Deuxième pays le plus touché au monde
par les catastrophes et le réchauffement, les Philippines se sont dotées
d’une commission du changement climatique et souhaitent jouer un rôle
actif dans les négociations internationales.
Mary Ann Lucille Sering, vice-présidente de la commission philippine du changement climatique, précise les enjeux de la visite du président François Hollande les 26 et 27 février à Manille.
Le forum permet aussi de parler de politique de financement. Nous nous dirigeons vers la création d’un V20 [pour Vulnerable 20] des ministres des finances, sur le modèle du G20. Et nous allons lancer en avril, à Washington, le projet de fonds d’adaptation pour les pays les plus vulnérables.
Qu’attendez-vous de la visite de François Hollande les 26 et 27 février ?
C’est un signe des bonnes relations entretenues par nos deux pays, après la venue du président philippin en France en septembre 2014. Nos deux présidents vont évoquer divers sujets, mais il est clair que le dossier climatique aura une place forte dans cette visite officielle. Une annonce devrait être faite à cette occasion.
Nous souhaitons montrer au président français toutes les initiatives que nous avons prises jusqu’ici, pour que l’on ne s’en tienne pas seulement aux images de dévastation liées aux tempêtes tropicales. Nous sommes très actifs dans les débats sur le changement climatique. D’ailleurs, si une invitation est adressée au président Benigno Aquino III pour la conférence mondiale sur le climat (COP21), je lui recommanderai de se rendre à Paris.
Mary Ann Lucille Sering, vice-présidente de la commission philippine du changement climatique, précise les enjeux de la visite du président François Hollande les 26 et 27 février à Manille.
L’Etat
philippin appuie son action sur la commission du changement climatique.
Quel a été l’élément déclencheur de ce choix, en 2009 ?
Mary Ann Lucille Sering
Avant 2009, la discussion sur le changement climatique était focalisée
sur l’environnement, or, cette année-là, deux gros typhons ont frappé
notre économie de plein fouet. Ils n’ont pas fait autant de victimes que
les typhons précédents grâce à notre système d’alerte et de secours,
mais ils ont provoqué une perte de 2,7 % de notre produit intérieur
brut. Nous avons pris conscience de l’incidence de ces événements sur
notre développement économique. Une loi sur le changement climatique a
été adoptée dès 2009. Et, pour porter le débat à un plus haut niveau
encore, nous avons créé une commission du changement climatique dont la
présidence a été confiée au chef de l’Etat en personne.
Quelles sont les compétences de cette commission ?
Ses
compétences sont bien plus larges que les strictes questions
environnementales. Elle a un fonctionnement multisectoriel. La
commission participe aux discussions touchant à l’agriculture, à la
santé, aux infrastructures publiques, aux transports ou encore à
l’énergie. On a bien vu en 2013, avec le typhon Haiyan, qu’il ne suffit
pas de porter secours aux victimes. Les zones sinistrées n’ont pas eu
d’électricité pendant plusieurs mois, ce qui a retardé notre capacité à
redresser l’économie de Mindanao. La plupart des entreprises ont quitté
l’île et ne sont toujours pas revenues. Notre grille de lecture s’appuie
notamment sur le rapport sur les dépenses publiques liées au climat. Ce
document, qui recense ce que les Philippines ont engagé en matière
climatique, guide les arbitrages budgétaires. Il révèle que ce sont les
dépenses de reconstruction qui augmentent le plus.
Vous
présidez cette année le Climate Vulnerable Forum, qui regroupe vingt
pays. Cet espace multilatéral a-t-il un rôle politique ?
Ce n’est
pas un espace de négociations comme le sont les sessions de la
convention cadre des Nations unies sur le changement climatique
(CCNUCC). Le forum est là pour mobiliser les Etats membres sur les
risques et pour proposer des réponses. Il permet également de partager
des données scientifiques qui tiennent compte des circonstances
particulières de nos régions. Aux Philippines, nous avons par exemple
des problèmes de sécheresse dans le nord du pays, qui sont comparables à
ceux que rencontrent certains pays d’Afrique.Le forum permet aussi de parler de politique de financement. Nous nous dirigeons vers la création d’un V20 [pour Vulnerable 20] des ministres des finances, sur le modèle du G20. Et nous allons lancer en avril, à Washington, le projet de fonds d’adaptation pour les pays les plus vulnérables.
Comment se mesure la vulnérabilité d’un pays face au changement climatique ?
C’est
d’abord une question de contexte économique. Les pays les moins
développés disent, nous sommes les plus vulnérables parce que nous
sommes les moins développés. Nous, nous sommes un pays à revenus moyens,
mais lorsque le typhon Haiyan s’abat sur Tacloban, comme ce fut le cas
fin 2013, le niveau de pauvreté de la population de cette province
augmente instantanément. Nous sommes touchés aussi par les tremblements
de terre, par d’autres phénomènes climatiques encore : la seule chose à
laquelle nous échappons, ce sont les tempêtes de neige !Qu’attendez-vous de la visite de François Hollande les 26 et 27 février ?
C’est un signe des bonnes relations entretenues par nos deux pays, après la venue du président philippin en France en septembre 2014. Nos deux présidents vont évoquer divers sujets, mais il est clair que le dossier climatique aura une place forte dans cette visite officielle. Une annonce devrait être faite à cette occasion.
Nous souhaitons montrer au président français toutes les initiatives que nous avons prises jusqu’ici, pour que l’on ne s’en tienne pas seulement aux images de dévastation liées aux tempêtes tropicales. Nous sommes très actifs dans les débats sur le changement climatique. D’ailleurs, si une invitation est adressée au président Benigno Aquino III pour la conférence mondiale sur le climat (COP21), je lui recommanderai de se rendre à Paris.
Espérez-vous pouvoir peser sur les discussions en vue d’un accord en décembre, à Paris ?
Nous
ne sommes pas un gros émetteur de gaz à effet de serre, mais nous avons
démarré des programmes et nous ne voulons pas être mis de côté dans les
discussions en cours. Par exemple, quand et comment mettre en place un
marché carbone ? C’est une question majeure qui nécessite une réflexion
collective. Les Philippines vont faire le maximum pour rendre une
contribution en juin, avec des chiffres précis de réduction des
émissions de gaz à effet de serre, des choix clairs de financement et un
objectif ambitieux : contenir à 1,5 °C le réchauffement de la planète.
Les pays développés, notamment la France, sont-ils selon vous suffisamment mobilisés sur le réchauffement climatique ?
J’aimerais
croire que oui. Que les Etats-Unis aient changé de position et que la
Chine ait annoncé un engagement de réduction de ses émissions sont de
bons signaux envoyés aux plus gros émetteurs. J’ai rencontré à Genève, à
la mi-février, Laurence Tubiana [l’ambassadrice française chargée des
négociations sur le changement climatique], nous partageons le constat
que nous avons besoin d’un accord garant de la transparence entre les
pays et de l’impératif de développement durable. Nous n’avons pas oublié
l’épisode du protocole de Kyoto, que les Etats-Unis n’ont finalement
pas ratifié et qui a été fragilisé par la défection du Japon et du
Canada. Cela fait plus de vingt ans que nous négocions un accord sur le
climat. Il y a un moment où il faut arrêter de parler et passer à
l’action.
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