C’est ce matin que la maire de la capitale, Anne Hidalgo, présente au Conseil de Paris son plan antipollution dévoilé fin janvier. Un plan qui prévoit l’interdiction totale du diesel dans la capitale à l’horizon 2020.
Si les nouveaux moteurs diesels ne sont pas plus polluants, assurent en chœur les constructeurs, que leurs équivalents en version essence, ils n’ont jamais été autant sur la sellette en raison de leur contribution à la pollution atmosphérique des villes et leur responsabilité dans le décès prématuré de 42 000 citadins(lire ci-contre). Il faut arrêter avec le «diesel bashing», clament les constructeurs qui contre-attaquent et s’inquiètent que le gazole serve de bouc émissaire pour dénoncer la pollution atmosphérique. «Non, les moteurs diesel ne vont pas être interdits à Paris, soutient Christian Chapelle, responsable du développement moteurs de PSA Peugeot Citroën. Tout comme les moteurs essence, les diesels vont se voir attribuer une catégorie correspondant à leurs émissions polluantes et, à l’horizon 2020, seuls les véhicules essence ou diesel respectant les normes Euro 5 et Euro 6 pourront circuler à Paris. Cela correspond à nos attentes, car ce sont les taux d’émissions polluantes des différents carburants qui sont ainsi pris en compte, et non le diesel uniquement. C’est très positif.» François Roudier, du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), signale que les marques françaises travaillent avec la mairie de Paris sur la pollution atmosphérique. «Qu’il s’agisse de moteurs diesel ou essence, 50% de la pollution automobile émane des véhicules de plus de dix ans. Donc éliminer du parc roulant à Paris les modèles les plus anciens nous convient parfaitement», explique le porte-parole du CCFA. Les constructeurs se félicitent aussi de la création, actée, d’une commission d’enquête sénatoriale chargée d’examiner les conditions dans lesquelles des experts impartiaux pourront évaluer la véracité des progrès accomplis par la dernière génération de motorisations Diesel.
Alternative. En raison de choix technologiques parfois malheureux, les constructeurs français n’en ont pas moins pris du retard dans la transition post-diesel du parc hexagonal. Ils ne seront pas capables de proposer une véritable alternative avant l’horizon 2020. Chez Renault, le virage technologique pris ces dernières années s’est d’abord orienté vers la voiture 100% électrique. Mais la faible autonomie de ces véhicules et l’absence d’un véritable réseau de bornes de recharge expliquent leurs résultats de ventes décevants. Chez PSA, la technologie hybride diesel lancée en 2011 et très peu rentable va être abandonnée. Quant au système Hybrid Air, trop coûteux pour être développé seul, faute de partenaire industriel, celui-ci est à l’arrêt.
Avec des années de retard sur leurs concurrents étrangers, c’est désormais vers la technologie essence hybride rechargeable que se tournent les constructeurs français. Mais chez Renault comme PSA, celle-ci n’apparaîtra pas dans leur gamme de modèles avant 2020. D’ici là, ce sont plutôt des marques, telles que Toyota, Audi, Volkswagen ou Mercedes, nettement plus avancées dans la technologie hybride rechargeable, qui vont profiter des aides à l’achat de véhicules propres proposées à la fois par la mairie de Paris et le gouvernement. Ce dernier vient de dégainer, la semaine dernière, des mesures incitatives avec un «superbonus» de 10 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique et de 6 500 euros pour les hybrides rechargeables en échange d’un vieux diesel de plus de treize ans.
«Périphérique». Le débat sur l’abandon du diesel à Paris est aussi l’occasion pour les partisans d’une transition douce de rappeler que son interdiction risque de frapper des ménages modestes relégués loin de la capitale. Un point que le député PS Olivier Faure a rappelé à Hidalgo dans un courrier où il s’interroge «sur des décisions qui visent la défense étroite des seuls Parisiens sans tenir compte des difficultés collatérales pour celles et ceux qui vivent au-delà du périphérique. Nombreux sont ceux qui ont dû quitter la ville métropole, trop chère, pour rejoindre les lisières». Le député de Seine-et-Marne ajoute : «Pour continuer de travailler à Paris, ils vont devoir disposer, à partir de 2020, d’un véhicule de moins de dix ans ne roulant pas au diesel». Autant dire que les mesures d’encouragement à l’achat de voitures propres de la ville sont attendues bien au-delà du périphérique

