samedi 30 novembre 2013

Gaz de schiste

Gaz de schiste : en France, les industriels n'osent pas rouvrir le débat

Le problème est posé par Nanni Beccalli, responsable pour l'Europe du géant américain General Electric, pour qui le dossier du gaz de schiste est l'un des dysfonctionnements énergétiques européens.
Son groupe pèse un tiers du marché des équipements liés à l'énergie sur le Vieux Continent. « Le gaz de schiste, il y en a en Europe, on devrait donc l'exploiter. La majorité des responsables politiques est en faveur de cette énergie, mais personne ne fait le premier pas. Cela va évoluer. J'espère juste que cela ne prendra pas trop de temps », lâche-t-il.

Gaz de schiste : la fête est finie

Ecologistes et tenants du « peak oil » pavoisent déjà : la révolution du gaz de schiste touche à sa fin, tuée par un effondrement des prix lié à la surproduction. Depuis plus d’un an, ils constatent un « plateau » dans les volumes extraits de la roche mère de cet hydrocarbure qui a inondé le marché américain ces cinq dernières années et modifié en profondeur les flux énergétiques mondiaux. Les grandes compagnies pétrolières (ExxonMobil, BP, Total, Shell, ENI…), qui ont succombé trop vite à l’appât du gain, y ont englouti des sommes folles avant de réduire la voilure et de réorienter investissements et appareils de forage (rigs) vers les régions où l’on a découvert des condensats (gaz liquides) et du pétrole de schiste – bien mieux valorisés sur le marché.

Assiste-t-on, pour autant, au déclin inexorable des shale gas ? Ce n’est pas l’avis de l’économiste en chef de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Dans son dernier rapport (World Energy Outlook), publié le 12 novembre, Fatih Birol prédit que leur développement continuera de donner aux Etats-Unis un avantage compétitif important sur l’Europe et l’Asie « jusqu’en 2035 au moins ». La relocalisation de secteurs industriels intensifs en énergie (chimie, pétrochimie…) devrait continuer, même si l’Amérique exporte une partie de cette ressource sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL).
« NOUS SOMMES EN TRAIN D’Y LAISSER NOTRE CHEMISE »

L’Ukraine a finalement choisi la Russie et renoncé à un accord d’association avec l’Union européenne au grand dam d'une partie de son opinion publique qui le manifeste bruyamment. Un revirement dans lequel le gaz aura joué un rôle déterminant, comme dans chacun des épisodes des relations tumultueuses entre Kiev et Moscou.
Acte un : l’Ukraine, qui dépend désespérément du gaz vendu au prix fort par Gazprom, un ministère russe des affaires étrangères bis, annonce une diversification de son approvisionnement (achat en Allemagne via la Pologne, projet d’un "corridor gazier adriatique").
Acte deux : Gazprom se rappelle au bon souvenir des Ukrainiens en menaçant de fermer les vannes si l’énorme dette contractée par Kiev n’est pas honorée.
Acte trois : Kiev tourne le dos à Bruxelles, et se justifie en indiquant qu’un accord avec l'Europe aurait accessoirement entraîné une augmentation des prix du gaz, conformément aux recommandations du FMI.
Les réserves gazières qui intéressent l'Europe (en mille milliards de mètres cube), en rouge le projet d'approvisionnement alternatif TAP (source Trans Adriatic Project)
Les réserves gazières qui intéressent l'Europe (en mille milliards de mètres cube), en rouge le projet d'approvisionnement alternatif TAP (source Trans Adriatic Project)
L’Europe cherche pourtant à remédier à sa gazodépendance russe. Si le projet de gazoduc Nabucco a été définitivement enterré, son concurrent TAP, validé au contraire ces derniers mois, vise ainsi à acheminer du gaz de la Caspienne. Le GNL, dont les projets se multiplient au niveau mondial, permettrait également de relativiser l’importance des tuyaux russes. Gazprom est enfin toujours dans le collimateur de Bruxelles, qui a lancé en 2012 une procédure pour abus de position dominante.

La Russie, l’Europe et le gaz | Une guerre de l’énergie ?
Vendredi, 18 Octobre, 2013
Analyse | Les exportations russes de gaz n’ont pas pour seuls objectifs le profit et l’enrichissement. L’énergie est un levier de pouvoir qui s’inscrit dans une grande stratégie visant la reconstitution d’un centre de puissance russe et la formation d’une union eurasienne. Pourtant, la transformation des marchés d’hydrocarbures donne à l’Union européenne une plus grande latitude d’action. Le renforcement du « partenariat oriental » avec l’Est européen jouera aussi en ce sens | Par Jean-Sylvestre MONGRENIER, chercheur associé à l’Institut Thomas More et auteur de Stratégies et géopolitiques russes des hydrocarbures : un défi pour l’Europe (Presses universitaires de Louvain, 2013) | Le présent texte est une version enrichie d’une l’intervention prononcée lors des 16e Rendez-vous de l’Histoire, qui se sont tenus à Blois du 10 au 13 octobre 2013

