Neuf vétérans irradiés lors des essais nucléaires français menés dans
le Sahara algérien et en Polynésie dans les années 1960-90 ont obtenu
le droit d'être indemnisés par l'Etat, mardi devant la Cour d'appel
administrative de Bordeaux.
Pour ces vétérans, les juges ont
enjoint au ministère de la Défense de présenter «des propositions
d'indemnisations des préjudices subis».
Une décision saluée comme
une «avancée» par l'Association des Vétérans des Essais nucléaires
(AVEN) de Gironde, qui «réfléchit à poursuivre le combat en déposant des
recours auprès du Conseil d'Etat, et s'il le faut jusqu'à la Cour
européenne des droits de l'Homme (CEDH)» pour les huit autres demandes
rejetées par la Cour administrative d'appel de Bordeaux, a déclaré à
l'AFP sa présidente Marie-Josée Floch.
Lors des audiences
organisées les 2 et 16 décembre à Bordeaux, le rapporteur public,
magistrat chargé d'apprécier les règles de droit et dont l'avis est
généralement suivi par les juges administratifs, s'était dit favorable à
une indemnisation pour treize des 17 dossiers examinés au total.
Il
invoquait notamment «plusieurs incohérences dans la méthodologie»
statistique sur laquelle s'est appuyé le Comité d'indemnisation des
victimes des essais nucléaires (CIVEN) pour évaluer la «probabilité de
causalité» entre l'exposition aux tirs nucléaires et les pathologies
développées par les vétérans à la suite de ces essais.
Même si
l'avis du rapporteur n'a pas été systématiquement suivi par la Cour, Mme
Floch s'est réjouie des décisions rendues mardi, qui constituent pour
elle «une véritable avancée pour nous, et cela veut dire que la justice
est en marche».
«Ces décisions ont en effet toutes les chances de
faire jurisprudence, car plus de la moitié des demandes d'indemnisation
rejetées initialement par le CIVEN ont eu gain de cause en appel», a
estimé Mme Floch.
Au niveau national, une poignée seulement des
quelque 850 dossiers déposés par des victimes a abouti à des
indemnisations, en vertu de la loi du 5 janvier 2010 régissant les
indemnisation des militaires et civils exposés aux essais qui ont depuis
développé des cancers ou d'autres pathologies notamment du sang.
Mécaniciens,
topographes, radio-télégraphistes ou ambulanciers figuraient parmi les
vétérans irradiés dont les cas étaient examinés à Bordeaux. Certains
avaient séjourné moins d'un an dans les régions d'essais, d'autres y
étaient restés plusieurs années. Mais tous ont développé des pathologies
graves, et même fatales pour nombre d'entre eux.
La cours
administrative n'a en revanche pas suivi la requête de Christine
Lécullée, veuve d'un vétéran, qui demandait que l'aplasie médullaire
(maladie de la moelle osseuse) développée par son époux, décédé en 1976 à
l'âge de 42 ans, soit reconnue comme une affection provoquée par la
radioactivité.
Pour Mme Floch, ce cas est «le plus emblématique car il résume à lui seul, le dysfonctionnement de la loi Morin de 2010».
Dès
1967, le ministère de la Défense avait en effet «reconnu et indemnisé
la maladie professionnelle» de M. Lécullée, irradié alors qu'il était
affecté entre 1963 et 1965 au centre d'expérimentations militaires à
Reggane, en Algérie, selon sa veuve. Il avait ainsi été pensionné à 80%
dès l'âge de 34 ans, et à 380% six mois avant son décès.
Mais la
loi Morin exclut l'aplasie médullaire de la liste des maladies reconnues
comme étant provoquées par une exposition aux rayonnements radioactifs.
Mme
Lécullée, «effondrée» à l'annonce de la décision mardi, «ne cesse de
répéter qu'elle se bat depuis 15 ans pour que son mari soit enfin
reconnu comme +mort pour la France+», a expliqué Mme Floch
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