Un carburant jadis omniprésent

Le diesel déjà sur la voie du déclin ? C’est ce que semble traduire l’évolution des ventes en France. Comme l’explique François Roudier du Comité des constructeurs automobiles français (CCFA), «de 73% en 2012, la part des ventes de diesel s’est réduite à 64% l’an passé. A ce rythme, nous pensions que la parité 50-50 entre l’essence et le diesel serait atteinte en 2020. Mais le mouvement vient de s’accélérer en janvier avec une part du diesel dans les nouvelles immatriculations tombée à seulement 59%». Les constructeurs n’entendent pourtant pas l’abandonner. D’abord parce qu’il représente pour certains 70% de leurs ventes, mais surtout parce que les véhicules diesel rejettent beaucoup moins de CO2 que les moteurs essence. La présence du diesel dans leur gamme leur est nécessaire pour abaisser le taux moyen d’émission de CO2 de leur production et répondre aux normes fixées par la Commission européenne. En 2021, ce seuil sera abaissé de 130 g/km de CO2 à 95 pour l’ensemble des constructeurs. Avec 110 g/km de CO2 de moyenne pour l’ensemble de sa gamme, PSA est aujourd’hui le moins polluant des constructeurs européens en termes de rejet de CO2.

Un danger à réévaluer ?

Les études sur l’impact sanitaire du diesel sont accablantes, mais les constructeurs accusent les antidiesel de manquer de crédibilité. En juin 2012, un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a pourtant clairement classé les moteurs diesels comme «cancérogènes certains pour l’homme». Les constructeurs, eux, préfèrent faire valoir que cette étude englobait l’ensemble des moteurs diesels (voitures, groupes électrogènes, bateaux, engins de chantier) et se rapportait à des cas de cancers provoqués chez des mineurs de fond aux Etats-Unis exposés en milieu confiné à des moteurs d’ancienne génération. Le chiffre admis de 42 000 morts par an résultant des particules fines du diesel provient du programme Cafe mené par la Commission européenne, selon lequel les particules seront responsables de 34 740 décès prématurés en France en 2020. Les constructeurs, eux, expliquent que ce rapport traite des particules fines en général. Ils ont même obtenu du Sénat la création d’une commission d’enquête sur les «progrès» des moteurs diesels. Elle sera chargée de vérifier l’impartialité des experts contrôlant les chiffres des constructeurs.

Dégât collatéral à l’occasion

Il s’est vendu l’an passé en France 1,79 million de voitures neuves. Mais le marché de l’occasion est trois fois plus important avec 5,4 millions de véhicules échangés, dont 68% de diesel. En cas d’interdiction du gazole, les constructeurs estiment que c’est sur ce marché de la deuxième main que les conséquences seraient les plus fortes et brandissent l’argument du porte-monnaie. Les particuliers se trouveraient alors dans l’impossibilité de revendre leur voiture. Mais ce bannissement du gazole aurait aussi des répercussions pour les entreprises, préviennent-ils. Chaque année, elles achètent 700 000 voitures et véhicules utilitaires (soit 32% du marché automobile total) carburant au diesel. Un choix guidé par des considérations fiscales puisque les entreprises sont autorisées à récupérer la TVA sur le gazole. En cas de suppression, le surcoût du poste carburant serait important, ont calculé les tenants d’une «dédieselisation» très graduelle du parc automobile, de l’ordre de 20%. Enfin, pour les utilisateurs de véhicules utilitaires, les alternatives sont peu développées puisqu’à quelques exceptions près, aucun de ces modèles n’est proposé en version essence.

L’alternative hybride en retard

Pour réduire leurs émissions polluantes, tous les constructeurs automobiles se tournent vers les motorisations hybrides rechargeables (plug-in). Associant un moteur thermique à un moteur électrique, ces voitures dotées de batteries rechargeables disposent d’une autonomie suffisante pour effectuer la plupart des trajets journaliers en mode électrique et recourent au moteur thermique pour des distances plus longues. Renault, qui a d’abord joué la carte du tout-électrique, s’oriente aujourd’hui vers cette technologie hybride. Présenté en octobre au Mondial de Paris, son moteur essence hybride rechargeable consomme 2 litres aux 100 km et se pose en alternative très sérieuse au diesel. Mais il ne sera commercialisé qu’en 2018, sur la future Clio. Chez PSA, à peine nommé à sa tête, Carlos Tavares a remis de l’ordre dans les moteurs de recherche. Pour s’ouvrir les marchés internationaux, où le diesel est peu répandu, Peugeot et Citroën parient aussi sur une nouvelle technologie hybride essence et rechargeable, mais qui n’équipera pas ses véhicules avant 2020. D’ici là, pour Renault comme pour PSA, impossible de se passer du diesel.
Jean-Pierre LAGARDE