Est-il juste de parler de « guerres du gaz » entre la Russie d’une part, l’Europe d’autre part ? Subsidiairement, les exportations russes de gaz vers l’Union européenne (UE) et ses États membres font-elles de Vladimir Poutine le « maître de l’Europe » ? Un tel constat serait en rupture avec la vision désidéologisée et mercantile de la Russie qui prédominait dans la décennie antérieure. D’aucuns affirmaient alors que les affaires étaient la grande affaire de la Russie. Ses dirigeants étaient prétendument animés par la seule logique des intérêts, au sens matériel et économique du terme, et donc leur enrichissement personnel. Exit toute volonté de puissance et vision géopolitique globale. Pourtant, les divers embargos énergétiques de la Russie à l’encontre de ses voisins, plus encore les « guerres du gaz » avec l’Ukraine, sont autant de symptômes d’un conflit géopolitique entre Moscou et les pays qui constituent son environnement, principalement sur les frontières occidentales de cet État-continent.


| Un secteur énergétique sous la coupe du Kremlin

SI l’on peut être réticent quant à l’emploi du terme de guerre – il ne s’agit pas de conflits armés sanglants entre collectivités politiques -, il existe bien une « grande stratégie » russe, les dirigeants de cet État-continent s’appuyant sur les exportations énergétiques pour reconstituer une force d’opposition au plan international et renouer avec la puissance. Dès le premier mandat de Poutine, au début de la décennie 2000, le contrôle du Kremlin et des silovikis est rétabli sur le secteur énergétique pour partie privatisé sous Eltsine (c’est là une dimension essentielle de la « verticale du pouvoir »). Dans le domaine du gaz, le cas de Gazprom est devenu emblématique et bien connu des opinions publiques. Son équivalent dans le monde russe du pétrole est Rosneft, une firme d’État dirigée par Igor Setchine dont on sait la proximité avec Poutine. Rosneft est notamment le grand bénéficiaire du démantèlement du groupe privé Youkos, l’affaire Khodorkovski marquant le tournant politique de la Russie post-soviétique (Khodorkovski a été arrêté en octobre 2003). 
Le secteur russe des hydrocarbures est donc sous la coupe de monopoles étatiques : Gazprom pour le gaz et les gazoducs, Rosneft pour le pétrole et Transneft pour les oléoducs (il doit être précisé que Rosneft entame le monopole de Gazprom). Ces situations monopolistiques sont totalement contraires à la lettre et à l’esprit de la Charte de l’énergie (1991) et du traité de Lisbonne sur ladite charte (1994), promus par l’UE et signés par Moscou (le traité de Lisbonne n’a pas été ratifié). A ces monopoles étatiques s’ajoute la remise au pas des « sujets » de la Fédération de Russie et un contrôle plus étroit encore du sous-sol. In fine, nous sommes loin d’une transition vers une économie de marché décentralisée, libérée du contrôle politique, mais il est vrai que l’énergie est un domaine à fort contenu stratégique et géopolitique. 
L’autoritarisme patrimonial qui caractérise la politique russe explique partiellement les hésitations des observateurs quant à la finalité centrale du système de pouvoir (enrichissement ou puissance ?). Ce système est marqué par la confusion des genres entre pouvoir économique et pouvoir politique. La relation essentielle est celle qui unit le « patron » à ses « clients », au sens politico-mafieux de ce vocabulaire. L’accès au pouvoir politique signifie l’accès aux rentes énergétiques et autres, ce qui laisse parfois accroire que le jeu politique se réduit au partage des richesses. Si l’étatisation du secteur énergétique n’est certainement pas une entreprise désintéressée visant à rendre au peuple les richesses nationales, il serait pourtant erroné de voir en Poutine un simple cynique affairiste, sans projet politique et vision d’ensemble. Il existe bien une « grande stratégie » russe, les exportations énergétiques constituant un levier de pouvoir (la chose est précisée dans la « stratégie de sécurité nationale » russe).


