samedi 1 août 2015

Deux nouveaux plants contaminés par Xylella Fastidiosa en Corse

Deux nouveaux plants de polygales à feuilles de myrte ont été contaminés par la bactérie Xylella fastidiosa, a annoncé la préfecture de Corse, jeudi 30 juillet 2015. Ils ont été découverts à Propriano, la commune au sud de l’île où avaient déjà été signalées deux premières contaminations, sur la même espèce de plante d’ornement, le 22 juillet de la même année.
Selon les premières informations données par la préfecture, ces plants viendraient de la même pépinière corse. Pour autant, ces deux nouvelles plantes contaminées ne se trouvaient pas au même endroit que les premières, dans un petit centre commercial. Ces polygales (Polygala myrtifolia) avaient été importées d’Italie, de Toscane plus précisément, et avaient été plantées sur le sol corse en 2010.
A l’heure actuelle, l’enquête épidémiologique en cours ne permet pas d’affirmer si leur provenance italienne ressort du même pépiniériste. De même que l’on ne sait encore si ces plantes n’auraient pas seulement transité par ce commerçant toscan, venant d’ailleurs, comme par exemple des Pays-Bas, plaque tournante européenne de l’importation de matériaux végétaux. Le 15 avril, le ministère de l’agriculture français avait signalé la présence de caféiers provenant des Pays-Bas contaminés par la bactérie au marché de Rungis.
Alors que l’inquiétude gagne les professions agricoles et certains politiques – nationalistes en tête –, les services préfectoraux mettent les bouchées doubles pour limiter les risques de propagation de cette maladie qui menace potentiellement plus de 200 variétés de végétaux et pour laquelle aucun traitement n’existe. Dès les premiers cas signalés, sans attendre de connaître précisément la souche de Xylella fastidiosa en cause, le préfet, Christophe Mirmand, ordonnait l’abattage de toutes les plantes cibles dans un rayon de 100 mètres autour du lieu de contamination et une surveillance accrue dans un rayon de dix kilomètres. « Plus de cinquante prélèvements ont été effectués dans la zone délimitée et, à l’exception de deux plants de polygale déclarés positifs le 30 juillet, aucun des prélèvements sur des espèces sensibles à la bactérie [oliviers, romarin, myrte…] ne s’est révélé porteur de la bactérie », indique la préfecture.

Opération de désinsectisation

L’enquête sur l’ensemble des polygales à feuille de myrte achetées depuis 2010 doit être approfondie. La campagne de prélèvement va être poursuivie. Vendredi 31 juillet, dès 6 h 30, une opération de désinsectisation visant à tuer les cicadelles, vecteurs potentiels de la bactérie, devait être organisée par les agents du service de lutte antivectorielle du conseil départemental de la Corse-du-Sud, autour du collège de Propriano. Selon la préfecture, le produit utilisé (la deltaméthrine) n’a « pas d’effet particulier, ni pour les personnes ni pour les animaux ». Toutefois, elle recommande à la population de « rester à l’intérieur des bâtiments et de fermer les fenêtres pendant les interventions et durant un quart d’heure après la fin de l’opération ».
Cette initiative, de même que l’arrachage de plantes dans les zones contaminées, suffira-t-elle à calmer l’inquiétude des agriculteurs, qui se sentent menacés par Xylella et qui regardent vers la région italienne des Pouilles où elle a ravagé la production d’huile d’olives ? Mercredi soir, ils étaient plusieurs centaines réunis à Corte pour demander plus de moyens à l’Etat pour lutter contre la bactérie. Selon certains d’entre eux, il faudrait par exemple que la Corse dispose d’un laboratoire d’analyse, tel celui spécialisé dans les végétaux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) à Angers, seul en capacité actuellement de détecter la bactérie. Cela réduirait, disent-ils, les délais et permettrait une plus grande réactivité.


Plus de moyens, c’est ce qu’a promis le ministre de l’agriculture, qui s’est rendu sur l’île mercredi. Stéphane Le Foll a ainsi annoncé le doublement « immédiat » des effectifs de la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (Fredon) pour les trois mois à venir. La Fredon compte une douzaine d’agents en Corse, dont cinq sont spécialement détachés sur Xylella. Cinq cent mille euros, dont 100 000 pour la Fredon, devraient être débloqués par le gouvernement. Le ministre a aussi donné des instructions pour que « les dérogations à l’interdiction d’introduction de végétaux en Corse soient réduites au minimum ». Les membres du collectif Xylella corse réclament, eux, l’interdiction totale d’introduction de tous végétaux.

Sous-espèce différente de celle des Pouilles

Enfin, dès lundi, une mission d’expertise devrait se rendre en Corse sous le pilotage de l’expert national de la protection des végétaux chargé du dossier, accompagné de trois entomologistes de l’Institut national de recherche agronomique (INRA) et d’un expert en bactériologie de l’Anses.
C’est de l’agence nationale qu’est venue ce qui pourrait être la bonne nouvelle du jour. Selon les premières études menées au laboratoire d’Angers, l’identification de la sous-espèce de Xylella fastidiosa du foyer corse permet d’affirmer qu’il ne s’agit pas du même type que celle qui sévit dans les Pouilles. La bactérie présente dans les échantillons de polygale à feuille de myrte de Propriano appartient à la sous-espèce « multiplex ». Cette sous-espèce – il en existe cinq pour la Xylella – a été étudiée essentiellement aux Etats-Unis, au Canada, au Brésil…
Elle aurait été documentée sur des contaminations naturelles ou expérimentales notamment sur des espèces de chêne (différentes du chêne vert présent en Corse), des érables, des Prunus et des Citrus. Ces premières analyses, qui devraient être complétées dans les prochains jours, ne permettent pas encore d’affirmer que cette sous-espèce ne peut pas toucher d’autres plantes que la polygale, d’autant qu’elle a été observée sur de nombreuses variétés végétales. Mais, les oliviers, premières victimes de la Xylella de la sous-espèce pauca qui sévit en Italie, pourraient être épargnés. Une bonne nouvelle pour les producteurs corses, si elle se confirme.

Rémi Barroux
Journaliste au Monde

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