Ces molécules, qui permettent au système
immunitaire de déjouer un mécanisme de défense de la tumeur, confirment
leurs promesses pour les cancers avancés.
«Traitement de rupture», «grand optimisme», «très excitant»… Les qualificatifs employés par le comité organisateur comme par les experts assistant au congrès traduisent tout l'espoir porté par cette voie de traitement récente, qui s'adresse en priorité à des cancers métastasés face auxquels les médecins sont très démunis pour prolonger la vie de leurs patients, fût-ce de quelques mois.
À la différence de la chimiothérapie, qui détruit les cellules tumorales (et beaucoup de cellules saines au passage, notamment sanguines), et des thérapies ciblées qui freinent la croissance de la tumeur en s'attaquant aux anomalies moléculaires lui permettant de se développer, l'immunothérapie agit sur le système immunitaire du patient en déjouant un mécanisme de défense de la tumeur par lequel elle bloque l'action des lymphocytes. «Contrairement aux thérapies ciblées dont le mécanisme d'action finit, avec le temps, par être contourné par la tumeur, le potentiel d'action de l'immunothérapie semble inépuisable», souligne Jérôme Viguier, directeur du pôle santé publique et soins à l'Institut national du cancer.
Association de produits
Cette voie d'action a d'abord montré sa remarquable efficacité dans le traitement du mélanome métastasé, jusque-là de très mauvais pronostic. Le Dr Caroline Robert, chef du service de dermatologie à l'Institut Gustave-Roussy (Villejuif), a conduit ces dernières années plusieurs essais cliniques clés dans ce domaine. «Avec mes collaborateurs internationaux, nous avons montré que l'immunothérapie induit une meilleure réponse que la chimiothérapie et que les nouvelles immunothérapies anti-PD1 comme le nivolumab et le pembrolizumab donnent des résultats encore meilleurs que la première génération, l'ipilimumab, avec une survie moyenne de deux ans.» Grâce à ces traitements, certains patients sont même en rémission complète depuis plusieurs années, ajoute-t-elle.Le type le plus fréquent de cancer du poumon, dit «non à petites cellules», répond aussi à ces innovations thérapeutiques. Un essai clinique international de phase 3 présenté samedi à Chicago montre ainsi que les patients recevant du nivolumab voient leur survie prolongée de 27 % par rapport à ceux prenant le traitement usuel (docétaxel). Voire de 41 à 60 % pour certains présentant un taux élevé du biomarqueur PDL1 (cible de l'immunothérapie). Des résultats d'efficacité encourageants ont aussi été observés sur d'autres tumeurs très diverses: vessie, ovaires, rein, côlon, ORL…
De nouvelles molécules devraient bientôt s'ajouter au nivolumab de BMS et au pembrolizumab de Merck, les deux disponibles en France dans le cadre d'une autorisation temporaire d'utilisation pour le mélanome et le cancer du poumon non à petites cellules. Des avancées sont aussi à attendre de l'association de ces produits entre eux, avec des thérapies ciblées ou avec des chimiothérapies, ces combinaisons aux contours variés faisant l'objet de nombreuses présentations à l'Asco.
Pas de récidive
À l'horizon se profile ainsi ce qui, il y a quelques années encore, semblait impossible: guérir des malades atteints d'un cancer métastasé. «Aujourd'hui, à l'exception du cancer du testicule et de certains lymphomes, on ne guérit qu'exceptionnellement les cancers métastatiques: on prolonge la vie des patients, rappelle le Dr Christophe Le Tourneau, responsable des essais précoces et de la médecine de précision à l'Institut Curie (Paris). Mais des patients traités par immunothérapie il y a maintenant trois à quatre ans, dont certains ont même arrêté leur traitement, ne montrent pas de récidive de la maladie. Il ne s'agit que de 10 % des patients traités, mais on peut légitimement se demander s'ils ne sont pas en rémission complète, même si un recul plus important est nécessaire pour le confirmer.»Gare toutefois aux espoirs démesurés. L'immunothérapie ne prétend pas remplacer en mieux les traitements actuels, elle s'y ajoute et les complète avec l'idée que les combinaisons créent une synergie démultipliant les prises sur la tumeur. «D'une certaine façon, on rêve de trouver la trithérapie du cancer, comme on l'a vu pour le VIH», illustre Christophe Le Tourneau.
Par ailleurs, «tous les patients n'y répondent pas», rappelait vendredi le Dr Lynn Schuchter, oncologue et membre de la Société américaine d'oncologie clinique, lors de la présentation à la presse d'études prometteuses pour l'immunothérapie. «Identifier les patients susceptibles de bénéficier de ces nouveaux produits, en monothérapie ou en combinaisons, sera l'un des défis des années à venir.»
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