dimanche 23 novembre 2014

Climat : échec à Paris des négociations sur les gaz HFC Emilie Massemin (Reporterre)


Une centaine d’États se sont réunis cette semaine à Paris pour discuter des hydrofluorocarbures (HFC), un gaz à effet de serre très puissant. Les discussions n’ont pas abouti à l’adoption d’un amendement limitant leur usage. Mais la Chine et l’Inde assouplissent leur position.

Les hydrofluorocarbures (HFC) étaient au cœur des négociations lors de la 26e réunion des parties du Protocole de Montréal, qui s’est tenue cette semaine au siège de l’Unesco, à Paris. Lors de l’ouverture des débats, la ministre française de l’Écologie, Ségolène Royal, a exhorté les quelques 120 délégations étrangères à « agir face à ce nouveau danger », et rappelé que la France est « favorable à un amendement » visant à limiter la production et la consommation de ces gaz à effet de serre très puissants.
Les HFC sont des gaz de synthèse utilisés dans les systèmes de réfrigération, les climatiseurs, les aérosols, les extincteurs et les mousses isolantes. Ils ont été fabriqués pour la première fois à la fin des années 1980, comme substituts aux chlorofluorocarbures (CFC) et aux hydrochlorofluorocarbures (HCFC), éliminés en 1987 par le Protocole de Montréal. Problème : s’ils ne forment qu’une petite partie des émissions, les HFC présentent un potentiel de réchauffement plus de mille fois plus élevé que le dioxyde de carbone (CO2), d’après l’Institute for Governance & Sustainable Development (IGSD). Cette augmentation atteint 15 % par an dans certains pays.
L’enjeu est de taille. Pour Maxime Beaugrand, de l’IGSD, l’interdiction de ces gaz permettrait d’éviter l’émission de « cent milliards de tonnes d’équivalent CO2 d’ici 2050, et jusqu’à 0,5 °C de réchauffement à la fin du siècle ». Or, souligne Sophie Godin-Beekmann, des substituts existent, comme « des HFC avec des potentiels de réchauffement plus faibles, comme le HFC-1234 ».
L’opposition farouche du Koweit et de l’Arabie Saoudite

Ce n’est pas la première fois qu’un amendement au Protocole de Montréal, amendement visant à réduire la production des HFC, est évoqué en réunion des parties. En 2009, les États fédérés de Micronésie et l’île Maurice ont proposé un premier texte. Les États-Unis, le Canada et le Mexique l’ont soutenu en 2010. Il suggère une interdiction des HFC dans les pays développés et une interdiction progressive dans les pays en voie de développement, assortie d’une aide financière puisée dans le Fonds multilatéral du Protocole, dont le montant était renégocié cette semaine. « Depuis, tous les ans, ces propositions d’amendement sont discutées en séances plénières et dans des groupes de discussion informels. Sans jamais être adoptées... », soupire Didier Coulomb, directeur de l’Institut international du froid.
Les débats n’ont pas été plus fructueux cette année. Les discussions en séance se sont heurtées à l’opposition farouche du Koweït et de l’Arabie Saoudite. Rejoints par une dizaine d’États, ils affirment que les HFC ne détruisant pas la couche d’ozone, ils ne relèvent pas du Protocole de Montréal, mais de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Hostiles à l’adoption d’un amendement, ces délégations ont également refusé la création d’un groupe de contact consacré aux HFC. Un compromis a cependant été trouvé, avec l’organisation, vendredi, d’un groupe de discussion informel.
Des progrès du côté de l’Inde et de la Chine

Mais en réalité, la situation a considérablement évolué depuis l’année dernière. L’Europe a adopté en avril 2014 le règlement N°517/2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés, qui prévoit que la quantité de HFC mise sur le marché soit progressivement réduite de 100 à 21 % entre 2015 et 2030.
Les opposants historiques de 2009-2010, le Brésil, la Chine et l’Inde, parmi les plus gros pollueurs de la planète, sont désormais ouverts à la discussion. « Ils ont rejoint les États-Unis, le Canada, le Mexique et l’Union Européenne sur l’idée qu’il faut lutter contre les émissions de HFC, souligne Durwood Zaelke, président de l’IGSD. Ils posent désormais la question des substituts, des coûts... alors qu’auparavant ils ne voulaient même pas aborder le sujet. » Pour preuve, le 8 juin 2013, le président chinois Xi Jinping et le président américain Barack Obama ont conclu un accord évoquant la nécessité de « diminuer la production et la consommation des HFC ». L’accord climatique présenté par les deux pays le 12 novembre inclut un paragraphe sur ces gaz (en anglais). En septembre 2014, c’était au tour du premier ministre indien Narendra Modi de nouer un accord sur le même thème avec le président américain.
« Seuls les pays du Golfe sont encore opposés à un accord », résume Romina Picolotti, ancienne ministre de l’environnement en Argentine et présidente du Centre pour les droits humains et l’environnement (CEDHA). Et encore, « des États comme le Bahreïn ne sont pas opposés par principe à un amendement sur les HFC. Ils y sont hostiles, car ils ont un besoin vital d’air conditionné pour vivre dans leurs climats très chauds, explique-t-on au Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP), secrétariat de l ’ozone. Ils seraient d’accord pour une réglementation, à condition qu’on leur propose une technologie de substitution efficace et économique. »
« Nous sommes tout près d’une étape dans les négociations, conclut Romina Picolotti. Le signal envoyé aux industriels est très fort. » Comme il l’est pour la Conférence Paris-Climat de 2015, prochaine échéance cruciale devant aboutir à un nouvel accord international sur le climat.

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