dimanche 6 décembre 2015

COP21: Comment un très mauvais élève du climat essaye de gratter quelques points


Un élevage de plusieurs dizaines de milliers de bovins dans la région de Pretoria, en Afrique du Sud. 
De notre envoyée spéciale en Afrique du Sud
Des milliers de voitures qui empruntent quotidiennement les autoroutes urbaines de Johannesburg, des centrales électriques qui brûlent 250 millions de tonnes de charbon par an, des élevages bovins de plusieurs milliers de vaches, des décharges à ciel ouvert,… Pour un Européen, l’Afrique du Sud ressemble fort à un cauchemar écologique. Le plus gros émetteur de CO2 d’Afrique a certes d’autres chats à fouetter : avec une croissance économique au ralenti, un chômage galopant, des inégalités sociales toujours plus marquées, une insécurité chronique et une épidémie de sida qui ne recule pas, la nation arc-en-ciel n’a pas vraiment la tête à sauver le climat.
Comme tous les pays participant à la COP21, la conférence des Nations unies sur le climat qui se tient à Paris du 30 novembre au 11 décembre, l’Afrique du Sud s’est engagée à limiter ses émissions de gaz à effet de serre. Mais pas à les réduire, le pays craignant d’étouffer une éventuelle reprise économique sous les législations environnementales : « De 2015 à 2025, nos émissions continueront à augmenter puis connaîtront un plateau jusqu’à 2030 avant de commencer à décliner », explique Brian Mantlana, responsable de l’évaluation du changement climatique au Ministère de l’Environnement à Pretoria.

La bouse de vaches se transforme en BMW toutes neuves

Pourtant, des initiatives émergent dans le pays pour tenter de passer du niveau zéro de l’écologie au niveau passable. A quelques kilomètres au nord de Pretoria, Sean Thomas a pris le taureau par les cornes : il a ouvert la première unité de méthanisation de déjections bovines en Afrique du Sud. « Nous collectons 150 tonnes de bouse par jour », explique le jeune entrepreneur, qui a pu être financé par une banque locale grâce à une garantie de l’Agence française de développement (AFD) à hauteur de 7,4 millions d’euros.
L'usine de méthanisation de Bio2Watt, près de Pretoria. (A.Chauvet/20Minutes)
La récolte quotidienne de bouses n’est possible que parce que l’usine de méthanisation jouxte un immense élevage intensif de 40.000 vaches. Impossible à imaginer en France, où une ferme de 1.000 vaches est déjà une exception qui fait tourner les sangs des écolos. « Il y a 11 millions de vaches en Afrique du Sud mais il est difficile d’évaluer le potentiel de méthanisation du pays car le procédé n’est possible que sur les fermes intensives, reconnaît Sean Thomas. Dans les pâturages, les vaches sont trop éparpillées. » L’électricité produite par son entreprise, Bio2Watt, est revendue à l’usine BMW de Pretoria. « Nous leur fournissons 30% de l’électricité qu’ils consomment, chiffre Sean Thomas. Dans un contexte où le prix de l’électricité augmente très fortement, ils s’assurent ainsi que 30% de leur facture reste stable. »

De l’électricité grâce aux ordures

A Durban aussi, des déchets donnent naissance à de l’énergie. Dans l’immense décharge à ciel ouvert de la ville, 103 puits de captage récupèrent le méthane qui se dégage lors de la décomposition des ordures ménagères. Les 19 millions de tonnes de poubelles entassées sur 44 hectares de collines permettent de faire marcher les lampadaires, feux de croisement et installations électriques municipales. Depuis 2007, la ville s’y retrouve d’un point de vue financier. « L’incinération des déchets est trop chère car il faut un très bon système de filtration des émissions polluantes », explique Marc Wright, directeur exécutif des projets déchets à la mairie.
La décharge de Durban produit du méthane utilisé pour générer de l'électricité. (A.Chauvet/20Minutes)
Dans quelques mois, la décharge fermera. Les monceaux de déchets seront recouverts de terre et d’argile, puis des arbres y seront plantés. Enterrées les ordures, mais du méthane continuera à s’en dégager et à fournir de l’électricité pendant au moins sept ans, estime Marc Wright. Une autre décharge, plus éloignée de la ville, verra le jour, mais la collecte sélective reste balbutiante et l’avenir des « chiffonniers » qui ramassent  métal, plastique ou cartons, est incertain. « Aujourd’hui, 20 femmes font vivre leur famille grâce à cette activité. Quand la décharge fermera, que vont-elles devenir ? », s’interroge Marc Wright. Ecologie ou social, l’Afrique du Sud n’a pas encore trouvé la voie pour mener ces deux batailles de front.

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