mardi 9 juin 2015

Les polluants entraîneraient retards et malformations chez l’enfant

La dégradation de l’environnement a-t-elle des effets mesurables sur la santé des enfants ? Deux études françaises le suggèrent de nouveau, avec des manifestations allant de l’altération des capacités intellectuelles à la fréquence de certaines malformations congénitales. La première, rendue publique mardi 9 juin et publiée dans la dernière édition de la revue Environment International, a consisté à chercher les effets de l’exposition à une famille courante d’insecticides – les pyréthrinoïdes – sur les facultés cognitives de jeunes enfants.
Ces travaux, conduits par Jean-François Viel (CHU de Rennes, Inserm) et Cécile Chevrier (Inserm), ont utilisé les données d’une cohorte d’environ 3 500 couples mère-enfant suivis depuis 2002. Les auteurs ont d’abord tenté de mettre en relation le niveau d’exposition de la mère à des pyréthrinoïdes, au cours de sa grossesse, avec les capacités intellectuelles de l’enfant à l’âge de 6 ans. « Nous avions une hypothèse assez forte sur un lien entre l’exposition prénatale de l’enfant et son développement neuropsychologique, mais nos données ne montrent rien de tel, explique Cécile Chevrier. Nous ne trouvons aucun lien. »

Facultés cognitives dégradées

Le lien apparaît lorsque les pyréthrinoïdes sont recherchés chez les enfants eux-mêmes, à l’âge de 6 ans. Le jour de la réalisation des tests d’aptitudes conduits dans le cadre de l’étude, les enfants les plus exposés à ces insecticides présentaient des capacités de mémorisation et de compréhension verbale significativement inférieures aux autres. Alors que l’exposition in utero ne semble pas avoir eu d’effets sur la cognition, l’exposition directe des enfants dégrade leurs facultés cognitives.
Et ce, précise Jean-François Viel, « une fois pris en compte de nombreux facteurs de confusion », comme la catégorie socioprofessionnelle des parents, la durée moyenne de sommeil, le temps quotidien passé devant la télévision ou les jeux vidéo, etc.
Alors que l’exposition in utero ne semble pas avoir eu d’effets sur la cognition, l’exposition directe des enfants aux pyréthrinoïdes dégrade leurs facultés cognitives
D’où proviennent ces expositions ? L’étude ne le dit pas. « Le lien est souvent fait avec l’agriculture, relève Cécile Chevrier, mais plusieurs travaux suggèrent que l’environnement domestique est une source importante d’exposition à ces produits, qui entrent dans la composition d’insecticides ménagers, de lotions antipoux, de produits antiparasitaires pour les animaux domestiques, etc. »
Dans une étude rendue publique lundi 8 juin et tout juste publiée dans European Urology, une autre équipe de chercheurs et de cliniciens, menée par Nicolas Kalfa et Charles Sultan (CHU de Montpellier), a de son côté cherché à évaluer l’impact des pollutions environnementales sur le risque d’hypospadias. Cette malformation congénitale du pénis est un défaut de positionnement de l’urètre, qui nécessite un acte chirurgical peu après la naissance. Elle toucherait environ 3 garçons sur 1 000, avec de fortes disparités régionales ; sa fréquence tend à augmenter.

« L’augmentation de l’incidence de l’hypospadias, dans certaines régions ou certaines périodes, a conduit à suspecter que des polluants environnementaux puissent nuire au développement de l’appareil génital masculin pendant la vie fœtale », écrivent Nicolas Kalfa, Charles Sultan et leurs coauteurs. Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont comparé les données familiales de 300 enfants ayant été atteints d’hypospadias, à 300 enfants non touchés.
La profession des parents a été relevée, de même que le lieu du domicile. L’analyse des données conduite par les auteurs suggère que les enfants dont la mère est exposée, dans le cadre de son travail, à des perturbateurs endocriniens (PE) – ces substances qui interfèrent avec le système hormonal (détergents, pesticides, solvants, etc.) – ont un risque trois fois supérieur de présenter un hypospadias à la naissance, par rapport aux autres. L’exposition du père à ces substances de synthèse est également un facteur de risque, mais moindre.
Selon les résultats présentés, les professions féminines les plus à risque sont les femmes de ménage, les coiffeuses, les esthéticiennes, les techniciennes de laboratoire. Du côté des pères, les travailleurs agricoles, les mécaniciens et les peintres ont également un risque accru de voir leur enfant touché par un hypospadias.
Les chercheurs ont également ajouté une dimension géographique à leur analyse. Ils ont relevé, dans un rayon de 3 km autour du domicile de chaque famille enrôlée dans l’étude, la présence d’une zone industrielle, d’une zone d’agriculture intensive ou d’un incinérateur. L’effet sur l’hypospadias existe, mais il est inférieur à celui d’une exposition directe des parents à des PE. Cependant, les risques se cumulent. Selon l’analyse présentée par Charles Sultan et Nicolas Kalfa, travailler au contact de PE et vivre non loin d’un site industriel polluant pourrait décupler le risque d’avoir un enfant touché par un hypospadias.

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