dimanche 6 décembre 2015

«Au Grand Palais, si les multinationales font vraiment du greenwashing, ça se verra»

Par et
L'exposition «Solutions COP21» au Grand Palais, à Paris, le 3 décembre. Photo Alain Jocard.AFP

Alors que «Solutions COP21», qui vient d'ouvrir à Paris pour une semaine, est qualifié par les ONG de «grande fête pour les lobbies», Gilles Berhault, le président du comité de programmation de l'événement, se justifie.

Le coup d’envoi de l’exposition «Solutions COP21» au Grand Palais, à Paris, vient d’être donné ce vendredi. Pendant une semaine et jusqu’à jeudi, le grand public pourra «venir dialoguer» avec plus de 200 exposants partenaires venus du monde entier et «réunis autour d’un même objectif : faire connaître et développer les solutions éprouvées pour lutter contre le dérèglement climatique». En tout, 50 000 personnes sont attendues. Parmi les «partenaires fondateurs» de l’opération figurent Engie (ex-GDF-Suez), Carrefour, Veolia, Suez, Schneider Electric ou encore Avril-Sofiprotéol, le conglomérat dirigé par le président de la FNSEA, Xavier Beulin, très impliqué dans les agrocarburants, les OGM ou les aliments pour l’élevage industriel. Ce qui fait qualifier Solutions COP21 de «grande fête des lobbies» par les ONG. Lesquelles viennent d’ailleurs d’organiser vendredi en début d’après-midi un «lobby tour» peu apprécié des forces de l’ordre :

Entretien avec Gilles Berhault, président du Comité 21 et du Club France Développement durable, qui organisent l’événement.
Solutions COP21 est très critiqué par les ONG, qui y voient une vaste opération de lobbying et de greenwashing de la part de multinationales pas très écolos. Que répondez-vous ?
Contrairement à la Galerie des solutions, au Bourget, organisée par une société privée anglaise, ce n’est pas une exposition commerciale. Le Comité 21 n’a pas pour but de faire du profit, c’est une enceinte de rencontre et de dialogue, un réseau d’acteurs engagé dans la mise en oeuvre du développement durable en France. Et parmi les partenaires de Solutions COP21, que je compare plutôt à l’exposition universelle de 1900, dans le sens où elle vise à donner «envie de l’avenir», on trouve un tiers d’associations, un tiers de collectivités et institutions et un tiers d’entreprises, des PME aux grands groupes. Comme on a zéro subventions et qu’on doit louer le Grand Palais, on a une règle selon laquelle les grandes entreprises paient plus que les autres pour y participer.
Mais parmi ces groupes, certains ne sont pas vraiment «amis du climat» et peuvent promouvoir ce qui est qualifié de «fausses solutions» par les ONG, comme les agrocarburants d’Avril ou le gaz, présenté comme une énergie propre…
La vraie question, c’est «comment sortir du charbon au plus vite». Quand Engie dit «on arrête d’investir dans les centrales à charbon», c’est plutôt une bonne nouvelle. Même si je suis perplexe, à titre personnel, sur l’utilisation du gaz, à terme. Je reste aussi très réservé sur les agrocarburants. Mais il faut pouvoir débattre de ces questions. Il n’y a pas de solution miracle, il y a plutôt un assemblage de solutions. Je préfère que ces acteurs soient là et qu’on en discute plutôt que de les empêcher de montrer leurs solutions. Si on empêche les gens de montrer ce qu’ils font, les décisions se prendront de manière non transparente. Il faut montrer la réalité de ce qui existe aujourd’hui. D’ailleurs, venir exposer à Solutions COP21, ça ne veut pas dire qu’on reçoit un label. Ceci dit, nous avons refusé certaines solutions, notamment dans le charbon, et les entreprises qui m’auraient vraiment beaucoup gêné n’ont pas fait de demandes. On n’a pas eu de demandes de Total, par exemple. Je pense surtout que le grand public est déjà bien informé de ce qui est bon pour le climat et ce qui ne l’est pas, il est capable de faire la part des choses.
Vraiment ?
Oui, j’en suis convaincu. Et puis, vous savez, en venant au Grand Palais, ces multinationales s’exposent. Si elles font vraiment du greenwashing, ça se verra. Elles ont tout à perdre à le faire. J’ai été surpris qu’Avril, par exemple, ait eu envie de venir au Grand Palais, parce qu’ils s’exposent. Il y aura des ONG à côté, il y aura débat, les gens seront critiques et probablement, d’ailleurs, ça les fera bouger. Quant aux accusations selon lesquelles Solutions COP21 permettrait aux entreprises d’avoir un accès privilégié aux décideurs politiques, elles n’ont pas besoin de Solutions COP21 pour cela : elles sont de toute façon invitées à donner leur avis dans les négociations de la COP.
Que dites-vous de l’expulsion de militants écologistes et de la fermeture temporaire du Grand Palais au public ?
Je savais qu’ils allaient venir. Evidemment que tout le monde n’est pas d’accord sur les solutions pour le climat à mettre en avant, mais il faut se parler. Je trouve ça dommage que ça se soit passé ainsi. Certains se sont un peu énervés, c’était tendu, et au final on a enlevé la parole à des gens venus pour s’exprimer.

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