samedi 13 décembre 2014

Internet complique la lutte contre le trafic d'animaux sauvages

Lutter contre le trafic d'animaux sauvages, qui rapporte près de 15 milliards d'euros par an à des réseaux criminels, est plus compliqué avec le «grand supermarché» d'internet qui s'ajoute aux circuits traditionnels, ont indiqué des experts jeudi.
«Internet, c'est un grand supermarché ouvert sept jours sur sept», relève la directrice du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) pour la France et l'Afrique francophone, Céline Sissler-Bienvenu, lors d'un séminaire organisé à Paris avec l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP).
La vente en ligne des espèces sauvages «est un marché émergent, pas encore bien maîtrisé», a-t-elle ajouté. On trouve notamment sur la Toile «des oiseaux et des reptiles pour alimenter la demande en nouveaux animaux de compagnie».
«Alors que le braconnage des espèces menacées a atteint un niveau sans précédent, la généralisation d'Internet a permis à certaines activités criminelles traditionnelles d'atteindre une ampleur inégalée», souligne l'IFAW dans un rapport qui dresse un sombre tableau du «commerce d'espèces sauvages sur Internet».
Au terme d'une enquête menée début 2014 sur 280 sites de vente en ligne dans 16 pays, l'ONG a trouvé «un total de 33.006 spécimens, parties du corps et produits dérivés d'espèces menacées» proposés à la vente dans quelque 9.500 annonces, pour une valeur estimée à quelque 7,8 millions d'euros.
Selon ce rapport, 54% des annonces concernaient des animaux vivants et 46% des parties d'animaux ou des produits dérivés. «L'ivoire, les reptiles et les oiseaux étaient les articles les plus souvent vendus» et «l'ivoire authentique ou présumé représentait presqu'un tiers des annonces et les reptiles un quart des articles mis en vente».
- 'Un éléphant braconné toutes les 15 minutes' -
Cette cybercriminalité se conjugue aux circuits traditionnels des bandes organisées qui déciment notamment éléphants et rhinocéros dont les cornes sont particulièrement prisées en Asie où on leur prête des vertus miraculeuses.
Le trafic de cornes de rhinocéros a été multiplié par 30 entre 2000 et 2013, a affirmé Mme Sissler-Bienvenu. «En 2013, plus de 2.000 cornes de rhinocéros sont entrées dans le trafic en provenance de l'Afrique. Ca représente 30 fois plus qu'en 2000».
«C'est un trafic qui est extrêmement bien organisé et qui est pour l'instant hors de contrôle. Comme l'ivoire, comme les produits dérivés du tigre, ce sont des réseaux très bien organisés qui ont une grande adaptation à tous les changements, qui trouvent des itinéraires de contrebande», a-t-elle ajouté. Ces bandes criminelles «exploitent tout ce qui est légal et trouvent les failles réglementaires».
Il s'agit d'«une criminalité astucieuse», a souligné le colonel Bruno Manin, de l'OCLAESP, détaillant, à titre d'exemple, le stratagème employé par des trafiquants vietnamiens pour se fournir en cornes de rhinocéros. Ils offraient à des Slovaques des vacances en Afrique du Sud. «Les Slovaques allaient tirer un ou deux rhinos et avaient droit à leurs trophées». Ils retournaient en Slovaquie où «la communauté vietnamienne les récupérait et les envoyait en contrebande au Vietnam».
Selon Mme Sissler-Bienvenu, le massacre des rhinocéros, dont la corne se vend plus cher que l'or ou le platine selon l'IFAW, est impitoyable: le Mozambique, par exemple, «a perdu ses 13 derniers rhinocéros en 2013», a-t-elle affirmé. Et «un éléphant est braconné pour son ivoire toutes les 15 minutes» dans le monde.
Pour l'ONG, l'expansion du trafic «nécessite que les agences de lutte contre la fraude coopèrent afin d'apporter une réponse à la hauteur de l'enjeu».
L'OCLAESP va détacher dans les prochains mois un de ses agents auprès d'Interpol à Lyon. L'IFAW, quant à lui, finance depuis 2006 à Interpol un poste d'agent spécialisé dans la criminalité concernant la faune sauvage.

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