poids économique de ce trafic et les trafiquants condamnés, ces
informations n'étant pas encore centralisées.
15 000 euros.
C'est l'amende encourue pour le trafic d'espèces en France. Elle
s'élève à 150 000 euros en bande organisée et est passible, dans tous
les cas, de six mois de prison. La France doit se doter, dans le cadre
du projet de loi sur la biodiversité, d'un plan d’action national de lutte contre le trafic des espèces sauvages menacées,
qui renforcera notamment ces peines à 150 000 euros en cas d'infraction
simple, 750 000 euros pour un trafic en bande et un an de prison.
12 personnes. C'est le
nombre d'agents de l'Oclaesp, sur les 70 que compte l'office, qui
travaillent sur le trafic d'espèces sauvages. L'équipe dédiée comporte
quatre enquêteurs déployés à plein temps ainsi qu'un groupe de soutien
de huit personnes, qui alternent avec d'autres dossiers : des analystes
criminels, des cyber-enquêteurs et des enquêteurs financiers. Ces agents
effectuent de la veille, mais ne peuvent pas encore enquêter sous
pseudonyme. Cette technique spéciale d'enquête est en effet encadrée par
la loi Perben II de 2004, qui l'autorise pour la pédopornographie, le
terrorisme ou encore le trafic d'humains. "Nous avons fait une
demande pour élargir ce type d'enquête aux trafics d'espèces menacées,
ce qui nous permettrait d'entrer en contact avec les contrebandiers pour
les identifier et les interpeller plus facilement", explique Bruno Manin.
Audrey Garr
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