samedi 22 novembre 2014

Les trois engagements du G20 : croissance, transparence fiscale et climat

Les chefs d’Etat et de gouvernement du G20 se sont mis d’accord, dimanche 16 novembre à Brisbane, sur des mesures destinées à stimuler la croissance et à obtenir davantage de transparence fiscale, dans la droite ligne des projets défendus notamment par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Ils sont également convenus d’une action résolue sur le climat, précisant dans leur communiqué final qu’ils soutenaient notamment le fonds vert de l’ONU, destiné à aider les pays en développement à s'adapter aux effets du réchauffement climatique.

« Le G20 a changé de vitesse. Il a défini un agenda de croissance (...). Les économies du monde vont aller mieux. Notre message est qu’il y a un espoir, qu’existe un plan d’action et qu’il a été approuvé », s’est félicité le premier ministre conservateur australien Tony Abbott, qui a minimisé les divergences entre la majorité des pays membres du G 20 et l’Australie sur la question du changement climatique.
Malgré les tensions entre le président russe Vladimir Poutine et les pays occidentaux – notamment anglo-saxons – au sujet de l’Ukraine, le sommet s’est achevé dans un climat plus apaisé. M. Poutine, qui a avancé son départ de Brisbane, dimanche 16 novembre, s’est malgré tout félicité d’une « atmosphère constructive » et s’est déclaré satisfait des résultats obtenus pendant ce week-end de travail dans la capitale du Queensland dans l’est de l’Australie.
Avant même le début de la présidence australienne, le ministre des finances de ce pays, l’énergique et souvent provocateur Joe Hockey, avait proposé de faire de la croissance un thème-clé du G20 en précisant qu’il voulait « moins de bavardage et plus de mesures concrètes ». Il a été suivi et le succès de la présidence australienne lui doit beaucoup, ainsi qu’à la sherpa australienne Mme Heather Smith. M. Abbott leur a rendu hommage.
  • Investissements et mesures de libéralisation pour plus de croissance
En matière de croissance, les pays membres du G20 (90 % de l’économie mondiale) visent une croissance additionnelle d’au moins 2,1 % de leurs PIB cumulés d’ici 2018. Soit un surcroît de richesses de 2 000 milliards de dollars et des millions de créations d’emplois supplémentaires. Cette estimation ne tient pas compte des 300 milliards du plan Juncker en faveur de l’investissement, qui viendra donc s’ajouter à ces 2,1% supplémentaires.
Pour obtenir un tel résultat, des stratégies nationales de croissance devront être mises en place ou précisées. Elles reposent pour l’essentiel sur un effort supplémentaire d’investissements dans les infrastructures mais aussi sur des mesures de facture plus libérale (déréglementation du marché des biens et des services, flexibilité accrue des marchés du travail...). Une plate-forme mondiale d’investissements (un « hub ») sera installée à Sydney et aura pour mission, pendant quatre ans, de favoriser le partage des bonnes pratiques et la coopération entre le public et le privé dans ce domaine.
En plus de ce plan d’action, les pays du G20 ont pris acte du caractère « lent » et « chaotique » de la reprise et fait une analyse de l’état de santé de l’économie mondiale proche de celle du FMI ou de l’OCDE, mentionnant la faiblesse de la demande et la nécessité de surmonter des problèmes d’offre pour relever la croissance potentielle (de long terme).
  • Un engagement vers plus de transparence fiscale
L’autre engagement fort du sommet porte sur la régulation financière et sur la transparence fiscale. Conformément aux souhaits de nombreux pays dont la France, le G20 a insisté sur la nécessité de travailler, entre autres, sur le shadow banking (la finance de l’ombre). Dans le domaine de la fiscalité, il a salué les « progrès significatifs » accomplis sur la base du plan d’action de l’OCDE et de son projet pour lutter contre l’érosion des bases d’imposition et le transfert des bénéfices, connu sous son acronyme anglais de BEPS. Les participants au sommet de Brisbane ont pris l’engagement d’adopter les dernières mesures du BEPS (relatives, entre autres, aux sociétés écrans...) en 2015 et de faire la transparence sur les tax rulings (les accords fiscaux signés entre certaines administrations et multinationales), qualifiées de pratiques dommageables.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, régulièrement pris à partie par la presse au sujet de l’évasion fiscale au Luxembourg et du « Luxleaks », a précisé devant les dirigeants du G20 qu’il était favorable à l’échange automatique de renseignements y compris sur les rescrits. Dans ses habits neufs de président de la Commission, M. Juncker n’a pas hésité à contredire l’ancien premier ministre du Luxembourg qu’il a été... Le communiqué final fait aussi mention du nécessaire progrès dans le domaine du régime d’imposition des brevets (également utilisé par les entreprises pour échapper à la taxation des bénéfices ou pour en limiter la portée).
Beaucoup de chemin a été accompli dans ce domaine si l’on veut bien se rappeler que le secret bancaire était quasiment la règle avant 2009. Toutefois, plusieurs ONG dont One se sont déclarées déçues, estimant que les dirigeants du G 20 avaient « manqué d’audace sur la dernière ligne droite » en n’osant pas imposer « un accès public à l’information, seule solution efficace pour garantir la transparence et enrayer l’évasion fiscale et la corruption [qui]  font perdre chaque année mille milliards de dollars aux pays en développement ». La disparition dans le communiqué final de toute référence au principe de transparence des industries extractives a également été déplorée.
  • Un paragraphe difficilement arraché sur le climat
Les discussions les plus rudes ont porté sur le climat, que l’Australie, initialement, ne voulait pas voir figurer dans le texte final. M. Abbott, pris à revers par les Etats-Unis et la Chine qui se sont engagés sur la réduction de leur gaz à effet de serre, a dû s’y résoudre. Le communiqué final pose le principe d’une « action résolue et effective » sur le climat dans la perspective de la conférence de Paris de décembre 2015 et mentionne, entre autres instruments, le fonds vert de l’ONU.




C’était tout sauf évident. Le G20 a pris position, dimanche 16 novembre à Brisbane (Australie), en faveur d’une action « résolue et effective » sur le climat, un engagement qui s’ajoute à sa volonté de faire davantage de croissance et de renforcer la transparence fiscale. Devant les pressions européennes et américaines, le premier ministre australien, Tony Abbott, a fini par accepter que le climat figure dans le communiqué final des chefs d’Etat et de gouvernement. Mais l’Australie, qui passe le relais à la Turquie, peut se targuer d’avoir arraché ce qu’elle désirait : un consensus sur un objectif de croissance, assorti d’un plan d’action. Ce résultat doit beaucoup à la ténacité de son ministre des finances, l’énergique et provocateur Joe Hockey.
Rétrospectivement, le sommet de Brisbane, dominé à l’ouverture par une très forte tension entre la Russie et les pays anglo-saxons au sujet de l’Ukraine, restera probablement comme le G20 où le climat s’est imposé comme un sujet majeur, un peu plus d’un an avant la conférence de Paris (COP21) de décembre 2015. Le terrain avait été préparé par le sommet Asie-Pacifique de Pékin où les Etats-Unis et la Chine ont annoncé des objectifs précis de réduction de leurs gaz à effet de serre. Quand les deux premières économies du monde, et ses deux plus grands pollueurs, s’engagent, difficile de résister ! Le gouvernement conservateur de M. Abbott, qui a supprimé la taxe carbone australienne, s’est donc rendu à l’évidence, non sans livrer bataille avec pour seul allié l’Arabie saoudite.

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