mercredi 9 décembre 2015

Les entreprises dans la COP21 : une présence ambivalente

Aux côtés de la « zone bleue » dédiée aux négociations sur l’accord climatique, et des « espaces générations climat » consacrés à la société civile, les entreprises aussi ont leur théâtre sur le site de la COP21. Cette « galerie » de 10 000 m2, dans le Musée de l’air du Bourget, doit offrir un panorama des solutions développées par les professionnels contre le changement climatique.

Parmi les quelque 200 participants, on trouve un peu de tout. Cela va de la start-up innovante, comme Entomo Farm qui fabrique des fermes d’insectes, à la jeune société de conseil en transition énergétique, en passant par les grands groupes comme PepsiCo ou General Electric. Des stands de pays présentent aussi quelques fleurons nationaux des énergies ou des technologies permettant de « décarboner l’économie » – avec une représentation notoire des Etats-Unis et des pays pétroliers du Golfe : Emirats arabes unis, Qatar, Arabie saoudite
De ce vaste salon d’entreprises, où résonnent les micros des VRP et se multiplient les cocktails VIP, se dégage la même impression que lorsqu’on lit la liste de la soixantaine de sponsors et mécènes de la COP, affichée à l’entrée de la conférence onusienne. Engie, EDF, BNP Paribas, Renault, Carrefour… Une liste décriée par les associations environnementales, qui déplorent que l’exemplarité climatique n’ait pas fait partie des critères pesant sur la sélection de ces entreprises. « Engie, par exemple, investit massivement dans le charbon, et BNP est la première banque française à financer les énergies fossiles dans le monde… », note Célia Gautier, du Réseau Action Climat.

Pour ces entreprises présentes au Bourget, la COP21 et ses quelque 40 000 participants est en tout cas une occasion en or de faire valoir leurs solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans la « galerie », difficile de rater, par exemple, l’imposant stand de Bouygues, qui affiche, écran tactile géant et maquette architecturale à l’appui, le savoir-faire technique du groupe en matière de bâtiments à énergie postivie, d’écoquartiers ou de routes solaires.
Même si ces projets restent pour la plupart « minimes » dans l’activité globale de la firme, y concède-t-on, l’intérêt de l’opération n’est de toute façon pas directement commercial. « On n’est pas ici pour remplir des carnets de commandes, explique un communiquant sur le stand. Par contre, c’est incroyable au niveau des personnalités de haut niveau qu’on peut rencontrer : on a reçu la visite de l’ambassadeur du Japon, de la délégation de Panama, du premier ministre du Bénin… »

« Du lobbying à la COP, il y en a »

Si des négociateurs et ministres déambulent entre les stands d’entreprises, les allers et venues entre la « zone bleue » et la « galerie des solutions » se font dans les deux sens. Même si la présence des entrepreneurs dans les couloirs de la zone de négociation peut se faire plus discrète. « Du lobbying à la COP, il y en a, affirme Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot. Du lobbying positif, comme celui des ONG qui poussent à un accord plus ambitieux, et du lobbying négatif. » Les entreprises ne peuvent être accréditées en tant que telles pour entrer sur le site des négociations, mais peuvent bénéficier d’un badge d’entrée « observateurs » via les associations professionnelles auxquelles elles adhèrent. « Ce qui les rend plus difficile à identifier », estime Célia Gautier.
Il en est ainsi du très actif Nuclear for Climate, présent à la fois dans la galerie des entreprises et en zone bleue. Regroupant 148 associations de scientifiques et de professionnels du nucléaire du monde entier, il s’attèle à présenter cette énergie comme une solution – toutefois controversée – contre le changement climatique, et pousse à ce qu’elle « ne soit pas exclue de l’accord ». « Le groupe a été créé à l’initiative de la France, leader du nucléaire, en vue de la greenwashing. Chaque association a préparé la conférence en amont, au niveau de sa délégation nationale et de son réseau de médias, et on prépare déjà la COP22 au Maroc ! » explique-t-on sur son stand.

Les messages de ces associations sont parfois contradictoires, estime Célia Gautier. Par exemple, dans le cas du groupe Magritte, qui rassemble douze des plus grands énergéticiens européens, dont Engie. « Il milite à la COP pour fixer un prix du carbone, mais ce sont les mêmes qui ont poussé à réduire les ambitions et les subventions pour les énergies renouvelables au niveau européen, et qui misent tout sur le gaz, une énergie fossile… ».

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