Fini les débats sur la taxe carbone, place désormais à la« contribution énergie climat ». Jeudi dernier, le ministre de l’Ecologie Philippe Martin a annoncé un impôt environnemental rebaptisé. Ses contours sont encore flous et de nombreux débats seront menés sur son application concrète.
En Europe, neuf pays et régions ont déjà adopté ce type de fiscalité. La Suède, elle, a franchi le pas dès 1991(dossier en pdf). Les prix des combustibles fossiles dans l’industrie, pour le chauffage résidentiel et les transports, se sont alors alourdis proportionnellement à leur implication dans la pollution atmosphérique.
Quinze ans plus tard, la ministre des Finances suédoise se félicitait du résultat. « Les émissions de CO2 ont diminué de 9% alors que la Suède a connu une croissance économique de 48% », rapportait en 2009 Actu-environnement. Les années suivantes, la taxe – à sa création, fixée à 27 euros la tonne – a encore grimpé, mais l’enthousiasme n’est pas retombé. Le chercheur suédoisLuis Mundaca, chef du département énergie et climat de l’université de Lund, détaille les raisons du succès.
Terra eco : La taxe carbone a t-elle fait baisser les émissions de gaz à effet de serre ?
La mesure a-t-elle ralenti l’économie du pays ?
Au contraire. Certaines industries, comme celle des énergies renouvelables, ont été stimulées. Dans le secteur des bioénergies, l’activité a plus que triplé. Le solaire et l’éolien ont aussi été développés, mais on peut encore progresser. Quant à l’ensemble de l’industrie suédoise, elle a finalement été peu touchée par la taxe. Jusqu’en janvier 2011, les entreprises déjà concernées par le marché des quotas carbone européens étaient épargnées par la taxe suédoise. Les autres ne paient que 30% (contrairement aux ménages qui la paient à 100%. Ainsi, en 2010, pour une tonne de CO2 émis, un ménage payait 109 euros, une entreprise 32,7, ndlr).
Les ménages subissent donc la quasi totalité de cette taxe ?
C’est vrai. Mais il faut garder à l’esprit que cette taxe est soumise au principe de neutralité fiscale : la quasi-totalité de la somme récoltée est réinjectée dans l’économie. Et finalement sur le budget des ménages, son impact est très faible. Je m’explique. En parallèle à l’augmentation continue de la taxe, le gouvernement suédois a baissé d’autres impôts : ceux sur le revenu ou le capital. L’esprit de ce système fiscal, c’est de taxer ce qui est négatif, c’est-à-dire les émissions de gaz à effet de serre, plutôt que ce qui est positif, comme les petites économies ou le travail. Et puis, en Suède, les gens font plutôt confiance au gouvernement pour réinvestir et redistribuer cet argent à bon escient. Selon moi, cela explique le consensus autour de cette taxe.
Pensez-vous que la Suède puisse aller encore plus loin ?
Oui. L’écart entre la fiscalité carbone de l’industrie et celle des ménages doit diminuer. La tâche est compliquée car en Suède comme partout, le lobbying industriel est puissant. Mais ce rééquilibrage avance. Les entreprises de secteurs non concernés par le marché carbone européen vont, à l’horizon 2015, payer 60% de la taxe carbone suédoise, contre 30% actuellement. Mais il ne faut pas voir dans cet impôt la recette miracle de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. D’autres instruments politiques doivent l’accompagner. En Suède, les industries paient déjà des impôts en fonction de leur consommation d’énergie. En se tournant vers les bioénergies, elles bénéficient de déductions fiscales. Il ne s’agit pas tout à fait d’une taxe carbone mais c’est aussi une solution. L’important, c’est d’aboutir à une fiscalité écologique équilibrée.
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