Les
courriers commencent tout juste à être expédiés. D’ici à la fin de
l’année, dix mille riverains de pressings auront reçu dans leur boîte
aux lettres une plaquette du ministère de l’écologie proposant une
évaluation gratuite du taux de perchloréthylène dans l’air de leur
logement. Utilisé pour le nettoyage à sec, lit-on, ce solvant chloré à
l’odeur acre et à la haute volatilité « classé cancérogène possible par l’Union européenne », peut causer « une irritation des voies respiratoires et des yeux, des vertiges, nausées, maux de tête, pertes de mémoire, somnolences » et, en cas d’exposition fréquente et intense, « il peut être toxique pour le système nerveux et les reins ».
L’an
dernier, une proposition de mesure des concentrations de
perchloréthylène avait déjà été offerte à 628 foyers voisins de
pressings. Les taux de réponse avaient été faibles – pas plus d’une
dizaine de pourcents. Et les résultats inquiétants. Chez un tiers des
répondants, une concentration supérieure à la maximale (de 1 250
microgrammes par mètre cube) avait été décelée. Décision a donc été
prise de systématiser l’analyse. En cas de mesure alarmante, une
inspection est déclenchée dans le pressing incriminé pour repérer
l’origine de la fuite de ce solvant qui s’envole si facilement dans les
étages. Si la réparation s’avère impossible, le professionnel se voit
contraint de changer de machine, et donc de renoncer au
perchloréthylène.
Cet abandon sera de toute façon obligatoire d’ici au 1er janvier 2022 pour tous les pressings de bas d’immeubles ou de galeries commerciales, soit la quasi-totalité des quelque 4 000 boutiques actuellement ouvertes. Un arrêté pris fin 2012 fixe le calendrier d’élimination progressive des machines à perchloréthylène en fonction de leur âge. C’est tout un secteur qui opère une lente mue. Pour la plupart âgés, les propriétaires de pressings, souvent installés dans les années 1970, préfèrent attendre l’échéance et mettre la clé sous la porte – on dénombrait encore 5 000 boutiques il y a cinq ans.
Deux voies alternatives sont possibles : le nettoyage à l’eau, solution majoritairement adoptée puisqu’elle permet d’échapper aux règles drastiques de l’arrêté de 2012. Ou de nouveaux solvants à base d’hydrocarbures (Siloxane, KWL, K4…). Quel que soit leur choix, les pressings de nouvelle génération surfent allègrement sur l’argument écologique. Et sont entrés en guerre larvée, sur fond de concentration accélérée du secteur et de crise qui plombe la demande. « Plongez-vous donc dans tel rapport sur ce solvant », suggèrent les uns au journaliste. « Regardez les faillites, elles sont dues au fait que les clients mécontents ne reviennent pas… », glissent les autres.
Avec leur arbre dessiné en vitrine, leur déco tout de blanc et bois clair, leurs jolis flacons de lessive écoresponsable exposés sur étagères, les boutiques Sequoia se distinguent des pressings à l’atmosphère moite, aux odeurs suspectes et aux rondes mécanisées de vêtements sous plastique. Elles se sont dotées de tous les atours des magasins bio. Depuis la création de ce réseau de franchises en 2008, 45 ont ouvert. Nicolas de Bronac, le président-fondateur, s’est assuré jusqu’en 2024 l’exclusivité française d’un brevet américain (GreenEarth). Ses machines fonctionnent au siloxane, un dérivé du silicone liquide. « On l’utilise aussi pour les shampoings et les crèmes antirides, rassure-t-il. Ce n’est jamais que du sable transformé par une réaction chimique entre silice, oxygène et eau à très haute température ».
Au ministère, on se garde de trancher. Le terme « écologique » n’a pas de définition bien précise, fait valoir Patricia Blanc, la directrice générale de la prévention des risques. Eric Lattier, le directeur général du plus gros réseau de pressings français, 5 à sec, en voie de conversion à l’aquanettoyage, se dit « gêné par le discours écolo ». « Evidemment, l’eau est préférable aux hydrocarbures, mais nous utilisons tous des lessives dont nous savons qu’aucune n’est complètement biodégradable. »
Sous la houlette de la cellule nationale censée guider la transition, les agences de l’eau, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’assurance maladie subventionnent tout à la fois la conversion à l’eau et aux dérivés d’hydrocarbures. « Le solvant utilisé par Sequoia fait actuellement l’objet d’une évaluation, indique Mme Blanc. Il doit bien être utilisé en circuit fermé. Les autres dérivés d’hydrocarbures nécessitent une grande vigilance en termes d’inflammabilité. Mais tous ces solvants ont l’avantage d’être beaucoup moins volatiles. » La politique du tout sauf le « perchlo », en attendant un miracle technologique.
