dimanche 22 septembre 2013

Le big-bang du vivant décrypté

Cambrien Sidneyia
Sidneyia, un arthropode aujourd’hui disparu, est apparu lors de l’explosion du Cambrien il y a un peu plus de 500 millions d'années. Crédits : Citron
Deux scientifiques britanniques viennent de publier un article récapitulant les probables causes de l'explosion du Cambrien, ce big-bang de l’évolution survenu il y a plus de 500 millions d'années, au cours duquel les espèces vivantes se sont brutalement complexifiées et diversifiées.
Il y a 540 millions d'années environ, au cours de la période géologique dite du Cambrien (qui s'étend de –541 à -485 millions d'années), un événement majeur dans l'évolution de la vie terrestre s'est produit : en quelques 20 millions d'années seulement, la diversité et la complexité du vivant s'est brutalement accrue. Des formes anatomiques entièrement nouvelles ont vu le jour, donnant naissance aux grandes lignées d'animaux multicellulaires que nous connaissons aujourd'hui, comme les vertébrés ou les arthropodes. Quant aux espèces végétales, elles se sont elles aussi soudainement diversifiées.
Quelle est l'origine de cet événement, appelé par les biologistes « explosion du Cambrien » ? Si de nombreuses théories ont été proposées au cours des dernières décennies, aucune n'a réellement réussi jusqu'ici à convaincre la communauté scientifique. À l'heure actuelle, il semble que, loin de trouver son origine dans un phénomène unique, l'explosion du Cambrien ait au contraire été déclenchée par une multiplicité de facteurs.
S'inscrivant dans cette tendance à considérer que l'explosion du Cambrien a été causée par une multitude de facteurs, deux scientifiques britanniques viennent de proposer un nouveau scénario destiné à expliquer cet événement majeur de l'évolution. Selon ce scénario, publié le 19 septembre 2013 dans la revue Science (accéder à l’article « Causes of the Cambrian Explosion »), l'explosion du Cambrien a été causée par une cascade d'événements, qui se sont entretenus et amplifiés les uns les autres pour déboucher au final sur un véritable big-bang du vivant.
Quels sont les principales étapes qui ont constitué cette « cascade d’évènements » avancée par Paul Smith et David A. T. Harper, les deux auteurs de l'étude ? Pour comprendre, il faut d'abord imaginer ce qu'était la vie terrestre avant l'explosion du Cambrien : un monde essentiellement constitué d'organismes unicellulaires au fonctionnement très simple, évoluant dans une sorte de boue.
Puis, quelques 150 millions d’années avant l'explosion du Cambrien, un événement génétique s'est produit, selon les auteurs de l’étude : les gènes codant pour des structures anatomiques et morphologiques complexes, se caractérisant par un plan dit de symétrie bilatérale (on sait par exemple que les vertébrés peuvent être séparés en deux parties droite et gauche, symétriques l’une par rapport à l’autre) sont apparus.
Aux côtés de l'apparition de ces nouveaux gènes, les deux biologistes britanniques font l'hypothèse que le niveau des océans s'est élevé, entraînant l'inondation de nombreuses zones continentales. Des zones inondées qui auraient alors procuré de nouveaux habitats pour le vivant.
Problème : le contact entre les roches et l'eau des océans a vraisemblablement entraîné la libération dans ces eaux de minéraux, comme le calcium. Or, ces minéraux sont toxiques pour les cellules. Par conséquent, les espèces vivantes qui évoluaient dans ces milieux ont dû trouver une solution pour se protéger de cette pollution.
Comment les organismes qui vivaient dans ces milieux aquatiques envahis par les minéraux libérés par les roches érodées ont-ils fait pour survivre ? Vraisemblablement en incorporant ces minéraux à l'intérieur de leurs organismes, ce qui leur a alors permis de développer des coquilles et des épines, des squelettes (permettant à leurs organismes d’être soutenus), ou encore des dents. Autant d’armes qui ont considérablement augmenté les capacités de survie de ces organismes, tout en déclenchant l'apparition de nouvelles stratégies d'alimentation et de prédation.
Entre l'apparition de nouveaux gènes codant pour des formes anatomiques et morphologiques complexes, et l'aptitude des organismes vivants à incorporer les minéraux présents dans les eaux pour développer des coquilles, des épines ou encore des exosquelettes, les ingrédients nécessaires à l'explosion du Cambrien étaient donc réunis…
Notons toutefois que ce scénario reprend des hypothèses qui ont précédemment été formulées par d'autres équipe scientifique, comme par exemple le rôle que les minéraux présents dans les eaux ont joué dans l'aptitude des espèces animales à synthétiser des exosquelettes (voir par exemple l'article « Formation of the ‘Great Unconformity’ as a trigger for the Cambrian explosion », publié le 19 avril 2012 dans la revue Nature).

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