| L’énergie dans la « grande stratégie » russe

Cette grande stratégie est tournée vers la reconstitution de la puissance, le pouvoir cherchant à former une Union eurasienne centrée sur la  « Russie-Eurasie » (on sait l’omniprésence du discours de la « derjava »). Dans cette lutte pour la puissance, l’avantage comparatif de la Russie est de disposer d’importantes ressources énergétiques et d’exporter massivement vers l’Europe. L’UE et ses États membres importent 60% du gaz et 80% du pétrole qu’ils consomment, les exportations russes vers l’ouest du continent représentant plus du quart de cette consommation. Du fait de l’existence d’un marché pétrolier mondial avec de nombreux fournisseurs en concurrence, la problématique n’est pas tant pétrolière que gazière. Le gaz russe parvient en Europe par des installations fixes (les gazoducs), dans le cadre de contrats à long terme (« système de Groningue »), et l’on ne peut donc aisément substituer un fournisseur à un autre. Le poids pris par la Russie dans les approvisionnements européens est donc source de contraintes et de dépendances. 
Schématiquement, les dirigeants russes cherchent à se libérer des contraintes inhérentes au transit des hydrocarbures par la Biélorussie et l’Ukraine (80% des volumes exportés vers l’Europe il y a quelques années encore), ce qui renforce leur emprise sur ces deux pays du fait de la réduction des royalties que cela implique, tout en approfondissant les liens bilatéraux avec les grands consommateurs ouest-européens (le partenariat UE-Russie n’a guère de substance et Moscou cherche à contrarier l’avènement d’un pouvoir européen unifié). C’est à ces fins que le gazoduc Nord Stream, sous la Baltique, a été construit et que le projet de South Stream, sous la mer Noire, a été lancé. Ce projet vise aussi à limiter l’accès des pays européens au bassin de la Caspienne en préemptant les volumes disponibles et en les faisant transiter par le territoire russe. Rappelons que le South Stream a été conçu pour rivaliser avec le Nabucco, un projet de gazoduc censé relier la Caspienne à l’Europe en passant au sud de la Russie, la Turquie étant promue comme pont énergétique et « passerelle transeurasienne ». Précisons que le Nabucco ne verra pas le jour, le consortium international emmené par BP qui exploite le gaz azerbaïdjanais ayant choisi une autre solution : le TAP/Trans-Adriatic Project, articulé sur le TANAP/Trans-Anatolian Pipeline (un gazoduc turco-azerbaïdjanais). 
Plus largement, Poutine prétend poser la Russie en « heartland » énergétique à la croisée de l’Europe et de l’Asie, ce qui signifierait la réorientation des flux vers la Chine et l’Asie-Pacifique. Cet objectif s’inscrit dans une rhétorique et des représentations globales sur les BRICS et la multipolarité (cf. le discours prononcé par Poutine à Munich, le 10 février 2007) posés en « nouvelle frontière » de la Russie. Une telle réorientation des flux, réorientation au sens primitif du terme, augmenterait l’effet de levier sur l’Europe et donc le pouvoir de négociation de Moscou. Dans les faits, l’Europe est très largement le principal marché des hydrocarbures russes et elle le restera. La géographie de l’offre est en faveur de l’Europe - la Sibérie occidentale assure 90% de la production de pétrole et de gaz russes -, et celle des « tubes » (oléoducs et gazoducs) renforce cette organisation des flux. En l’état actuel des choses, les exportations vers l’Asie au départ de la région du lac Baïkal et de Sakhaline ne représentent guère plus de 3% des volumes de pétrole et de gaz. Il faut toutefois prêter attention au développement de tout un « business » énergétique entre la Russie et la Chine, cette dernière contournant par ailleurs la stratégie russe de verrouillage de la Caspienne (voir les flux d’hydrocarbures kazakhs et turkmènes transitant via les portes de Dzoungarie, en direction du Turkestan chinois).


| Les marges de manœuvre de l’Europe

Au total, il y a bien un conflit géopolitique latent entre la Russie et l’UE autour des questions énergétiques en général, des exportations de gaz en particulier. Ce conflit porte plus largement sur la définition et l’organisation du continent, Moscou entendant faire prévaloir son type de régime autoritaire-patrimonial dans l’Est européen, cette zone intermédiaire entre le « grand espace » euro-atlantique (l’ensemble UE-OTAN) et la Russie-Eurasie. Les États issus de la dislocation de l’URSS, voire certains des pays centre-est européens autrefois satellisés, sont considérés à Moscou comme relevant d’un « étranger proche » revendiqué avec constance depuis le début des années 1990. C’est à ce réunionisme, teinté de révisionnisme géopolitique (voir notamment l’amputation du territoire géorgien), que doit être rapportée la volonté de Poutine de mettre sur pied une « union eurasienne ». Ainsi le Kremlin accroît-il ses pressions sur l’Ukraine, la Géorgie et les autres États parties prenantes du « partenariat oriental » de l’UE, l’objectif étant d’empêcher la signature d’accords d’association avec l’UE lors du prochain sommet de Vilnius (28-29 novembre 2013). De fait, l’échéance est importante. 
Dans cette partie, l’UE et ses États membres ne sont pas inactifs. Fondée sur les principes de concurrence et de libre entreprise, leur approche des questions énergétiques diffère notablement de celle de la Russie dont on a vu qu’elle refusait de ratifier le traité sur la Charte de l’énergie (le traité de Lisbonne) et d’en appliquer les stipulations qui impliquent un démantèlement des grands monopoles étatiques. Aussi le groupe Gazprom se trouve-t-il dans la ligne de mire de la Commission européenne, celle-ci ayant lancé en septembre 2012 une procédure pour abus de position dominante. Alors que Gazprom cherche à racheter des sociétés de distribution du gaz en Europe, le dernier « paquet » de mesures de l’UE impose une séparation entre la fonction de production et celle de distribution. La chose a fortement contrarié le pouvoir russe : Poutine a déclaré que Gazprom était une entreprise à caractère stratégique et lui a donc interdit de communiquer à la Commission les documents requis pour conduire la procédure. 
Plus largement, l’UE et ses États membres se dotent d’une politique européenne de l’énergie tendue vers la diversification et la sécurisation de leurs approvisionnements énergétiques, ces objectifs conduisant à l’ouverture et à la consolidation de nouvelles routes vers le bassin de la Caspienne. Si le projet de Nabucco n’a pu voir le jour, le TAP et le TANAP, quoique plus modestes dans leurs ambitions et capacités, contribueront effectivement à la diversification de ces approvisionnements. Enfin, au plan mondial, l’expansion des flux de gaz naturel liquéfié (GNL), les retombées de la « révolution » du gaz de schiste en Amérique du Nord ainsi que les ressources en hydrocarbures dits non-conventionnels que divers pays européens recèlent (Royaume-Uni, France, Pologne, Ukraine, etc.), les gisements de gaz naturel de Méditerranée orientale aussi, dans les eaux de Chypre et d’Israël notamment, sont autant de facteurs qui jouent dans le sens d’un marché mondial du gaz, ce qui desserre l’étau des contraintes qui pèsent sur l’Europe. 


