mercredi 30 septembre 2015

Actualité Sciences & Nature Environnement ONU : un repas conçu à partir de déchets servi aux chefs d'état

Pour dénoncer le gâchis alimentaire, deux chefs américains ont imaginé un repas entièrement composé d'ingrédients qui auraient sans cela été jetés. 

 

Les dirigeants du monde, habitués aux meilleurs restaurants, ont eu une délicieuse surprise dimanche aux Nations unies : un repas entièrement conçu à partir de déchets alimentaires. Deux chefs leur avaient concocté un déjeuner entièrement fait de nourriture qui autrement serait partie à la poubelle, une façon de souligner le gâchis incroyable de l'alimentation moderne et son rôle dans le changement climatique. Le menu du déjeuner, au siège de l'ONU à New York, était composé d'un hamburger végétarien fait à partir de la pulpe de fruits pressés, qui est habituellement jetée. Le hamburger était accompagné de frites, créées avec le maïs riche en amidon qui sert généralement à nourrir les animaux.
« C'est le repas typique américain, mais complètement bouleversé. Au lieu du boeuf, nous allons manger le maïs qui nourrit le boeuf », a expliqué Dan Barber, un chef new-yorkais qui possède le restaurant Blue Hill. « Le défi est de créer quelque chose de vraiment délicieux, à partir de ce que nous aurions autrement jeté », a-t-il ajouté. Dan Barber avait conçu le menu avec Sam Kass, ancien chef de la Maison-Blanche, à la tête de la campagne anti-obésité « Bougeons » de la première dame Michelle Obama. Sam Kass avait réfléchi à ce concept d'un menu fait de déchets dans la perspective de la grande conférence sur le climat prévue à Paris à la fin de l'année. « Tout le monde, de façon unanime, décrit ces négociations comme les plus importantes de notre vie », dit-il. Mais les déchets alimentaires « n'étaient pas discutés à ce stade, à part dans de petits cercles restreints », ajoute-t-il.

Des pertes annuelles équivalentes à 3,3 milliards de tonnes carbone

Des dizaines de dirigeants mondiaux ont participé à ce déjeuner, coprésidé par les présidents français François Hollande et péruvien Ollanta Humala, dans le cadre du sommet sur le développement organisé sur trois jours à l'ONU, avant les discussions à Paris. L'ONU invite rarement des chefs extérieurs, mais avait dérogé à cette habitude pour Sam Kass et Dan Barber, en dépit des mesures de sécurité renforcées pour l'Assemblée générale. Selon des chiffres de l'ONU, 28 % des terres agricoles dans le monde servent à produire de la nourriture qui est jetée ou gâchée. Les pertes chaque année sont équivalentes à 3,3 milliards de tonnes carbone, ce qui, si les déchets alimentaires étaient un pays, en feraient le plus gros émetteur après la Chine et les États-Unis. « C'est juste impensable, l'inefficacité de notre système, quand vous pensez à quelque chose de cette magnitude », ajoute Sam Kass.
Plus tôt cette année, Dan Barber a ouvert un restaurant éphémère, à New York, basé sur des déchets alimentaires. « L'idée d'un repas à base de déchets n'aurait pas pu exister au XVIIIe siècle », estime-t-il. « La conception d'une assiette de nourriture dans le monde occidental génère beaucoup de gaspillage parce que nous avons les moyens de ce gaspillage », ajoute-t-il. Ce gaspillage est encore plus important aux États-Unis, qui a de grandes ressources agricoles. Dan Barber espère que des événements comme ce déjeuner pour les chefs d'État feront graduellement évoluer la culture alimentaire. « Le but à long terme serait de ne plus [pouvoir faire] un repas à partir de déchets », juge le chef. « Vous n'y arrivez pas en faisant la leçon, vous le faites par hédonisme, en préparant à ces dirigeants un repas délicieux, qui les fera réfléchir et passer le mot », conclut-il.

 

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