samedi 31 janvier 2015

Le gouvernement présente un nouveau plan antipesticides

Les doses de pesticides dans les champs de France n'ont jamais été aussi élevées. La France en est le troisième pays consommateur au monde, malgré les risques encourus en termes de santé, de pollution de l'eau, de biodiversité et d'émissions de gaz à effet de serre. L'objectif fixé par le plan Ecophyto, lancé en 2008 dans le cadre du Grenelle de l'environnement, était de réduire de moitié les herbicides, fongicides et autres insecticides pulvérisés sur les plantes d'ici à 2018. Six ans après son lancement, c'est un constat d'échec : le recours aux pesticides a crû de plus de 10 % entre 2009 et 2013, avec un bond de 9,2 % entre 2012 et 2013.

Le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll, a présenté, vendredi 30 janvier, les axes du nouveau plan Ecophyto. L'objectif est le même pour cette deuxième version, inspirée du rapport de Dominique Potier (député PS de Meurthe-et Moselle) remis le 23 décembre au gouvernement. Il s'agit de nouveau de réduire de moitié l'usage des pesticides, cette fois à l'horizon 2025. Un palier intermédiaire de 25 % de baisse est fixé pour 2020. Les grandes lignes dévoilées par M. Le Foll devront encore être discutées, pour une publication qui n'est pas prévue avant juin 2015 et une mise en application possible au second semestre.
L'enveloppe allouée à Ecophyto est, elle, arrêtée. Elle devrait passer de 40 millions d'euros, budget annuel actuel, à 70 millions d'euros. Les 30 millions d'euros supplémentaires proviennent de l'augmentation de l'assiette de la redevance pour pollution diffuse. Ces aides seront attribuées à la fois par le ministère de l'agriculture et celui de l'environnement.
Le gouvernement veut s'appuyer sur les fermes « Dephy », un réseau d'exploitations pionnières. Celles-ci ont réussi à baisser de 7 % leurs traitements en 2012, puis de 12 % en 2013. L'idée est donc de développer assez rapidement ce réseau, pour le faire passer de 2 000 à 3 000 fermes, pour inciter d'autres exploitations agricoles à adopter ces démarches vertueuses. Stéphane Le Foll plaide pour que la réduction des usages de pesticides s'accompagne de nouvelles pratiques agroécologiques : recours accru au biocontrôle, diversification des cultures, meilleure rotation…
Il s'agit d'inciter les distributeurs de produits phytosanitaires, les grandes coopératives agricoles en tête, à réduire les doses vendues. Avec un objectif d'une baisse de 20 % des NODU – c'est-à-dire le « nombre de doses unités », qui sert d'indice de référence – d'ici à 2020. Si le distributeur ne l'atteint pas, il se verra appliquer une pénalité de 11 euros par NODU non économisé.
PIONNIER
L'enjeu est aussi de réduire, voire d'éliminer les phytosanitaires dans les jardins et les espaces publics. De ce côté-ci, on observe des progrès : les zones non agricoles enregistrent en effet une baisse de 7,9 % entre 2012 et 2013. La loi sur la transition énergétique, encore en discussion, fixe au 31 décembre 2016 leur interdiction dans les espaces publics.
Dans son nouveau plan Ecophyto, M. Le Foll ne se prononce pas pour l'interdiction de nouveaux insecticides de la famille des néonicotinoïdes. La France – avec d'autres pays européens comme l'Italie – a cependant fait figure de pionnier dans ce domaine. Le Cruiser OSR, avait ainsi été interdit par M. Le Foll – mesure qui avait été suivie et prolongée par la Commission européenne. Celle-ci avait annoncé, en mai 2013, un moratoire sur certaines utilisations de trois molécules de cette famille de substances, mises en cause dans le déclin des abeilles et des insectes pollinisateurs.
Dans une proposition de résolution présentée jeudi 29 janvier par Joël Labbé (sénateur EELV du Morbihan), 53 parlementaires exhortent le gouvernement français à aller plus loin et à « agir auprès de l'Union européenne pour une interdiction de toutes les utilisations de ces substances néonicotinoïdes tant que les risques graves pour la santé humaine, animale et l'environnement ne seront pas écartés ».

Les auteurs de la proposition s'appuient notamment sur les travaux d'un groupe d'une trentaine de chercheurs internationaux publiés à l'été 2014 dans Environmental Science and Pollution Research. « Ces travaux montrent que non seulement les abeilles sont décimées par ces substances, mais aussi que l'ensemble des insectes et les organismes des sols sont également touchés, dit M. Labbé qui, dans un geste inhabituel, a adressé une longue lettre à ses pairs les invitant à voter le texte. Voilà seulement vingt ans, il n'était pas possible de faire un voyage en voiture de 500 km sans avoir son pare-brise maculé d'insectes. Aujourd'hui, cela a disparu et c'est le signe tangible de la perte dramatique de biodiversité que nous connaissons. » La proposition sera discutée le 4 février.

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