| Un conflit géopolitique plus large

Au total, s’il n’y a pas de guerre stricto sensu en Europe autour des hydrocarbures, il y a bien des tensions géopolitiques, voire un grand conflit latent dont les tenants et aboutissants dépassent le gaz et le pétrole. A moyen et long termes, le pouvoir russe mise sur la dislocation du système de coopération géopolitique circonscrit par les limites extérieures de l’UE et de l’OTAN. Le projet de traité de sécurité présenté à Berlin le 5 juin 2008 par Medvedev (un mois avant l’attaque contre la Géorgie), repose sur l’idée-force d’un retrait américain et du retour à l’Europe d’avant l’UE, avec des jeux d’alliances et de contre-alliances entre les différents États du Vieux Continent. Dans un tel contexte, la Russie pourrait pleinement faire valoir ses avantages comparatifs (masse territoriale, dotation énergétique et effort militaire renouvelé). 
Dans ce que, cédant à la facilité, nous qualifierons de « grand jeu », l’UE et ses États membres ne sont pas dépourvus. Si les approches nationales de la Russie et des enjeux énergétiques varient, les désaccords sont moindres qu’à l’époque de la présidence Medvedev (2008-2012). Les espoirs liés au « reset » se dissipent, les réalités géopolitiques se sont accusées et les dirigeants européens semblent prendre la juste mesure du phénomène Poutine. Vaille que vaille, la politique européenne de l’énergie existe et les évolutions du marché mondial des hydrocarbures donnent plus de latitude d’action à l’UE et à ses États membres. Fait encore défaut une vision géopolitique d’ensemble, à la fois forte et partagée. Le sommet de Vilnius, les 28 et 29 novembre prochains, et l’approfondissement des liens entre l’UE et l’Est européen, Sud-Caucase compris, seront une étape décisive.
 























OGM : l'étude polémique du professeur Séralini désavouée Par Stéphane Foucart

Gilles-Eric Séralini et la députée européenne Corinne Lepage, le 28 novembre, lors d’une conférence de presse à Bruxelles.

S'agit-il, comme il le prétend, du résultat de pressions exercées par Monsanto ? Le biologiste Gilles-Eric Séralini (université de Caen) a annoncé, jeudi 28 novembre, au cours d'une conférence de presse tenue à Bruxelles, que sestravaux sur les effets à long terme (deux ans) d'un maïs transgénique (le NK603) et de son herbicide associé (le Roundup) étaient en passe d'être retirés par Food and Chemical Toxicology, la revue qui les avait acceptés en septembre 2012. L'éditeur Elsevier, propriétaire de la publication, a confirmé le retrait quelques heures plus tard.

