samedi 12 octobre 2013

En Mongolie, la croisade des «éco-Nazis» contre les mines étrangères

Ariunbold Altankhuu, chef d'un groupe écologiste néo-nazi mongol à Oulan-Bator, le 12 septembre 2013
Ariunbold Altankhuu, chef d'un groupe écologiste néo-nazi mongol à Oulan-Bator, le 12 septembre 2013BYAMBASUREN BYAMBA-OCHIR AFP

"Ici nous voulons des gens avec un coeur mongol et du sang mongol", martèle Boldbaatar Gombodorj en pointant du doigt une carte de la Mongolie piquetée de drapeaux correspondant aux nationalités des concessions minières étrangères.

Oulan-Bator - «Ici nous voulons des gens avec un coeur mongol et du sang mongol», martèle Boldbaatar Gombodorj en pointant du doigt une carte de la Mongolie piquetée de drapeaux correspondant aux nationalités des concessions minières étrangères.
Ce militaire à la retraite, dont le nom signifie «Héros en acier forgé», a redonné sens à sa vie en s'engageant dans un groupuscule nationaliste, «Lutte pour la sécurité de la Mongolie». Il exhibe fièrement un svastika en argent autour de son cou.
Un emblème qui a traversé l'histoire mongole et qui n'a «rien à voir» avec le fascisme, assure-t-il. Mais d'autres partageant ses idées se disent ouvertement néonazis et assument pleinement leurs références au Troisième Reich.
Boldbaatar, 56 ans, ne précise pas combien de membres compte son organisation. Mais il est prolixe sur ses objectifs: défendre, au besoin par la force, l'environnement et la culture nomade de la Mongolie dont, selon lui, les multinationales pillent les richesses et corrompent les élites.
Il relate avoir participé ainsi, il y a quelques semaines, à une opération coup-de-poing contre une mine sud-coréenne. Une action qui s'est soldée par un face-à-face tendu avec les gardes du site. «Nous aurions tiré s'ils avaient tiré», affirme l'ancien soldat, un sourire grave sous son imposante moustache.
Boldbaatar Gombodorj a aussi les oreilles en chou-fleur, comme beaucoup de ses compatriotes qui pratiquent la lutte, le sport national.
Il cite le plus illustre des Mongols, Genghis Khan: «Ceux qui polluent les rivières et les sources souillent la pureté, ils doivent donc être châtiés par la mort».
Et il se remémore son engagement dans l'armée, quand il s'est agenouillé en portant à son front un pan du drapeau mongol. «J'ai juré de défendre chaque parcelle de notre territoire. Eh bien voyez maintenant: il est livré aux pays étrangers!»
L'industrie minière représente désormais 20% du produit intérieur brut de la Mongolie, un ex-satellite de l'URSS où la conversion au capitalisme sauvage a généré nombre de laissés-pour-compte. Un terreau fertile pour les mouvements extrémistes.
Le plus connu des «éco-patriotes» est sans doute Tsetsegee Munkhbayar, à la tête d'une petite organisation, La Nation en Feu.
«Ces vingt dernières années, on a recensé plus de 4.000 points d'eau en voie de tarissement et 1.300 qui ont disparu. La principale raison est l'activité minière», souligne cet écologiste radical.
«Quand nous nous rendons dans les campagnes, nous y sommes reçus comme des sauveurs», dit-il à l'AFP.
Il est arrivé que lui et ses hommes aient recours à des moyens violents, comme tirer sur des excavateurs pour les saboter. «Ce sont des méthodes nécessaires quand les autres moyens sont infructueux», assure Munkhbayar.
Dans un quartier central d'Oulan-Bator, en sous-sol d'un immeuble datant de l'époque soviétique, l'AFP a pu rencontrer les membres plus inquiétants de Tsagaan Khass («Svastika blanc»).
Interviewer Ariunbold Altankhuum, le leader de ce groupuscule, donne l'impression d'avoir été téléporté en pleine deuxième guerre mondiale, dans le bureau d'un officier nazi où un buste de Gengis Khan remplacerait le portrait du Führer.
L'homme reçoit habillé d'une gabardine en cuir façon Gestapo, derrière un grand drapeau fortement inspiré de celui de l'Allemagne hitlérienne.
Les militants de l'organisation qui entrent dans la salle effectuent le salut nazi, avec claquement des talons réglementaire. Tous sont habillés de noir, parfois tatoués et les mains portant des bagues ornées d'une Croix de fer.
Se substituant aux autorités locales qu'ils accusent d'être inféodées aux sociétés minières, les militants de Tsagaan Khass effectuent des inspections impromptues dans les mines.
Ils exigent de voir les licences d'exploitation, contrôlent le niveau des salaires des employés mongols et s'assurent que les revenus profitent aux populations sur place.
En cas d'insatisfaction, ces «éco-Nazis» peuvent décider d'interrompre l'activité du site, en confisquant les clés ou en crevant les pneus des engins de chantier.
«Nous ne sommes pas un gang de voyous», assure pourtant Ariunbold, selon qui les sociétés minières «violent les droits des citoyens mongols».
«Ils creusent un trou puis ils partent en laissant derrière eux de terribles ravages environnementaux», dénonce-t-il.
«La société est devenue très vulnérable. Les enfants des riches vont étudier à l'étranger tandis que pour les autres les frais de scolarité augmentent chaque année».
Difficile de jauger l'influence de groupes tels que Tsagaan Khass, qui revendique plus de 3.000 sympathisants.
«Je ne pense pas que leurs idées soient très répandues», confie à l'AFP Jargalsaikhan Dambadarjaa, un expert de la société mongole.
Mais lui et d'autres intellectuels interrogés par l'AFP insistent sur le danger de «polarisation» de la société si la manne des mines n'est pas mieux distribuée dans l'avenir.
 © 2013 AFP

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