samedi 21 février 2015

Qu’est-ce qui provoque une grande marée ?


Des employés municipaux installent des sacs de sable près de Saint-Malo, en prévision des grandes marées, le 19 février.
Au Ier siècle avant J.-C., Posidonius d’Apamée, le maître de Cicéron, l’un des plus grands intellectuels de son temps, s’était lancé dans de longs voyages, loin de l’île méditerranéenne de Rhodes, où il enseignait, pour observer les marées de l’Atlantique. On sait qu’il passa du temps dans le sud-ouest de l’Espagne pour en noter les cycles. Et on pense que son grand voyage dans l’intérieur de la Gaule — demeuré célèbre pour son traité sur les Celtes — avait en réalité comme but premier l’observation des va-et-vient de l’Atlantique. Vingt-deux siècles plus tard, le retour des grandes marées, vendredi 20 février, montre que le phénomène suscite une fascination et un intérêt toujours aussi vifs. Et ce, même si leurs mécanismes — que Posidonius avait déjà largement devinés et explicités dans son traité De l’océan — n’ont plus guère de secret.
Les marées sont modulées par plusieurs cycles, tous liés à l’astronomie et en particulier aux positions relatives de la Lune, de la Terre et du Soleil. Les astres de jour et de nuit sont à l’origine du phénomène, par leur effet gravitationnel sur les masses d’eau.

Conjonction des astres

Ces cycles déterminent la survenue et l’ampleur des marées. Le plus long de ces cycles, appelé Saros, ou période de Saros, dure dix-huit ans et onze jours. La « marée du siècle » attendue pour le 21 mars, frappée du coefficient de 119 (le maximum pointe à 120) succède ainsi à celle du 10 mars 1997, de même ampleur. Cette période d’un peu plus de dix-huit ans avait été identifiée par les astrologues mésopotamiens, dès le VIe siècle avant notre ère, comme la période au terme de laquelle le cycle des éclipses successives était bouclé. Le terme « Saros » est d’ailleurs sans doute la version hellénisée du babylonien saru, qui définissait chez les anciens mésopotamiens un cycle temporel. Un Saros correspond donc au temps nécessaire pour que la Lune, le Soleil et la Terre (mais également l’inclinaison de celle-ci sur le plan de l’écliptique) se retrouvent dans la même configuration géométrique, ou presque.
Ainsi la configuration astronomique à même de générer les plus fortes marées se reproduit-elle une fois par Saros, c’est-à-dire une fois tous les dix-huit ans et onze jours.

Conditions atmosphériques

Cependant, rien ne dit que les marées aux coefficients les plus élevés seront nécessairement les plus hautes. Car à la conjonction des astres s’ajoutent les caprices de l’atmosphère. « Le coefficient de marée, calculé par le Shom [Service hydrographique et océanographique de la marine], correspond à une hauteur moyenne de la mer, c’est-à-dire pour une pression atmosphérique de référence de 1 013 hectopascals [hPa], explique Patrick Santurette, chef de la prévision marine à Météo France. Mais si on a des conditions différentes, par exemple une dépression, une forte dépression, voire une tempête, alors la hauteur réelle de la mer change considérablement. »
Pour chaque millibar de pression atmosphérique en moins, la mer s’élève ainsi de 1 centimètre. L’effet est considérable. « Entre une situation normale et une forte dépression à 980 hPa, il peut y avoir 35 centimètres de différence », illustre M. Santurette. L’explication est simple. « Lorsque les pressions sont basses, la colonne d’air est moins “lourde”, elle “appuie” donc moins sur la masse d’eau, et la mer est donc plus haute. » A l’inverse, une « marée du siècle », comme celle attendue pour le 21 mars, peut être contrariée par les hautes pressions d’un anticyclone et être moins impressionnante qu’escomptée.

Surcotes dues aux tempêtes

Mais ce n’est pas tout. « En cas de tempête et de forts vents d’ouest, il faut ajouter aux basses pressions un effet d’afflux des vagues dans les terres », ajoute M. Santurette. Les surcotes produites par cette redoutable conjonction peuvent être très importantes. En 2010, rappelle Serge Planton, responsable du groupe de recherche climatique du Centre national de recherches météorologiques (CNRM), « lors de la tempête Xynthia, la surcote avait atteint 1,50 m à La Rochelle ». Le coefficient de marée était alors de 102, inférieur au 118 du 20 février.
Aujourd’hui, les surcotes attendues sont bien moindres. « Actuellement, en raison de pressions légèrement basses et d’un peu de vent soufflant du sud-ouest, on peut s’attendre, suivant les ports, à être de 15 centimètres à 30 centimètres au-dessus de la normale prévue par le coefficient de marée », dit M. Santurette. Sur la façade atlantique, le niveau de vigilance sur les côtes a été placé au niveau « jaune » par Météo France, « ce qui n’exclut pas qu’il y ait localement des débordements », prévient M. Santurette.

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