dimanche 15 septembre 2013

Diesel : à quand la fin de l'usine à gaz ?


http://sciencesetavenir.nouvelobs.com/sante/20130912.OBS6719/diesel-la-fin-de-l-usine-a-gaz.html




Après l'intervention de Noël Mamère ce jeudi matin, le débat sur le diesel est relancé. Nos explications.

Les constructeurs doivent limiter davantage les émissions polluantes de ces moteurs. La chasse aux oxydes d'azote est ouverte... Revue de détail des deux technologies existantes.

 42.000 décès prématurés en France

Plébiscité par les Français, le diesel déchaîne toujours les passions dans l'Hexagone. Un fiscalité attractive en a fait la motorisation préférée des automobilistes. Sept voitures neuves sur dix roulent ainsi au gazole, alors que ce dernier, selon les estimations d'un rapport de la Commission européenne, pourrait causer 42.000 décès prématurés en France. Au point que les politiques s'en émeuvent, comme Anne Hidalgo, première adjointe au maire de Paris et candidate aux prochaines élections municipales, qui affiche son objectif "d'aller vers la fin du diesel à Paris". Pro-diesel ou anti, deux positions définitivement opposées ? Pas si sûr : la réconciliation pourrait venir de la future norme Euro 6 mise en place par l’Union européenne et qui entrera en vigueur en septembre 2014 (voir encadré en fin d'article).
EURO 6. Elle réglementera en effet plus sévèrement les émissions polluantes. Les précédentes normes, depuis leur mise en place en 1993, visaient à réduire trois polluants: le monoxyde de carbone (CO), un gaz toxique qui se fixe sur les globules rouges à la place de l’oxygène ; les hydrocarbures imbrûlés (HC), dont certains, comme le benzène, sont cancérogènes ; et les particules (PM), des poussières de moins de 0,01 mm de diamètre considérées comme les principales responsables des morts dues à la pollution automobile.

Et les oxydes d'azote ?

Restait un gros point noir : les oxydes d’azote (NOX), gaz irritants et nocifs, regroupant le monoxyde d'azote (NO) et le dioxyde d'azote (NO2). Désormais, ces derniers seront limités à 80 milligrammes par kilomètre, contre 180 mg/km aujourd’hui. Une réduction drastique qui, annoncée dès 2007, a obligé les constructeurs à mettre au point de nouvelles technologies de dépollution. Ainsi, Peugeot a annoncé le 17 avril la mise en service sur ses véhicules de tourisme du système de « réduction catalytique sélective » (SCR), qui consiste à transformer les gaz d’échappement en diazote (N2). Il sera mis en place à partir de la fin 2013, et généralisé en 2014.

"Réduction catalytique sélective" : la technologie idéale ?

Avantage notable de la SCR: c’est la seule technologie à ne pas augmenter la consommation de carburant. Un argument clé pour PSA, qui justifie le choix du diesel par sa moindre consommation par rapport à l’essence. Cette technologie permettrait même d’améliorer le rendement en faisant fonctionner le moteur dans des conditions optimales. « Grâce à la SCR, un moteur consommera 2 à 4 % de moins que le même moteur diesel sans SCR  », promet Pierre Macaudière, expert en dépollution chez PSA. En effet, les oxydes d’azote se forment d’autant plus que la combustion dans le moteur est rapide et efficace, donc qu’elle a un bon rendement. Malheureusement, en l’absence de système de traitement de ces oxydes d’azote, les constructeurs sont parfois obligés de dégrader la combustion pour émettre moins de NOX. Si l’on peut produire davantage d’oxydes d’azote, sachant qu’ils seront réduits par un système de post-traitement adapté, on peut se placer dans les conditions de combustion optimales, et ainsi améliorer le rendement.

Pas si sûr...

Revers de la médaille, la SCR est un système contraignant, encombrant et pesant. Elle implique l’ajout d’un réservoir contenant une solution d’urée diluée, auquel se branchent la tuyauterie nécessaire et l’injecteur pour amener ce liquide au catalyseur. Un système de chauffage permet d’éviter que la solution ne gèle en hiver, sans oublier l’informatique embarquée pour calculer la production de NOX et adapter la consommation d’urée. Par ailleurs, il faut recharger régulièrement cette dernière.
Peugeot a donc choisi d’installer un réservoir plutôt volumineux, environ 20 litres, pour que la recharge soit peu fréquente. La marque au lion ne précise pas le surcoût de ce dispositif, que l’on peut estimer à quelques centaines d’euros.