Cette mesure, qui relève du comité éditorial du périodique, revient à effacer de la littérature scientifique l'ensemble des résultats et des données issus des travaux du chercheur français. Ceux-ci avaient provoqué une tempête médiatique, en suggérant que la consommation, par le rat, du NK603 et/ou de l'herbicide auquel il est rendu tolérant provoquait l'apparition de tumeurs sur les animaux, ainsi que des troubles hépatiques et rénaux.
« PRÉOCCUPATION SUR LE FAIBLE NOMBRE D'ANIMAUX PAR GROUPE »
C'est dans une lettre du 19 novembre que Wallace Hayes, éditeur en chef de la revue, annonce à M. Séralini son intention de retirer l'étude controversée. M. Hayes reconnaît dans sa lettre que le travail du chercheur français « ne montre pas de signe de fraude ou de déformation intentionnelle des données »« Cependant, ajoute-t-il, il existe une cause légitime de préoccupation sur le faible nombre d'animaux par groupe ainsi que sur la souche choisie. » Ainsi, poursuit la lettre, le retrait de l'étude est motivé par son caractère « non conclusif ».
De fait, l'étude n'a pas convaincu la communauté scientifique compétente et toutes les expertises collectives rendues sur ces travaux ont conclu à leur caractère « non conclusif ». L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a toutefois appelé à la conduite d'études similaires, les tests réglementaires étant au mieux conduits sur 90 jours… Des financements européens et nationaux ont été, depuis, débloqués pour les mener.
M. Séralini et son équipe contestent âprement le retrait de leur étude et menacent même la revue de poursuites en justice. Selon les règles en vigueur à Food and Chemical Toxicology, le retrait d'un article ne peut être décidé qu'en cas de « manquement éthique », de « plagiat », de « publication préalable » ou de « conclusions non fiables pour cause, soit de fraude, soit d'erreurs de bonne foi (erreur de calcul, erreur expérimentale) ». Le chercheur français fait valoir que l'aspect contesté de son travail – c'est-à-dire le protocole expérimental lui-même – n'entre dans aucune de ces catégories.
SOUPÇON DE PRESSION DES INDUSTRIELS DES BIOTECHNOLOGIES
M. Séralini va plus loin et soupçonne les industriels des biotechnologies d'avoir fait pression pour obtenir le retrait de son étude. Le chercheur français cite l'arrivée au comité éditorial de la revue, début 2013, du toxicologue Richard Goodman, professeur à l'université du Nebraska (Etats-Unis) et ancien employé de Monsanto.
Interrogé par Le Monde, M. Hayes assure que M. Goodman n'a pas été associé à l'expertise critique ayant conduit au retrait de l'étude. « M. Séralini ne peut l'ignorer, ajoute M. Hayes, car il sait qui a signé l'accord de confidentialité que nous avons contracté afin d'analyser certaines de ses données non publiées. »
Outre l'effacement de son étude, M. Séralini dit également avoir été l'objet de « pressions personnelles insupportables » depuis la publication de ses travaux. Il a notamment été associé, sur des sites Internet, à un mouvement sectaire proche de l'ésotérisme chrétien – ces diffamations ont été reprises dans la presse nationale.
L'eurodéputée Corinne Lepage (Cap 21) mais aussi l'association Générations futures, la Fondation Sciences citoyennes et l'ONG bruxelloise Corporate EuropeObservatory (CEO) se sont jointes au biologiste français pour dénoncer l'influence du monde industriel sur les revues scientifiques. « Les pressions pour la “dépublication” de l'étude du professeur Séralini montrent à quel point l'industriedes biotechnologies est en mesure de contrôler la production scientifique elle-même, a déclaré Mme Lepage. On assiste à une véritable prise de pouvoir des lobbys et c'est extrêmement préoccupant pour nos sociétés. »
M. Hayes répond que le comité de Food and Chemical Toxicology est « équilibré »avec « des scientifiques gouvernementaux, industriels et académiques ».
Il n'est pas certain que l'arrivée de M. Goodman dans le comité éditorial de la revue ait été déterminante pour asseoir un biais pro-industrie en son sein. Toxicologue, Wallace Hayes est lui-même consultant et ancien vice-président du cigarettier RJ Reynolds ; parmi les quatre managing editors se trouvent un autre consultant et un scientifique employé par le semencier Pioneer. Quant à la toxicologue au poste dereview editor, Susan Barlow, elle est également consultante. Le Monde avait révélé en janvier 2012 qu'elle avait loué ses services à Philip Morris, acceptant que les cadres du cigarettier amendent une étude finalement publiée en 2001 sous son nom dans Paediatric and Perinatal Epidemiology. Celle-ci n'a jamais été retirée…
M. Séralini a aussi reçu le soutien du mathématicien Paul Deheuvels (université Pierre-et-Marie-Curie à Paris), membre de l'Académie des sciences. Invité à s'exprimer au cours de la conférence de presse organisée autour du biologiste français, le statisticien a appelé à ce que la science puisse être produite sans pressions extérieures. Cocasse, quand on sait que M. Deheuvels, climato-sceptique notoire, a décerné en décembre 2010, au nom du Club de l'Horloge (proche de l'extrême droite), le prix Lyssenko de la « désinformation scientifique »au climatologue Jean Jouzel, médaillé d'or du CNRS et l'un des scientifiques français les plus cités…

Le Luxembourg condamné pour n'avoir pas bien traité ses eaux usées Par Martine Valo



Une station d'épuration écologique des eaux usées à Honfleur.
Deux millions d'euros d'amende : le couperet a fini par tomber. La Cour de justicede l‘Union européenne (CJUE) vient de condamner le Luxembourg pour un traitement insuffisant de ses eaux usées. Le Grand-Duché devra en outre s'acquitter d'une astreinte de 2 800 euros par jour, à partir du 28 novembre jusqu'à ce qu'il parvienne à faire fonctionner de façon satisfaisante l'ensemble de sesstations d'épuration. C'est un moindre mal : la Commission européenne avait demandé 3,2 millions d'euros plus 11 340 euros par jour. « C'est un arrêt correct,admet André Weidenhaupt, directeur de l'administration de la gestion de l'eau du Luxembourg. On va payer l'amende et accélérer au maximum les travaux de mise aux normes de nos installations. »

Actuellement, selon Bruxelles, seuls 7 % des cours d'eau luxembourgeois sont entièrement conformes aux exigences européennes.  Une donnée que conteste le gouvernement du Grand-Duché. Ces mauvais résultats sont dus pour l'essentiel à un excès de nitrates. Comment se fait-il qu'un pays aussi prospère ne parvienne pas à résoudre ce problème d'épuration, alors qu'il est sous le coup d'une procédure lancée par la Commission européenne depuis 2005 ? Il lui est reproché de ne pas respecter une directive de 1991 censée s'appliquer en 1998.

