L'appel sur la préservation du milieu marin, lancé samedi 26 octobre par dix-neuf ministres, quelques ambassadeurs et nombre de représentants d'organisations internationales réunis en Corse, a un nom qui sonne bien : le message d'Ajaccio. Cela l'aidera-t-il à être entendu ?
Les auteurs de ce texte semblent avoir pris acte des conclusions pressantes ducongrès Impac 3, qui a rassemblé à Marseille pendant une semaine des scientifiques, des gestionnaires d'aires marines protégées (AMP), des membres d'ONG, des représentants de bailleurs de fonds – au total 1 500 participants venus de près de 90 pays.
Ils insistent en effet sur la nécessité de "l'urgence de l'action, de la mobilisation"générale et veulent rappeler à tous les États leurs engagements vis-à-vis de la biodiversité marine, en particulier ceux pris dans le cadre des Nations Unies. "La santé des océans est essentielle pour le maintien de la vie sur l'ensemble de laplanète", rappellent les ministres.
Ces derniers se déclarent donc "préoccupés par le fait qu'avec moins de 3 % des océans couverts par des AMP, le niveau de protection nécessaire est encore loin d'être atteint". Surtout si l'on ne prend en compte que les parcs marins, réserves et autres zones vulnérables à préserver qui disposent réellement d'un plan de gestion et de moyens suffisants pour faire respecter leurs réglementations sur et sous l'eau.
ZONE SANS LOI
Pour les observateurs rompus au ton solennel qui convient à ce genre d'exercice, cet appel affiche une ambition supérieure à la moyenne internationale vis-à-vis d'un milieu qui couvre les deux-tiers de la planète, mais reste largement une zone sans loi : 64 % des océans se trouvent hors des juridictions nationales, et le statut de la haute-mer est l'objet de discussions internationales. Le message d'Ajacciotente donc d'accélérer le mouvement en glissant qu'il faudrait parvenir"urgemment" à s'entendre afin de protéger des espaces très riches en biodiversité... mais aussi en ressources fossiles et minérales.
Il multiplie les appels tout azimut. En direction des États membres de la Convention pour la conservation de la faune et de la flore marine antarctiques (dont la France fait partie) notamment : ceux-ci sont réunis ces jours-ci enAustralie afin de parvenir à un accord sur la création de sanctuaires marins dans ces eaux lointaines. Ces dernières années, les précédentes rencontres ont buté sur l'opposition de la Russie et se sont soldées par des échecs.
Le message d'Ajaccio s'adresse aussi à l'Union européenne. Alors qu'à Bruxelles, le maître mot du moment est la "planification spatiale en mer" – une terminologie qui préfigure la façon dont les activités économiques voudraient se partagerl'espace (tourisme, transport, extractions diverses, éoliennes offshore par exemple) – les ministres affirment vouloir encourager "la prise en compte des objectifs de conservation de la nature" dans tous ces secteurs en plein développement.
Les ministres en appellent au dialogue avec l'ensemble des usagers de la mer et avec les acteurs de la pêche, aux initiatives de la société civile qui soutiennent les les travaux scientifiques. Ils se tournent surtout vers tous ceux qui pourraientpallier la restriction des budgets publics : Fonds pour l'environnement mondial et autres grands bailleurs. Ils comptent en outre sur des "partenariats innovants avec le secteur privé".
IDÉES NEUVES
Cette journée d'échange politique en Corse – région du président de l'Agence française des aires marines protégées, le député Paul Giaccobi (PRG) –, a été l'occasion d'avancer quelques idées neuves. Ainsi le représentant du gouvernement des Seychelles a-t-il suggéré de troquer la dette de son pays contre la mise en place d'une vaste AMP autour de son archipel.
Le Prince Albert II de Monaco a présenté avec le ministre français de l'écologie, Philippe Martin, la création d'un fonds fiduciaire pour les AMP de Méditerranée. Une enveloppe qu'il reste à remplir.
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A Marseille, les congressistes, souvent bien placés pour constater à quel point l'époque est à la rigueur publique, ont eux aussi émis quelques propositions stimulantes : pourquoi le transport maritime, qui compte parmi les pollueurs avérés, ne contribuerait-il pas au fonctionnement de leurs AMP ? Et pourquoi on ne demanderait pas à la Politique européenne de la pêche de prendre le fonctionnement de ces zones sur ses fonds ? Après tout, ne constituent-elles pas un outil d'aide à la préservation de stocks de poissons ?
A Ajaccio, la France, en tant qu'hôte, ne pouvait se dispenser de montrerl'exemple. Philippe Martin a assuré qu'un décret sur la "création officielle du parc naturel marin du bassin d'Arcachon" serait signé dans les prochaines semaines. A Marseille, on notait en soupirant que c'était déjà la troisième fois qu'un gouvernement français en faisait l'annonce.
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