Renault, Toyota, Ford, chacun s'adapte

Devant toutes ces contraintes, les autres constructeurs renâclent. Ainsi, Renault réserve la SCR aux véhicules les plus lourds, émettant le plus de NOX : utilitaires et 4×4. Pour tous les autres, y compris les monospaces, elle fait le choix d’une technologie dite de piège à NOX (NOX Trap), consistant à emmagasiner les NOX notamment grâce à la présence de métaux précieux. Cependant, ceux-ci nécessitent l’injection de bouffées de carburant pendant quelques secondes toutes les deux ou trois minutes, entraînant une surconsommation de 2 à 5 % par rapport à une motorisation diesel « classique ». Un gros handicap à l’heure où les économies de carburant sont la priorité des constructeurs. Toyota, de son côté, développe l’ensemble de ces technologies afin « de pouvoir choisir la solution optimale pour chaque véhicule », souligne François-Alexandre Lafossas, spécialiste des motorisations chez Toyota Motor Europe. Chez Volks-wagen, plusieurs modèles dont la Golf GTD répondent déjà à la norme Euro 6, grâce au piège à NOX. Opel et Ford optent également pour cette solution.

Les systèmes sont choisis en fonction des cylindrées

Comment se fait le choix ? « Généralement, les constructeurs préfèrent les pièges à NOX pour les petits moteurs et les petits véhicules, par manque de volume disponible à bord pour intégrer le réservoir d’urée, et surtout pour des raisons de coût », observe Stéphane Raux, chef du projet Systèmes de post-traitement à l’IFP énergies nouvelles. En effet, alors que le prix d’un piège à NOX est sensiblement proportionnel à la cylindrée du moteur, les éléments nécessaires au fonctionnement de la SCR représentent un coût quasi fixe. Même si les constructeurs ne communiquent pas sur ces montants, on peut estimer une SCR à 300 €, une somme considérée comme élevée pour un système de dépollution, et que certains constructeurs ne répercuteront pas sur le prix de vente. Le coût d’un piège à NOX pour une voiture de bonne taille est similaire. Des montants qui pourraient baisser avec la généralisation de ces technologies.

Un cycle d'homologation pourrait changer la donne

Un nouvel élément pourrait complètement redistribuer les cartes : le cycle d’homologation (1), qui permet de mesurer de façon standardisée les consommations et les émissions de polluants. Un nouveau cycle devrait voir le jour, probablement vers 2017. En effet, l’actuel (2), qui ne prend en compte ni les fortes accélérations, ni les vitesses supérieures à 120 km/h, ni les côtes, sous-estime d’au moins 10 à 20 % les émissions réelles des véhicules.
INNOVATION. Le nouveau cycle, plus réaliste, pourrait favoriser la méthode la plus efficace aux vitesses élevées, donc la SCR aux dépens du piège à NOX. À moins qu’une innovation ne vienne mettre tout le monde d’accord : certains constructeurs comme Renault travaillent sur un nouveau type de SCR dans lequel l’ammoniac ne serait plus fourni par un réservoir d’urée : « En faisant fonctionner le moteur dans certaines conditions, on génère un peu d’ammoniac, suffisamment pour compléter la dépollution des pièges à NOX  », indique Catherine Gauthier, spécialiste du système de traitement des gaz d’échappement chez Renault. De quoi réconcilier les promoteurs du piège à NOX et les tenants de la réduction catalytique sélective.
Euro 6, une nouvelle norme en 2014
La norme Euro 6, en vigueur à partir de septembre 2014, impose une réduction des émissions de NOx de 180 mg/km. Outre la SCR et le piège à NOx, d'autres systèmes de dépollution existent déjà sur les voitures : le pot catalytique d'oxydation réduit les émissions d'hydrocarbures imbrûlés et de monoxyde de carbone (CO), tandis que le filtre à particules s'attaque, comme son nom l'indique, aux particules, l'un des polluants les plus toxiques des moteurs Diesel.

(1) Le Worldwide Harmonized Light Vehicles Test Procedures (WLTP), conçu par l’Europe, le Japon et l’Inde.
(2) Le Nouveau Cycle de conduite européen (NDEC), utilisé depuis 1973.















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