dimanche 6 décembre 2015

Le réchauffement climatique est aussi une question de santé

Les effets de la hausse des températures ont parfois déjà commencé à se faire sentir.
«Le volet santé s'impose de lui-même dans les discussions de la COP21, car on commence déjà à voir l'impact du changement climatique, notamment sur les maladies respiratoires.»Le constat du Dr Abdon Goudjo, chef du pôle de politique de santé mondiale au ministère des Affaires étrangères, est partagé par de nombreux experts, qui mettent en garde depuis des années contre les répercussions sanitaires d'une élévation de la température du globe. «La menace est si grande qu'elle pourrait nous faire perdre les bénéfices du développement de ces 50 dernières années», insistent des scientifiques du University College London dans une édition du Lancet consacrée au climat, en juin. Nous avons passé en revue les principales menaces recensées, directes et indirectes.
● Hausse des températures
«La chaleur est un risque sanitaire immédiat à envisager », écrit l'Institut national de veille sanitaire la semaine dernière, rappelant que «les canicules de 2003 puis de 2006 et 2015 ont causé respectivement 15.000, 2000 et 3300 décès en excès en quelques jours en France ». Il va donc falloir s'adapter: revoir les seuils d'alerte à la lumière des nouvelles moyennes de température, repenser l'habitat et la ville pour limiter le phénomène d'îlot de chaleur urbain «qui contribue fortement à la mortalité lors des épisodes extrêmes ».
● Des catastrophes naturelles plus fréquentes
La fréquence et surtout la puissance des ouragans, des inondations, des sécheresses devraient aller croissante. Les populations touchées, souvent les plus vulnérables de la planète, compteront des blessés, verront leurs logements détruits, manqueront de nourriture et d'eau potable avec un risque accru de maladies diarrhéiques, qui tuent déjà 600.000 enfants de moins de 5 ans par an, selon l'OMS. Les structures médicales chargées de les soigner ne seront pas épargnées, réduisant l'accès aux soins du public, et pas seulement pour les blessures urgentes liées aux circonstances: la prise en charge des maladies chroniques, la vaccination, les accouchements seront impactés.
● Extension des zones touchées par le paludisme, la dengue…
Avec l'élévation des températures, les maladies transmises par des insectes (moustiques, tiques), comme le paludisme, la dengue et la maladie de Lyme, pourraient toucher un territoire plus étendu, estime l'OMS (Quantitative risque assessment of the effects of climate change on selected causes of death, 2030s and 2050s, 2014). «Les arthropodes (insectes ou tiques) vecteurs d'agents pathogènes n'ont pas une température interne stable, elle s'aligne sur la température ambiante. Or la réplication du virus ou du parasite dans l'organisme de ces insectes nécessite une certaine chaleur », explique Vincent Robert, entomologiste à l'Institut de recherche et développement. La température n'est toutefois pas le seul paramètre en jeu: la densification des déplacements, l'humidité ambiante, l'urbanisation, le mode de vie des riverains pèsent aussi sur la circulation de la maladie. «La nature fonctionne de façon très complexe. Il faut se garder de faire des extrapolations catastrophistes à partir de la seule température», relativise Vincent Robert.
● Le souffle coupé par la pollution
La pollution atmosphérique est le 5e  facteur de risque de maladie ou de décès dans le monde - derrière le tabagisme, mais devant le surpoids. Elle tue, par maladie respiratoire, cardiovasculaire ou cancer, 7 millions de personnes chaque année, dont 42.000 en France. Or la teneur de l'air en ozone et particules fines, qui exacerbent les maladies cardiovasculaires et respiratoires, augmente avec la température, rappellent dans un rapport commun les organisations professionnelles de pneumologues (SPLF, FFP).
Une étude conduite dans 9 grandes villes de l'Hexagone a évalué que la mortalité augmentait de 1 à 3 % dans les deux jours suivant un pic de pollution atmosphérique. Mais c'est encore la pollution «de fond»(habituelle) qui fait les pires dommages: on estime que 7 % des décès et hospitalisations pour des symptômes cardio-respiratoires sont attribuables aux pics, contre 93 % à la pollution de fond (pour les particules fines PM10). Si les malades chroniques - asthmatiques, insuffisants respiratoires, BPCO - voient leur état s'aggraver par la pollution de l'air, une exposition régulière tôt dans l'enfance augmente tout simplement le risque d'entrer dans la maladie, principalement l'asthme, conclut une étude néerlandaise publiée récemment dans The Lancet.
● Plus de pollens, plus d'allergies
La combinaison est sans pitié pour les allergiques, de plus en plus nombreux: la hausse des températures augmente la pollinisation des plantes, tandis que les polluants atmosphériques intensifient les symptômes. Les composants volatils se fixent aux grains de pollen, les entraînant plus loin dans l'appareil respiratoire, ce qui a pour effet de démultiplier la réaction de l'organisme. Et si une rhinite sévère peut s'avérer handicapante, une crise d'asthme peut, elle, se révéler franchement dangereuse.

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