C'est l'échec: le plan Ecophyto de réduction de l'usage des
pesticides lancé par le Grenelle de l'environnement en 2008 s'est avéré
incapable d'inverser la dépendance de l'agriculture française à la
chimie, malgré une vraie demande de la société.
Face au constat
d'un rapport parlementaire présenté mardi au Premier ministre, qui
préconise une refonte des politiques publiques et de la recherche autour
de cet objectif, Manuel Valls a aussitôt demandé «un nouveau plan de
réduction de l'utilisation des pesticides en France» à ses ministres de
l'Ecologie Ségolène Royal et de l'Agriculture Stéphane Le Foll.
«Six
ans après son démarrage fin 2008, le plan n'a pas eu les résultats
espérés puisque les indicateurs de suivi (...) ne montrent pas de
tendance à la baisse», conclut la mission pilotée par le député PS de
Meurthe-et-Moselle, Dominique Potier, à la demande du chef de
gouvernement.
Le Plan Ecophyto visait à diviser de moitié, «si
possible», l'usage des produits phytosanitaires aussi bien en zone
agricole qu'en ville et dans les jardins.
Or le bilan 2013 publié
lundi par le ministère de l'Agriculture a montré un usage en hausse de
plus de 9% pour l'année, en raison de conditions climatiques difficiles
il est vrai, et de 5% en moyenne entre 2009 et 2013.
«Pendant ses
six premières années, le Plan a créé les conditions nécessaires mais non
suffisantes pour atteindre ses objectifs», note la mission. «La
dynamique collective n'a pas encore diffusé au-delà des réseaux de
praticiens pionniers alors même que des succès probants commencent à
être enregistrés».
«Et pourtant, la révolution culturelle est en
marche» affirme l'auteur principal du rapport, Dominique Potier,
lui-même agriculteur certifié bio depuis 1998. «On la sent chez les
consommateurs autant que chez les producteurs, qui ne supportent plus
d'être perçus comme des pollueurs. Et aussi pour des raisons de marché»
explique-t-il à l'AFP.
«Les cahiers de charges sont de plus en
plus exigeants. Mais il est difficile de trouver la bonne voie: il faut
donc maintenir les outils et en inventer de nouveaux».
-Diversité des cultures et rotation-
Son
rapport préconise de «restructurer» le plan Ecophyto autour de six axes
(et 68 propositions), dont un effort «considérable» de recherche et
d'innovation car, malgré «une incontestable mobilisation» de la
communauté scientifique, celle-ci est «trop récente pour combler le
retard scientifique qu'a induit le recours prédominant à une protection
chimique».
«Je vois quatre domaines prioritaires» énumère
Dominique Potier au téléphone: opter pour des variétés plus résistantes;
développer le biocontrôle (insectes, plantes, algues) qui doit pouvoir
atteindre au moins 15% (des surfaces traitées) contre quelques %
aujourd'hui dit-il; soutenir la modernisation de l'agroéquipement et des
équipements de pointe: «ils permettent d'économiser jusqu'à 30% des
pulvérisations».
«Mais surtout, la première mesure c'est l'agronomie, la diversité des cultures et la rotation».
La
mission suggère de réorienter les politiques publiques. En l'état, «le
plan n'a pas d'emprise sur les leviers majeurs de l'usage des pesticides
que constituent le choix des cultures, des systèmes de culture et de
gestion de l'espace», estime le rapport.
Même la nouvelle Politique agricole commune de l'Europe, la PAC qui entre en vigueur en 2015, est «trop timide».
-«On a échoué, mais on peut réussir»-
La
France est le premier consommateur des 28 pays européens en pesticides -
elle fait aussi valoir qu'elle a première surface agricole. Mais trois
cultures sont spécialement consommatrices: dans l'ordre, la vigne, le
blé et le colza. «La vigne et l'arboriculture représentent 5% des
surfaces agricoles... mais 20% des phytosanitaires employés» remarque M.
Potier.
Le député parie pourtant sur «le réinvestissement dans
une agriculture de qualité. On sent une appétence pour cette mutation:
on a échoué, mais on peut réussir».
Optimisme partagé par Stéphane
Le Foll: «Certains ont déjà réduit leur recours aux pesticides. Toutes
les exploitations peuvent le faire, à condition qu'on diffuse les bonnes
pratiques» a-t-il dit sur France Inter. «Mais ça ne sera fera pas d'un
claquement de doigts».
Ségolène Royal a pour sa part annoncé le
lancement d'«une campagne de surveillance des pesticides dans l’air», et
son intention de «multiplier par 10 le nombre d’agriculteurs formés»
aux méthodes alternatives à ces substances.
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