Cet abandon sera de toute façon obligatoire d’ici au 1er janvier 2022 pour tous les pressings de bas d’immeubles ou de galeries commerciales, soit la quasi-totalité des quelque 4 000 boutiques actuellement ouvertes. Un arrêté pris fin 2012 fixe le calendrier d’élimination progressive des machines à perchloréthylène en fonction de leur âge. C’est tout un secteur qui opère une lente mue. Pour la plupart âgés, les propriétaires de pressings, souvent installés dans les années 1970, préfèrent attendre l’échéance et mettre la clé sous la porte – on dénombrait encore 5 000 boutiques il y a cinq ans.
Alternatives possibles
Les nouvelles machines coûtent cher. « Et nous n’avons pas trouvé d’équivalent au perchlo, qui était le produit phare du nettoyage à sec depuis cinquante ans du fait de sa facilité d’usage », regrette le président de la Fédération française des pressings et blanchisseries, Olivier Risse. Fin 2015, promet-il, la moitié du parc aura été changé. Selon le ministère de l’écologie, seules 30 % des machines les plus anciennes ont pour l’instant été remplacées.Deux voies alternatives sont possibles : le nettoyage à l’eau, solution majoritairement adoptée puisqu’elle permet d’échapper aux règles drastiques de l’arrêté de 2012. Ou de nouveaux solvants à base d’hydrocarbures (Siloxane, KWL, K4…). Quel que soit leur choix, les pressings de nouvelle génération surfent allègrement sur l’argument écologique. Et sont entrés en guerre larvée, sur fond de concentration accélérée du secteur et de crise qui plombe la demande. « Plongez-vous donc dans tel rapport sur ce solvant », suggèrent les uns au journaliste. « Regardez les faillites, elles sont dues au fait que les clients mécontents ne reviennent pas… », glissent les autres.
Avec leur arbre dessiné en vitrine, leur déco tout de blanc et bois clair, leurs jolis flacons de lessive écoresponsable exposés sur étagères, les boutiques Sequoia se distinguent des pressings à l’atmosphère moite, aux odeurs suspectes et aux rondes mécanisées de vêtements sous plastique. Elles se sont dotées de tous les atours des magasins bio. Depuis la création de ce réseau de franchises en 2008, 45 ont ouvert. Nicolas de Bronac, le président-fondateur, s’est assuré jusqu’en 2024 l’exclusivité française d’un brevet américain (GreenEarth). Ses machines fonctionnent au siloxane, un dérivé du silicone liquide. « On l’utilise aussi pour les shampoings et les crèmes antirides, rassure-t-il. Ce n’est jamais que du sable transformé par une réaction chimique entre silice, oxygène et eau à très haute température ».
« Discours écolo »
Sur Internet, Sequoia joue à fond la carte de la « révolution écologique ». En devanture, plus prudemment, il s’affiche « pressing nouvelle génération ». Pour M. de Bronac, le nettoyage à l’eau nuit à l’image de la profession : « Il réduit la durée de vie de vêtements. Cela va bien pour les chemises en coton, pas pour la soie, les laines ». L’argument fait bondir les promoteurs du nettoyage à l’eau et aux lessives biodégradables, comme Baléo et sa quinzaine de franchisés ou, plus gros, Aqualogia et ses 75 magasins sous licence de marque. Ugo Fuzfa, le directeur développement de cette dernière, fondée en 2002 par son père devenu allergique aux solvants, réfute le caractère écologique du procédé GreenEarth. « Ils utilisent un solvant, ils sont soumis aux mêmes normes de sécurité que les installations au perchlo. »Au ministère, on se garde de trancher. Le terme « écologique » n’a pas de définition bien précise, fait valoir Patricia Blanc, la directrice générale de la prévention des risques. Eric Lattier, le directeur général du plus gros réseau de pressings français, 5 à sec, en voie de conversion à l’aquanettoyage, se dit « gêné par le discours écolo ». « Evidemment, l’eau est préférable aux hydrocarbures, mais nous utilisons tous des lessives dont nous savons qu’aucune n’est complètement biodégradable. »
Sous la houlette de la cellule nationale censée guider la transition, les agences de l’eau, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’assurance maladie subventionnent tout à la fois la conversion à l’eau et aux dérivés d’hydrocarbures. « Le solvant utilisé par Sequoia fait actuellement l’objet d’une évaluation, indique Mme Blanc. Il doit bien être utilisé en circuit fermé. Les autres dérivés d’hydrocarbures nécessitent une grande vigilance en termes d’inflammabilité. Mais tous ces solvants ont l’avantage d’être beaucoup moins volatiles. » La politique du tout sauf le « perchlo », en attendant un miracle technologique.
-
Pascale Krémer
Journaliste au Monde
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire