Le sigle CSC, capture et stockage du carbone, indique la double opération que l'on voudrait réaliser. Au sortir du procédé industriel - la génération d'électricité, la fabrication de ciment ou d'acier, l'extraction de gaz et de pétrole, le raffinage du pétrole - séparer le CO2 des autres gaz et particules émis, le comprimer - à 100 bars, précise un ingénieur dans la salle - puis l'injecter dans le sous-sol destination un réservoir naturel, détecté et choisi par les géologues.
2.000 installations industrielles en 2050
Une opération "incontournable" affiche la première diapo de l'exposé de Juho Lipponen, de l'Agence internationale de l'énergie. «J'aime bien ce mot français», justifie t-il pour annoncer que la suite de ses "slides" sera en anglais. Incontournable donc, pour parvenir à tenir le scénario "2°C" de l'AIE qui suppose une diminution de 50% des émissions de CO2 lié à l'énergie d'ici 2050. Et comment faire alors que ce même scénario affiche certes une diminution des quantités de charbon, gaz et pétrole utilisés, mais avec une part qui, certes, chute des 80% actuels mais représente toujours 44% en 2050 de l'énergie primaire utilisée par l'Humanité pour satisfaire ses besoins énergétiques ? Donc très loin de l'abandon total des énergies fossiles.Une seule solution... la Les sites possibles (GCCSI)révolution ?, non, on est à l'Agence internationale de l'énergie tout de même, donc une seule solution, la séquestration (en sous-sol). C'est très loin en fait d'être la seule solution préconisées par l'AIE, puisque l'Agence évalue l'effort d'efficacité énergétique à 38% des émissions évitées ou les EnR à 30%, mais compte sur la séquestration géologique pour 13% des émissions à éviter. A condition d'avoir équipé de tels dispositifs environ 2.000 grosses installations industrielles d'ici 2050. A près de 60% des centrales électriques (à charbon d'abord, puis à gaz) et à 40% d'autres usines ou sites d'extractions de pétrole et gaz.
Est-ce possible ? Oui, répond Isabelle Czernichowski (BRGM, CO2GeoNet). Premier argument massue : la nature le fait, depuis des centaines de millions d'années. Ainsi, en France, les géologues ont-ils baptisé "province carbo-gazeuse" une vaste région au centre et sud-est du pays où se trouvent de nombreuses eaux minérales chargées en CO2 et des gisements de CO2 très pur utilisé par l'industrie. Comment ? Il suffit que du CO2 se trouve piégé dans les pores microscopiques d'une roche, elle même surmontée d'une couche géologique imperméable. Peut-on copier la nature ? Oui, en visant principalement les aquifères très salés, profonds et impropres à l'usage ou les gisements de pétrole et de gaz en cours ou en fin d'exploitation. Y a t-il de la "place" disponible en suffisance ? Oui, selon un rapport du Giec qui l'évalue à au moins 2.000 milliards de tonnes de CO2 pour des émissions annuelles actuelles d'environ 34 milliards de tonnes.
4.000 millions de tonnes de CO2 en 2040
Sait-on le faire ? Oui, puisqu'on le fait déjà. Sur la plate forme pétrolière de Sleipner, en mer du nord, depuis 1996. A Weyburn, aux États-Unis, depuis 15 ans. Dans ces deux cas à échelle industrielle, opérationnelle, et économiquement justifié par la taxe carbone pour la plate-forme norvégienne. Des pilotes de taille pré-industrielle fonctionnent ou ont fonctionné à Frio (USA), Nagaoka (Japon), Otway (Australie), Ketzin (Allemagne), Lacq (France, Total, dans un gisement de gaz fermé ou 60.000 tonnes de Les technologies de capture (GCCSI)CO2 ont été stockées), Hontomin (Espagne)... Pour Benjamin Court, du GCCSI, les projets de taille industrielle sont passés de 7 à 15 entre les cinq dernières années, et devraient monter à 23 en 2017. Reste que l'ensemble des installations opérationnelles et des projets en cours ne pourront stocker que de l'ordre de 40 millions de tonnes de CO2 par an, alors qu'il en faudrait... 4.000 millions de tonnes en 2040 pour être dans les clous de la trajectoire 2°C. Un effort "monumental", insiste t-il, mais où le challenge technologique est moins important que celui des politiques publiques. En gros, tant que la tonne de carbone émise n'est pas taxée, aucun producteur d'électricité ne va le faire, sauf s'il y est obligé par une réglementation.Production électrique France 2014Et la France ? Pas énormément concernée, puisque ses centrales à charbon et à gaz sont désormais très peu nombreuses et ne pèsent que pour 5% à 10% dans la production d'électricité. En revanche, la sidérurgie, la cimenterie... sont dans le collimateur si l'on veut diviser par quatre les émissions d'ici 2050. En outre, il pourrait y avoir là un marché à l'exportation pour les technologies, se disent certains industriels.
D'où un programme de soutien à cette recherche de l'Ademe, explique Aicha El Khamlichi. Parmi les projets que l'Agence à soutenu, ceux sur l'amélioration de la capture d'EDF et Alstom. Ou le projet, aujourd'hui opérationnel d'Air Liquide qui capture le CO2 lors d'une génération d'hydrogène pour le valoriser... sous forme de bulle dans une boisson commerciale. Quant aux études menées sur le port du Havre, notamment avec Lafarge et EDF, elles ont donné lieu à 12 thèses, explique t-elle.
L'argent, obstacle infranchissable ?
Pourquoi ne ne fait-on pas massivement dès maintenant ? D'abord,il faut trouver pour chaque dispositif, le site géologique adéquat, pas trop loin, en vérifier les caractéristiques, la capacité à stocker le CO2 au moins 1000 ans, obtenir l'accord des Etats et des collectivités locales... Ok, cela peut prendre du temps.Mais, ce serait surtout pour une question d'argent. Si les technologies existent, appliquées à une centrale à charbon, elles utilisent 20% de son électricité et augmentent son coût de 40 à 80%. Et comme de nombreuses recherches en cours visent à diviser par deux ou trois ce coût, cela incite les industriels à attendre qu'elles soient au point. Enfin, parce qu'il n'existe pas de politique publique incitant (par une taxe carbone) ou obligeant à le faire.
Electricité à base de fossiles Allemagne 1990 2014A ce point du raisonnement, un doute surgit. L'argent, un obstacle infranchissable ? L'Allemagne a déjà dépensé plus de 200 milliards d'euros pour subventionner son éolien et ses panneaux photovoltaïques, avec un résultat pour l'instant médiocre en termes d'émissions évitées, puisque cela ne produit que 15% de son électricité (chiffres 2014). Pour cette somme, aurait-elle pu équiper ses centrales à charbon de CSC et ainsi éviter des émissions massives de CO2 (graphique ci-contre) ?
C'est là que les spécialistes sortent leur joker, conviennent que bien évidemment, pour un milliard d'euros on équipe une grosse centrale à charbon, donc 200 milliards, c'est 200 centrales (il y en a environ 1500 dans le monde,et plusieurs centaines en projet), mais que, langage politiquement correct s'impose, "ne citez pas mon nom" pour cette remarque plutôt assassine quant à l'efficacité, pour le climat, de la politique énergétique de nos voisins.
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