Le Moyen-Orient devra renoncer à exploiter près de 40% de ses
réserves pétrolières, et la Chine, les Etats-Unis et la Russie
l'essentiel de leur charbon, si l'on veut contenir le réchauffement
climatique, révèle une étude publiée mercredi par le journal Nature.
Globalement,
un tiers des réserves pétrolières, la moitié des réserves de gaz et
plus de 80% du charbon devront rester sous terre jusqu'à 2050,
soulignent les auteurs de cette étude intitulée «Quelle quantité
d'énergies fossiles pouvons-nous exploiter?»
Ce sera le seul moyen
d'atteindre l'objectif de l'ONU de limiter le réchauffement à +2°C par
rapport à l'ère pré-industrielle, souligne Christophe McGlade, de
l'Institute for Sustainable Resources du University College de Londres.
«Les
hommes politiques doivent réaliser que leur instinct consistant à
recourir aux énergies fossiles disponibles sur leur territoire, est
incompatible avec leur engagement à tenir l'objectif de 2°C,» dit-il.
Les
experts de l'Onu, qui ont publié en 2014 la plus vaste évaluation
scientifique du changement climatique, estiment que pour atteindre ce
but, l'homme devra limiter ses émissions de CO2 à environ 1.000
milliards de tonnes (gigatonnes), après en avoir déjà consommé 2.000.
Les émissions que générerait l'usage des réserves d'énergies fossiles
encore disponibles sont évaluées par l'étude à 3.000 gigatonnes.
«Les
entreprises ont dépensé plus de 670 milliards de dollars (565 milliards
d'euros) l'an dernier dans la recherche de nouvelles ressources
fossiles», souligne Paul Ekins, co-auteur de l'étude. «Elles devront
revoir ces budgets si des politiques sont mises en place pour soutenir
la limite des +2°C».
L'étude fait le point sur les réserves et
leur localisation, avant d'estimer quelles quantités peuvent être
exploitées jusqu'en 2050.
Les auteurs ont pris deux scénarios,
l'un dans lequel le monde s'appuie sur un «vaste réseau» de capture et
stockage du carbone -- des systèmes dans les faits très peu développés
encore --, et l'autre sans ces technologies.
- gagnants et perdants -
Même si les systèmes de capture du CO2 étaient répandus, il faudrait renoncer à plus de 430 milliards de barils de pétrole.
Dans
ce cas, le Moyen-Orient à lui seul devrait renoncer à plus de 260
milliards de barils, soit 38% de son stock (l'équivalent de huit années
de production aux niveaux de 2013).
L'Amérique latine devrait
renoncer à 58 milliards de barils, le Canada à 39 milliards et les
anciens Etats soviétiques à 27 milliards.
La Chine et l'Inde
devront éviter d'exploiter près de 70% de leurs réserves de charbon, et
l'Afrique presque 90%. L'Europe renoncera à 78%, les Etats-Unis à 92%.
«Ces
résultats montrent qu'il faut transformer complètement notre
compréhension de la disponibilité des énergies fossiles,» insiste
l'étude.
La répartition inégale des réserves à ne pas toucher sera
un défi dans la recherche d'un accord mondial sur le climat, espéré à
Paris fin 2015, soulignent les experts du climat Michael Jakob et Jérôme
Hilaire, dans une analyse jointe à l'étude.
«Seul un accord
global qui compensera les pertes des uns et sera perçu comme équitable
par tous, pourra imposer de strictes limites au recours aux énergies
fossiles», ajoutent-ils.
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