Lutter contre le trafic d'animaux sauvages, qui rapporte près de 15
milliards d'euros par an à des réseaux criminels, est plus compliqué
avec le «grand supermarché» d'internet qui s'ajoute aux circuits
traditionnels, ont indiqué des experts jeudi.
«Internet, c'est un
grand supermarché ouvert sept jours sur sept», relève la directrice du
Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) pour la France
et l'Afrique francophone, Céline Sissler-Bienvenu, lors d'un séminaire
organisé à Paris avec l'Office central de lutte contre les atteintes à
l'environnement et à la santé publique (OCLAESP).
La vente en
ligne des espèces sauvages «est un marché émergent, pas encore bien
maîtrisé», a-t-elle ajouté. On trouve notamment sur la Toile «des
oiseaux et des reptiles pour alimenter la demande en nouveaux animaux de
compagnie».
«Alors que le braconnage des espèces menacées a
atteint un niveau sans précédent, la généralisation d'Internet a permis à
certaines activités criminelles traditionnelles d'atteindre une ampleur
inégalée», souligne l'IFAW dans un rapport qui dresse un sombre tableau
du «commerce d'espèces sauvages sur Internet».
Au terme d'une
enquête menée début 2014 sur 280 sites de vente en ligne dans 16 pays,
l'ONG a trouvé «un total de 33.006 spécimens, parties du corps et
produits dérivés d'espèces menacées» proposés à la vente dans quelque
9.500 annonces, pour une valeur estimée à quelque 7,8 millions d'euros.
Selon
ce rapport, 54% des annonces concernaient des animaux vivants et 46%
des parties d'animaux ou des produits dérivés. «L'ivoire, les reptiles
et les oiseaux étaient les articles les plus souvent vendus» et
«l'ivoire authentique ou présumé représentait presqu'un tiers des
annonces et les reptiles un quart des articles mis en vente».
- 'Un éléphant braconné toutes les 15 minutes' -
Cette
cybercriminalité se conjugue aux circuits traditionnels des bandes
organisées qui déciment notamment éléphants et rhinocéros dont les
cornes sont particulièrement prisées en Asie où on leur prête des vertus
miraculeuses.
Le trafic de cornes de rhinocéros a été multiplié
par 30 entre 2000 et 2013, a affirmé Mme Sissler-Bienvenu. «En 2013,
plus de 2.000 cornes de rhinocéros sont entrées dans le trafic en
provenance de l'Afrique. Ca représente 30 fois plus qu'en 2000».
«C'est
un trafic qui est extrêmement bien organisé et qui est pour l'instant
hors de contrôle. Comme l'ivoire, comme les produits dérivés du tigre,
ce sont des réseaux très bien organisés qui ont une grande adaptation à
tous les changements, qui trouvent des itinéraires de contrebande»,
a-t-elle ajouté. Ces bandes criminelles «exploitent tout ce qui est
légal et trouvent les failles réglementaires».
Il s'agit d'«une
criminalité astucieuse», a souligné le colonel Bruno Manin, de
l'OCLAESP, détaillant, à titre d'exemple, le stratagème employé par des
trafiquants vietnamiens pour se fournir en cornes de rhinocéros. Ils
offraient à des Slovaques des vacances en Afrique du Sud. «Les Slovaques
allaient tirer un ou deux rhinos et avaient droit à leurs trophées».
Ils retournaient en Slovaquie où «la communauté vietnamienne les
récupérait et les envoyait en contrebande au Vietnam».
Selon Mme
Sissler-Bienvenu, le massacre des rhinocéros, dont la corne se vend plus
cher que l'or ou le platine selon l'IFAW, est impitoyable: le
Mozambique, par exemple, «a perdu ses 13 derniers rhinocéros en 2013»,
a-t-elle affirmé. Et «un éléphant est braconné pour son ivoire toutes
les 15 minutes» dans le monde.
Pour l'ONG, l'expansion du trafic
«nécessite que les agences de lutte contre la fraude coopèrent afin
d'apporter une réponse à la hauteur de l'enjeu».
L'OCLAESP va
détacher dans les prochains mois un de ses agents auprès d'Interpol à
Lyon. L'IFAW, quant à lui, finance depuis 2006 à Interpol un poste
d'agent spécialisé dans la criminalité concernant la faune sauvage.
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