Le diesel affaiblirait la fonction de détoxification du foie. Des chercheurs viennent en effet de montrer que ses particules bloquent des transporteurs hépatiques responsables de l’élimination d’hormones sexuelles et thyroïdiennes ou encore celle de résidus toxiques pour l’organisme. Reste à évaluer les conséquences de ce phénomène sur la santé humaine.
Des travaux conduits in vitro
Les chercheurs* à l’origine de cette découverte ont travaillé in vitro, sur des cellules de foie (hépatocytes) en culture. Ils les ont exposées à un extrait de particules de diesel, à des doses équivalentes à celles inhalées par un individu vivant dans un milieu pollué. Les chercheurs ont ensuite mesuré le niveau d’expression et l’activité de plusieurs transporteurs présents à la surface des cellules.Ces transporteurs hépatiques assurent le passage de molécules circulant dans le sang vers l’intérieur du foie. La bile conduit ensuite à l’élimination de ces substances. L’ensemble du système permet à l’organisme de se débarrasser des déchets naturels produits par les cellules, de médicaments ou de drogues. Or, les auteurs ont constaté que les particules de diesel réduisent l’expression de gènes codant pour ces transporteurs et bloquent l’activité de plusieurs d’entre eux. Et le phénomène s’observe lorsque les cellules sont exposées à de faibles doses de particules.
Des conséquences probables sur la santé
Les chercheurs ont notamment constaté une forte inhibition des transporteurs MRP2 et OATPs impliqués dans l’élimination hépatique de nombreux toxiques et médicaments, mais aussi dans celle d’hormones stéroïdes sexuelles et d’hormones thyroïdiennes. Le blocage de l’activité des transporteurs de type MRP pourrait également perturber les circuits de régulation du glutathion, une molécule anti-oxydante endogène importante.A ce stade, même s’il s’agit de travaux menés in vitro, le spectre des conséquences cliniques envisagées par les auteurs est large : perturbations endocriniennes, perturbation de l’élimination de médicaments et de métabolites endogènes, ou encore excès de stress oxydatiflié à une mauvaise élimination des radicaux libres, pouvant contribuer au développement de maladies chroniques. "Cela aurait notamment pour effet de renforcer les effets cancérigènes du diesel favorisés par le stress oxydatif", rappelle Olivier Fardel, coauteur de ces travaux à l’Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail.
Des hypothèses qui poussent à poursuivre ces travaux : les auteurs souhaitent par exemple regarder du côté des transporteurs présents au niveau des cellules pulmonaires (dont certains sont semblables à ceux retrouvés sur les hépatocytes), en s’intéressant notamment aux transporteurs associés à la cancérogénèse. Ils comptent aussi identifier précisément les molécules chimiques impliquées dans l’inhibition des transporteurs au sein du cocktail de particules utilisé dans le cadre de leurs travaux. Ils veulent enfin étendre leurs études aux interactions potentielles des transporteurs membranaires avec d’autres polluants chimiques.
Note
*unité Inserm 1085, Institut de recherche en santé, environnement et travail, RennesSource
M. Le Vee et coll. Regulation of Human Hepatic Drug Transporter Activity and Expression by DieselExhaust Particle Extract. PLoS One, édition en ligne du 24 mars 2015
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