Paris - Des spécialistes de la biodiversité marine et des ONG ont appelé lundi à Paris à soutenir la proposition de la Commission européenne d'interdire le chalutage en eaux profondes, une technique de pêche fortement décriée pour son impact négatif sur les fonds des océans.
«C'est un moment clé pour les océans profonds qui ont vraiment besoin de cette réglementation», a plaidé Matthew Gianni de la Deep sea conservation coalition, qui fédère 70 associations.
«Le chalutage en eaux profondes met en jeu le profit à court terme réservé à quelques uns contre le bénéfice à long terme pour tous», a résumé Claire Nouvian, présidente de l'ONG Bloom, organisatrice de la rencontre.
La Commission européenne a proposé en 2012 d'interdire dans un délai de deux ans le chalutage en eaux profondes, une initiative combattue par la France et l'Espagne.
Adoptée à une écrasante majorité par la commission Environnement du Parlement européen, la proposition doit faire l'objet d'un vote qui sera serré en commission Pêche le 3 octobre, avant d'être examiné en séance plénière à Bruxelles en décembre.
Pour Les Watling, chercheur à l'université de Hawaï et un des spécialistes mondiaux des grands fonds, la pêche profonde avec des chaluts est comparable à «l'action d' un bulldozer dans un jardin».
Gilles Boeuf, président du Museum d'Histoire naturelle et spécialiste des questions de biodiversité, a déploré que si «les gens ont peur du changement climatique, en comprennent ses enjeux, ce n'est pas le cas pour la perte de la biodiversité». «Mais si on ne change pas nos manières de faire, on en paiera les conséquences très longtemps», a-t-il averti.
De multiples travaux scientifiques démontrent qu'en raclant les grands fonds marins, les chaluts détruisent les écosystèmes et prennent un tas d'espèces qui seront ensuite rejetées. Ces bâteaux pêchent jusqu'à plus de 1.500 mètres de profondeur.
Une dizaine de bateaux pratiquent cette pêche en France.
Pour Philippe Cury, chercheur à l'Institut pour la recherche et le développement (IRD), «cette pêche n'est pas viable écologiquement, mais elle ne l'est pas non plus économiquement et elle n'est possible aujourd'hui que grâce aux subventions», a avancé le scientifique. «Elle représente seulement 1% de la totalité des prises dans les eaux de l'Union européenne», a-t-il ajouté.
Des espèces, comme les grenadiers ou les empereurs, sont pêchés en eaux profondes, c'est à dire au delà d'environ 300 mètres. A partir de cette profondeur, la température baisse fortement, ce qui modifie le fonctionnement des écosystèmes.
«A partir de cette profondeur, tout devient plus lent, les espèces grossissent moins vite et se reproduisent à un âge plus élevé», note Les Watling.
Selon ce spécialiste, il existe un million d'espèces de toutes sortes dans les océans profonds, «un chiffre supérieur à ce qui existe dans la forêt amazonienne».
Pour illustrer la richesse de la biodiversité marine, des images inédites filmées en Méditerranée du plus grand poisson osseux répertorié mais mal connu- le régalec -ont été projetées aux participants. Le régalec, qui peut atteindre plus de 10 mètres de long, vit dans la plupart des mers du monde entre 100 et 1.000 mètres de fond.
Des personnalités ont affiché leur soutien à cet appel : Nicolas Hulot, Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France, le dessinateur Jul, Daniel Cohn-Bendit ou encore Richard Branson, ainsi que le député PS Jean-Paul Chanteguet et l'écologiste Pascal Durand.
© 2013 AFP
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