EUTROPHISATION DE LA MER DU NORD
André Weidenhaupt met en avant quelques arguments géographiques. D'abord, les rivières luxembourgeoises, comme celles de la Belgique et des Pays-Bas, charrient des nutriments qui  participent à l'eutrophisation de la mer du Nord, déjà bien mal en  point. C'est la raison pour laquelle ces territoires dans leur ensemble sont déclarés comme « zone sensible » et donc soumis à une obligation de traiterleurs eaux de façon plus poussée. Ensuite, le pays doit gérer quantité de petits cours d'eau où la pollution se concentre davantage que dans un fleuve à débit respectable.
Mais l'affaire tient aussi aux difficultés récurrentes du gouvernement luxembourgeois à imposer aux collectivités locales de consacrer les investissements nécessaires – au demeurant cofinancés par l'Etat –, mais pas forcément gratifiants pour les maires. Le pays a pris du retard dans les années 1990, mais a accéléré son programme de modernisation la décennie suivante, aiguillonné par les recours en manquement déposé par la Commission européenne.
SEIZE CAPITALES EUROPÉENNES PAS AUX NORMES
Deux stations d'épuration restent à agrandirrénover, voire à reconstruire selon l'administration, tandis que Bruxelles en met six en cause. Le Luxembourg prévoit de passer à la vitesse supérieure pour en finir avec cette question d'ici à 2016. Concernant les nitrates liés aux pollutions diffuses d'origine agricole cette fois, l'administration de l'eau du Luxembourg porte ses espoirs sur le prochain gouvernement qui devrait se montrer sensible à la question et faire avancer un programme volontariste de protection des captages. C'est en effet une coalition de libéraux du Parti démocratique, de socialistes et d'écologistes de Dei Greng qui devrait succéder, dans les jours à venir, au Parti populaire chrétien-social de l'ancien premier ministre Jean-Claude Junker.
Le Luxembourg n'est de toute façon pas le seul à se débattre en Europe avec la directive sur les eaux usées urbaines résiduelles. Selon le septième rapport que la Commission a consacré à cette question en août, seize capitales sur vingt-huit n'ont toujours pas mis en place un système satisfaisant de collecte et de traitement. Même si  la situation s'est améliorée dans la plupart des grandes villes de l'Union durant la période 2009-2010. L'Autriche, l'Allemagne, la Grèce et laFinlande font figure de bons élèves, à l'opposé de la Bulgarie, de la Slovénie, de l'Estonie, de la Lettonie et de Chypre.
La France elle-même est sous la menace d'astreintes se chiffrant à plusieurs dizaines de millions d'euros à cause des lacunes de quelques-unes de ses stations d'épuration, en Corse et outre-mer en particulier.

Les contre-vérités du rapport parlementaire sur le gaz de schiste Par Marie-Béatrice Baudet et Audrey Garric



Exploitation de gaz de schiste dans l'est de la Pologne.
Pour la remise, le 27 novembre, du rapport final de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur Les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste, les deux rapporteurs Christian Bataille – député PS du Nord – et Jean-Claude Lenoir – sénateur UMP de l'Orne – avaient soigné la mise en scène. Les députés ont dû aller consulter le volume de 254 pages – un exemplaire écrit non photocopiable – dans une salle ad hoc. Quant à la presse, rien avant la conférence de presse de 11 heures. Aucun document remis sous embargo. 

Pourquoi avoir entretenu un tel « suspens » alors que MM. Bataille et Lenoir avaient déjà largement donné le « la » de leurs travaux six mois plus tôt lors de la publication de leur rapport d'étape ? Comme la copie finale, ce dernier appellait dès juin au lancement de forages expérimentaux afin de lancer une exploitation « maîtrisée » du gaz de schiste en France.

