dimanche 6 décembre 2015
Au Royaume-Uni, des maisons surélevées ou amphibies face à la montée des eaux
Martin et Joanna sont les heureux propriétaires d'une charmante maison dans la campagne anglaise, à un jet de pierre de la Tamise. Les inondations dues au changement climatique? Aucun risque: leur demeure est bâtie sur 27 piliers d'acier à cinquante centimètres du sol.
L'Oxfordshire est un coin de verdure à une heure de route au nord-ouest de Londres. Réputé pour ses villages pittoresques, ses châteaux et ses collines, le comté attire de nombreux citadins en mal d'air pur.
Le Premier ministre David Cameron y possède une résidence, Martin et Joanna O'Callaghan aussi.
Leur maison tranche, pour le moins, avec les bâtisses traditionnelles en briques rouges et poutres apparentes qui peuplent la région.
Constituée d'un emboîtement de volumes spacieux totalisant 130 m2, elle est parée d'un bardage en bois de mélèze, à la fois esthétique et performant en termes d'isolation thermique.
L'intérieur est blanc, clair, aéré, gorgé de lumière naturelle. Les O'Callaghan ont opté pour un design épuré, raffiné et fonctionnel, dans l'esprit scandinave.
Mais la vraie particularité de l'habitation, livrée en 2014, réside dans son dispositif anti-inondation: construite à l'endroit le plus élevé du terrain, elle repose en outre sur des piliers d'acier qui la soulèvent un demi-mètre au-dessus du sol.
En cas de crue intempestive des cours d'eau à proximité, dont la Tamise, Martin et Joanna ont de quoi voir venir.
- Précipitations extrêmes -
«Tous nos voisins se rappellent des grandes inondations de l'été 2007. Cette zone avait été complètement recouverte par les eaux», raconte Joanna en désignant le jardin.
L'histoire récente de ce pays insulaire, où près d'un logement sur cinq est menacé par les inondations, selon l'Association des experts immobiliers, est jalonnée de drames provoqués par les crues et précipitations.
En 1953, des inondations dans l'est de l'Angleterre et autour de l'estuaire de la Tamise avaient fait plus de 300 morts. Et lors de l'hiver 2013-14, des milliers d'habitations avaient été inondées à la suite de crues provoquées par des pluies historiques.
«Nous pouvons affirmer que le changement climatique est à l'origine d'une augmentation modeste mais significative du risque de précipitations extrêmes» au Royaume-Uni, explique à l'AFP le professeur Friederike Otto, une responsable de «Climat Prediction».
Hébergé par l'université d'Oxford, ce projet scientifique utilise les ressources de milliers d'ordinateurs de particuliers pour simuler un supercalculateur capable de générer des modèles climatiques complexes.
- L'eau, la vie -
Face à ce risque accru d'inondation, la maison de Martin et Joanna joue donc la carte de l'évitement. Mais Baca, le cabinet londonien d'architectes qui l'a conçue, a d'autres atouts dans son jeu. A commencer par la «Maison amphibie».
Située au bord de la Tamise, à Marlow, bourgade du Buckinghamshire (centre de l'Angleterre), la demeure repose sur un principe simple et bien connu: la poussée d'Archimède, qui veut que tout corps plongé dans un liquide subit une force verticale dirigée de bas en haut.
Concrètement, la maison, première du genre au Royaume-Uni, est faite d'un bloc mobile installé dans un bassin à flot et peut coulisser, verticalement, sur quatre piliers. La maison n'en reste pas moins «connectée», grâce des câbles flexibles pour l'eau, internet et l'électricité, notamment.
«Quand la rivière monte, le niveau (de l'eau dans le) bassin flottant monte aussi», et la maison, ainsi poussée vers le ciel, reste à sec, explique Richard Coutts, un des architectes de Baca.
«En cas d'inondation, ce bâtiment est prévu pour s'élever de deux mètres», et même davantage, dit-il, ajoutant, sur le ton de l'humour: «Elle résisterait à un déluge biblique!».
Derrière ces deux exemples de constructions, encore rarissimes au Royaume-Uni, il y a cette idée de répondre aux défis posés par le changement climatique en faisant «une place» à l'eau, explique l'architecte.
«Si nous continuons à construire des barrières, mère nature finira tôt ou tard par les emporter», souligne-t-il. «Nous vivons une nouvelle ère, où nous réalisons la valeur de l'eau et la place que nous devons lui laisser dans nos villes».
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