Des biologistes américains ont développé une nouvelle méthode permettant d'identifier et de caractériser de nouveaux antibiotiques. Des travaux novateurs, qui pourraient permettre la mise au point de traitements permettant de lutter plus efficacement contre les bactéries résistantes aux antibiotiques actuels.
"Autopsier" des cellules bactériennes après leur mort pour comprendre comment elles ont été tuées, et identifier ainsi les molécules capables de les combattre le plus efficacement ? Des biologistes de l'Université de Californie (San Diego, États-Unis) ont mis au point un procédé permettant de le faire. Une prouesse bienvenue, à l’heure où l'antibiorésistance (le phénomène de résistance aux antibiotiques) est devenue aujourd’hui un problème majeur (cette semaine encore, une étude a révélé que les bactéries antibiorésistantes tuent 23 000 Américains chaque année - lire sur le site de Science et Avenir « Les résistances aux antibiotiques tuent 23.000 américains par an »).
Quelle est la nature exacte des travaux menés par le biologiste américain Joe Pogliano et ses collègues de l'université de Californie (San Diego, États-Unis) ? Ces scientifiques américains ont mis au point un procédé appelé Bacterial Cytological Profiling (BCP), qui permet d'identifier en quelque sorte la "cause de décès" d'une bactérie.
Pour mieux comprendre la portée de cette innovation, il faut d’abord rappeler que les antibiotiques ont des modes d'action sur les bactéries qui peuvent varier grandement selon les molécules utilisées (c'est pourquoi on parle d'ailleurs de « famille d'antibiotiques ») : certaines molécules bloquent la synthèse de la paroi cellulaire des bactéries, d'autres perturbent la réplication de l'ADN des bactéries, d'autres encore bloquent les mécanismes qui permettent à la bactérie de produire de l'énergie…
Or, selon la nature des bactéries pour lequel un traitement est recherché, les scientifiques peuvent être amenés à rechercher des molécules antibiotiques bloquant précisément tel ou tel mécanisme dans le fonctionnement de la bactérie visée, plutôt que tel autre. Par conséquent, pour les chercheurs qui travaillent à la mise au point de nouveaux antibiotiques, il est donc extrêmement important d'identifier, pour une molécule antibiotique dont il a préalablement été prouvé qu'elle était capable de détruire la bactérie visée, quel est le mécanisme exact que la molécule antibiotique vient bloquer ou altérer au sein de la bactérie.
Problème : les procédés actuellement utilisés par les scientifiques ne permettent souvent pas d’identifier rapidement et facilement le mode d’action précis de telle ou telle molécule antibiotique sur la bactérie visée.
Et c’est précisément là où le procédé BCP prend tout son sens. En effet, grâce à ce dernier, il suffit d’exposer la bactérie visée à la molécule que l’on souhaite tester. Puis, une fois la bactérie détruite, le procédé BCP permet d’identifier en quelques heures seulement, et ce via une manipulation unique, comment la molécule antibiotique a endommagé la bactérie : en bloquant la synthèse de la paroi cellulaire, la réplication de l’ADN, la synthèse des protéines, la production d'énergie…
Pour prouver la validité du procédé BCP, Joe Pogliano et ses collègues ont fourni une preuve de concept. En effet, en utilisant le procédé BCP, ils ont réussi à montrer que le Spirohexol, un antibiotique efficace contre le staphylocoque doré résistant à la pénicilline, parvenait à tuer cette redoutable bactérie en détruisant sa capacité à fabriquer de l’énergie via un mécanisme chimique appelé force motrice protonique (ce mécanisme permet à la bactérie de fabriquer de l’énergie par transfert de protons à travers sa membrane).
Cette découverte a fait l’objet d’un article intitulé « Bacterial cytological profiling rapidly identifies the cellular pathways targeted by antibacterial molecules », publié le 17 septembre 2013 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.
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