« TORQUEMADA DE L'OBSCURANTISME »
En réalité, depuis les déclarations de François Hollande, le 14 juillet, M. Bataille, pro-OGM et pro-gaz de schiste, ne décolère pas. Le chef de l'Etat avait en effetréaffirmé clairement, lors de la fête nationale, qu'il n'y aurait ni « exploration, ni exploitation du gaz de schiste en France » sous sa présidence. Le lendemain, le député PS, avait expliqué « tomber de l'armoire »  après avoir entendu que« François Hollande s'engouffrait dans un discours environnementaliste anti-industriel ». Samedi 3 août, dans un entretien au Figaro, M. Bataille estimait « qu'il fallait remettre les écologistes à leur place », afin que « le cercle de la raison reprenne l'ascendant sur les Torquemada de l'obscurantisme ».
Le rapport final de MM. Bataille et Lenoir, comme leur document d'étape, suscite la polémique. Et pas seulement parce que les deux auteurs préfèrent largement le terme de « stimulation » à celui de « fracturation ». Les deux parlementaires écologistes membres de l'Opecst, Denis Baupin et Corinne Bouchoux, parlent d'un rapport « partial et partiel ». Quant à Jean-Paul Chanteguet, président (PS) de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, il estime que« la majeure partie du travail réalisé est curieusement hors sujet puisqu'elle concerne la fracturation hydraulique, illégale en France ». Et que la conviction des deux rapporteurs sur la maîtrise technologique de la fracturation hydraulique « relève de l'acte de foi et non de la moindre preuve scientifique ». Décryptage des principaux arguments du rapport.
  • « Une technique ancienne en France »
Manifestations contre le gaz de schiste près de Jouarre, en Seine-et-Marne, le 3 août.
« La technique de la fracturation hydraulique a été utilisée de façon répétée en France au cours des dernières décennies, sans qu'aucun dommage n'ait été signalé. Elle aurait été utilisée à au moins 45 reprises », avance le rapport. Et deciter notamment quatorze opérations de fracturation réalisées sur le gisement pétrolier de Chaunoy (Seine-et-Marne) par la société Esso REP entre 1986 et 1987, ainsi que quinze autres, sur la même formation, par la société Vermilion, entre 2002 et 2010. 
En réalité, sur les 45 fracturations, quarante-trois concernent du pétrole conventionnel. Or, contrairement aux huiles de schiste dispersées dans desroches-mères ultracompactes, le pétrole « classique » s'accumule dans des réservoirs au sein de formations géologiques plus perméables et poreuses. Le forage d'un puits vertical suffit alors à le faire remonter à la surface. Les hydrocarbures non conventionnels, au contraire, nécessitent, le long d'un forage souvent horizontal, de nombreuses opérations de fracturation de la roche, en injectant d'énormes quantités d'eau, de sable et de produits chimiques sous pression – ce que l'on appelle la fracturation hydraulique.
Cette technique peut néanmoins être également utilisée dans le cas des gisements conventionnels. « La roche peut s'endommager après un forage ou avec le temps. Un "effet de peau" peut se créer qui empêche ou rend plus difficile la connexion entre le puits et le réservoir. Pour reconnecter les deux, on peut alorsrecourir à la fracturation hydraulique », explique François Kalaydjian, directeur adjoint ressources à l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN). La technique, désignée sous le nom de « stimulation hydraulique », consiste aussi à envoyer de l'eau, du sable et des produits chimiques sous pression, « mais à des quantités très inférieures à celles utilisées pour récupérerdes hydrocarbures non conventionnels ». Surtout, la technique s'emploie de manière très locale, alors qu'il faut fracturer entre quinze et vingt fois le long d'un drain horizontal dans le cas des schistes.
Le groupe pétrolier canadien Vermilion a ainsi procédé essentiellement à des « stimulations hydrauliques ». « Nous en avons réalisé quinze entre 2002 et 2010 pour accroître le taux de production de nos puits de pétrole conventionnel », déclare Jean-Pascal Simard, directeur des relations publiques Vermilion Europe. Deux opérations supplémentaires, menées en juin 2010, ont en revanche bien porté sur un gisement de pétrole de schiste sur le site de Champotran (Seine-et-Marne). Mais elles relèvent davantage de l'expérimentation : deux puits verticaux existants ont été utilisés, et non des forages horizontaux comme aux Etats-Unis. Seul le deuxième a permis de produire du pétrole non conventionnel... à raison d'un baril par jour. C'est aujourd'hui le seul en France. L'expérience hexagonale en la matière ne coule donc pas de source.
  • « Une technique qui évolue pour mieux protéger l'environnement »
Forage à Fort Worth, au Texas.
« La fracturation hydraulique a fait d'important progrès et c'est une technologie, certes industrielle et comportant des risques, mais maîtrisée », assure le rapport. Première de ces avancées, selon les deux rapporteurs : « Les industriels tendent à réduire le nombre, la quantité et la toxicité des additifs. » « Les produits indispensables au procédé de fracturation sont tous non toxiques, précise le rapport. Les autres produits – biocides, surfactant, acides, inhibiteurs de corrosion et de dépôt – ne sont pas indispensables. Ils permettent toutefois de préserver les équipements et d'optimiser la fracturation. »
De fait, si certains industriels tels qu'Halliburton se targuent d'avoir limité ces additifs chimiques au profit de substituts non toxiques – agréés par l'agroalimentaire –, la tendance reste pour l'instant marginale. « L'évolution n'est pas spectaculaire, reconnaît Roland Vially, géologue à l'Ifpen. Ce sont des produits plus chers. Il n'est donc pas évident que l'ensemble des opérateurs les choisissent, à moins d'encadrer les fluides de fracturation par une législation plus stricte. » « Il est impossible de généraliser car il y a autant de fracturations hydrauliques que de compagnies, confirme un industriel européen. Les compagnies américaines continuent d'utiliser les additifs les plus efficaces. »
Malgré l'ouverture d'un site Internet d'information sur le sujet, FracFocus, il reste difficile de connaître aujourd'hui la composition des fluides de fracturation. En 2010, un rapport rédigé par la commission de l'énergie et du commerce de la Chambre des représentants américaine annonçait que l'exploitation du gaz de schiste avait nécessité, entre 2005 et 2009, l'utilisation de plus de 2 500 produits pour la fracturation hydraulique, contenant 750 substances chimiques, dont 29 sont connues ou suspectées pour être cancérigènes, ou présentant des risques pour la santé et l'environnement.
« Au-delà des additifs chimiques, le rapport occulte les polluants qui remontent à la surface avec le gaz, en provenance des couches géologiques, et que l'on ne maîtrise pas : des hydrocarbures comme du benzène ou toluène, et même des traces de radioactivité », dénonce François Veillerette, président de l'ONG Générations futures.
Autre conséquence pour l'environnement : les quantités d'eau utilisées. Le forage d'un puits requiert ainsi 10 000 à 20 000 m3 d'eau. « Les progrès techniques réalisés permettent d'optimiser le placement des fracturations et ainsi deminimiser la quantité d'eau nécessaire », assure le rapport. « Il y a des baisses sur certains forages, de l'ordre de 10 % à 20 %. Mais pour le moment, les volumes d'eau utilisés restent importants », juge Roland Vially.
Enfin, concernant la pollution des nappes phréatiques, régulièrement pointée par les opposants au gaz de schiste, elle n'est pas due à la fracturation hydraulique, assure le rapport, mais « à des défauts de cimentation des puits ou des déversements en surface ». S'il n'est effectivement pas possible, en l'état des connaissances scientifiques, d'incriminer la technique de fracturation hydraulique elle-même, reste que l'exploitation du gaz de schiste pollue bel et bien les eaux souterraines depuis des années. En juin, une étude publiée par le biologiste Robert Jackson dans la revue de l'Académie des sciences américaine mettait ainsi en évidence de fortes teneurs en méthane des eaux souterraines prélevées autour des puits de gaz non conventionnel dans le nord-est de la Pennsylvanie.
  • « Des fuites de méthane plus faibles qu'il n'était craint »
Extraction de gaz de schiste à Waynesburg (Pennsylvanie), en 2012.
« Les éventuelles fuites de méthane associées à la production d'hydrocarbures non conventionnels représentent un enjeu environnemental essentiel : compte tenu de l'importance de l'impact du méthane en tant que gaz à effet de serre, des chercheurs ont calculé qu'une fuite de 3,2 % anéantirait les effets bénéfiques de la réduction de la consommation de charbon vis-à-vis des émissions de gaz carbonique », indique le rapport.
Les défenseurs du gaz de schiste mettent en effet en avant ses « vertus climatiques » : à énergie produite équivalente, ce gaz émet trois à quatre fois moins de dioxyde de carbone (CO2) que le charbon, la source d'énergie qu'il tend à remplacer outre-Atlantique. Problème : cet hydrocarbure non conventionnel émet par contre beaucoup plus de méthane (CH4), un gaz à effet de serre dont le potentiel de réchauffement est trente-quatre fois supérieur à celui du CO2.
Pour minimiser cet impact, le rapport de l'Opecst cite une étude de l'université d'Austin (Texas), publiée en septembre, qui « conclut que les fuites au stade de la production de gaz non conventionnel sont de 0,42 %, soit un taux nettement inférieur aux estimations précédentes ». Sans préciser que ces travaux ont fait l'objet de critiques : ses auteurs ont notamment été accusés d'avoir choisi des sites non représentatifs de l'ensemble des bassins de production et d'avoir occulté les puits anciens ou abandonnés, également émetteurs de CH4.
Surtout, la majorité des travaux menés sur le sujet soulignent des taux de fuite de méthane bien supérieurs. En août, des chercheurs de la National Oceanic and Atmospheric Administration ont ainsi conclu que 6,2 % à 11,7 % du gaz naturel produit finit dans l'atmosphère, après une campagne de mesures aériennes dans l'Utah. Dernière étude en date : des mesures publiées, le 25 novembre, dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences montrent que les Etats-Unis produisent 50 % à 70 % plus de méthane qu'estimé par l'Agence de protection de l'environnement américaine. Et la plus grande part de cet écart provient des activités pétrolières et gazières.
  • « Des alternatives possibles à la fracturation hydraulique utilisées à une échelle industrielle »
Le propane est un gaz fortement inflammable.

