mercredi 11 février 2015

A Genève, semaine-clé pour les négociations sur le climat

Entre les colonnes de marbre de la salle des pas perdus du Palais des nations de Genève, une exposition photo retrace les moments forts des soixante-dix ans de l’institution onusienne. La prochaine Conférence mondiale sur le climat, du 30 novembre au 11 décembre à Paris (21e Conférence des parties de la convention des Nations unies sur les changements climatiques, ou « COP 21 »), donnera-t-elle lieu à un autre cliché pour l’Histoire ? Rien n’est moins sûr.

Laurent Fabius, en première ligne puisque la France a obtenu la présidence de la COP 21 (elle était la seule candidate), ne verrait certainement pas d’inconvénient à poser pour la postérité. Mais le ministre des affaires étrangères, qui a fait le déplacement au Palais des nations, dimanche 8 février, pour l’ouverture de la session de travail sur les négociations climatiques, mesure la difficulté de la tâche. « La conférence de Paris, qui va rassembler 20 000 délégués et plus de 20 000 autres personnes, sera le plus grand événement diplomatique jamais accueilli en France. Son enjeu est capital, insiste-t-il. Il faut arriver à lutter contre le dérèglement climatique à la fois pour des raisons environnementales, pour des raisons de capacité de vivre mais aussi pour des raisons de santé et de sécurité. »

Jeu diplomatique

Si un accord est scellé en décembre à Paris, il constituera une étape décisive dans la lutte contre le réchauffement climatique. A l’exception du protocole de Kyoto, qui impose depuis 2005 aux pays riches des objectifs contraignants dans la lutte contre les gaz à effet de serre, mais qui n’a pas été ratifié par les Etats-Unis, les 195 acteurs de la Conférence des parties ne sont jamais parvenus à s’entendre sur un texte universel pour limiter la hausse de la température en deçà de 2 °C d’ici à la fin du siècle, seuil au-delà duquel la communauté scientifique met en garde contre des dérèglements climatiques majeurs. En cas d’échec de la COP 21, c’est le principe même du multilatéralisme onusien qui verra sa crédibilité – déjà entamée en raison de la timidité des avancées enregistrées à Lima – mise en cause.
Depuis le début de l’année, le chef de la diplomatie française intègre à chacun de sesplacements une séquence sur le climat. Trois jours avant sa venue à Genève, il a ouvert à New Delhi le sommet mondial du développement durable, partageant l’estrade avec Rajendra Pachauri, le patron du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC), et l’ancien gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger. Lundi 9 février, il devait se rendre en Indonésie pour évoquer, notamment, les risques de catastrophes naturelles.

« Le scepticisme n’est plus une option. Les scientifiques ont fait leur travail ; désormais, c’est aux gouvernants d’agir, confie le chef du Quai d’Orsay. J’ai demandé aux ambassadeurs de faire un point sur la situation de chaque pays : quels sont les problématiques climatiques, les modèles énergétiques, les perspectives de croissance verte ? [Cet état des lieux] va être précieux pour avancer dans nos discussions. »
Dans les imposantes salles de conférence du Palais des nations, à Genève, c’est un autre jeu diplomatique qui s’organise. Dimanche a débuté la session de négociations devant aboutir le 13 février au soir à la rédaction du texte qui servira de cadre aux négociations de Paris.

« Je vous demande de trouver des solutions novatrices, le temps est compté, chaque jour doit être un succès », a lancé en séance d’ouverture le Péruvien Manuel Pulgar Vidal, président en exercice de la Conférence des parties. Selon les calculs de la NASA et de l’Agence américaine océanique et atmosphérique, rappelle-t-il, 2014 a été l’année la plus chaude sur le globe depuis le début des relevés des températures, en 1880. Et dans son dernier rapport, le GIEC estime que la hausse de la température atteindra entre 3,7 °C et 4,8 °C d’ici à 2100, si la production énergétique mondiale ne se détourne pas massivement des énergies fossiles.
Le document à l’étude est un texte de 37 pages, ébauché à Lima en décembre 2014, que vont disséquer, compléter, amender, jour après jour, les négociateurs dépêchés à Genève. « La conférence de Lima laissait la possibilité aux Etats de rejeter cette trame. Ils ne l’ont pas fait, se félicite Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations internationales sur les changements climatiques. L’autre point positif, c’est ce sentiment que les acteurs veulent avancer vers un accord à Paris. » La plupart des intervenants ont choisi de ne pas faire de déclaration orale, pour entrer le plus vite possible dans le vif du sujet. « Si la négociation démarre sans grosse tension, c’est aussi parce que l’éventail des options est pour le moment très large, précise Romain Benicchio, de l’ONG Oxfam International.
Pour autant, la route qui mène à la conférence de Paris est semée d’embûches. Les négociateurs doivent d’ici là se mettre d’accord sur la forme juridique de l’accord : protocole contraignant ou décision moins ambitieuse ? Ils doivent trouver des solutions pour abonder le Fonds vert pour le climat, cette cagnotte qui devrait atteindre 100 milliards de dollars (88 milliards d’euros) à partir de 2020, afin notamment de financer les besoins des pays en voie de développement pour lutter contre le réchauffement. Ils doivent encore, avant le 31 octobre, assurer la synthèse des « contributions nationales », les engagements des pays pour réduire leurs émissions carbone. « Ces mesures ne suffiront pas à respecter le scénario de limitation du réchauffement à 2 °C dès 2015, mais elles nous mettront sur la voie des 2 °C », espère Laurence Tubiana.

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