Les rapporteurs et les industriels l'admettent : la fracturation hydraulique reste la technique la plus efficace et la plus couramment utilisée dans le monde. Les auteurs du rapport mentionnent néanmoins plusieurs alternatives. Notamment la fracturation par arc électrique, dont ils reconnaissent qu'elle est toujours au stade de la recherche et développement. Et qu'elle n'est donc pas, « pour le moment »,une piste viable. Certains industriels se montrent plus radicaux, expliquant qu'elle ne le sera jamais.
MM. Bataille et Lenoir préfèrent mettre en avant « une technique opérationnelle et prometteuse : la stimulation au propane », dont le principal avantage est « évidemment de ne pas faire usage d'eau ». Une opération pouvant être de surcroît, selon eux, « réalisée avec moins d'additifs, voire aucun additif ». Même s'ils reconnaissent que le principal inconvénient de cette technologie est qu'elle« implique des quantités importantes (plusieurs centaines de tonnes) de propane inflammable », ils soulignent qu'elle est d'« un usage ancien » et que « la société canadienne Gasfrac a réalisé, de 2008 à 2013, près de 1 900 opérations de ce type en Amérique du Nord, principalement au Canada ». Si ces opérations ont bien eu lieu, le rapport oublie de mentionner qu'elles ont majoritairement concerné (85 %, selon un industriel du secteur) des réservoirs de tight gas – soit des hydrocarbures non conventionnels de réservoirs compacts –, et non du gaz de schiste.
Enfin, si des compagnies comme Ecorpstim – l'une des premières à s'être félicitée des conclusions du rapport de l'Opecst – expliquent développer un propane non inflammable, ce dernier n'a jamais encore été utilisé dans le cadre de la fracturation d'une roche-mère.