samedi 14 septembre 2013

Face à la rue, Bucarest recule sur le projet de mine d'or géante des Carpates

Après des jours de contestation, les "Indignés" ont fait céder le gouvernement. Le premier ministre roumain, Victor Ponta, a annoncé lundi 9 septembre qu'il retirait son soutien au projet de mine d'or de Rosia Montana. Depuis une semaine, sur la place de l'Université de Bucarest, théâtre de la révolution contre la dictature de Ceausescu il y a 24 ans, des foules s'y pressaient jour et nuit pour protester contre ce projet d'exploitation minière d'une compagnie canadienne en Transylvanie. La plus grande mine à ciel ouvert d'Europe. Dimanche, le mouvement avait gagné les principales villes roumaines. Quelque 15 000 personnes avaient défilé aux quatre coins du pays pour demander l'abandon du projet. A Bucarest, environ 6 000 protestataires, beaucoup de jeunes, étudiants, lycéens, ingénieurs, artistes, entrepreneurs, de sensibilités très différentes, avaient pris d'assaut le centre de la capitale pour exprimer leur colère. C'est à la fin des années 1990, que la compagnie canadienne Gabriel Resources, cotée à la Bourse de Toronto, a découvert, à Rosia Montana, petit village au coeur des Carpates, le plus gros gisement d'or en Europe. La compagnie affirme pouvoir y extraire chaque année des quantités d'or et d'argent qui dépasseraient la production de tous les pays de l'Union européenne. "Nous comptons sur une réserve de 314 tonnes d'or et de 1 480 tonnes d'argent" assure Catalin Hosu, représentant de Rosia Montana Gold Corporation (RMGC), une entité détenue à 80% par Gabriel Resources et 20 % par l'Etat roumain. AFFAIRE PÉRILLEUSE Le projet canadien est sans doute une affaire plus périlleuse car l'extraction de l'or a commencé à Rosia Montana il y a plusieurs siècles. Des milliers de galeries traversent les profondeurs, le sous-sol est un véritable gruyère. Si les filons ne sont plus qu'un souvenir, les roches recèlent encore une grande quantité de pépites, et ce sont elles que convoitent les investisseurs de Rosia Montana. "Nous avons en moyenne 1,5 gramme d'or dans une tonne de rochers, explique Catalin Hosu. Nous voulons mettre en place une exploitation à ciel ouvert et une technologie à base de cyanure tout en respectant les normes européennes de protection de l'environnement." Les habitants et les écologistes redoutent que cette technologie d'extraction de l'or à base de cyanure soit une catastrophe pour l'environnement. Quelque 12 000 tonnes de cyanure devraient être utilisées chaque année. Pour convaincre la population, l'entreprise a fait miroiter aux habitants des centaines d'emplois et construit des dizaines de petites villas dans la banlieue de la ville voisine d'Alba Iulia. Car, pour pouvoir exploiter cet énorme gisement aurifère, la RMGC doit raser une bonne partie du village. Depuis 2002, environ 80% des paysans se sont laissés séduire par cette offre. Mais la petite minorité restée dans le village refuse de baisser les bras et promet de se battre jusqu'au bout. Eugen Cornea, ancien mineur à la retraite, rêve de finir ses jours en paysan dans la petite maison qu'il a héritée de ses parents. "On peut me donner tout l'or du monde, je ne quitterai jamais ma maison, assure-t-il. C'est dans ma terre que je veux reposer quand je mourrai." Le gouvernement n'a cessé de tergiverser sur ce dossier. En décembre 2012, lors de sa campagne électorale, le premier ministre socialiste Victor Ponta avait promis aux Roumains de stopper le projet. Mais fin août son gouvernement avait transmis au parlement un projet de loi, donnant le feu vert pour l'exploitation. Il espérait que l'or des Carpates vienne alimenter le maigre budget de l'Etat à hauteur d'environ cinq milliards d'euros, soit un quart des bénéfices de l'exploitation, le reste devant être versé à la société canadienne. Surpris par l'ampleur des manifestations, le chef du gouvernement a fait marche arrière. "S'il y a une majorité claire contre ce projet il n'y a pas de raison de traîner, a-t-il déclaré lundi 9 septembre. Le Sénat peut l'examiner en recourant à une procédure d'urgence puis le transmettre à la Chambre des députés qui le rejettera elle aussi, et basta !" Aussitôt après cette déclaration, les actions de Gabriel Resources ont perdu 60% de leur valeur à la Bourse de Toronto. "Si le projet de loi est rejeté, la compagnie pourrait entreprendre des poursuites pour des violations multiples aux traités protégeant les intérêts internationaux", a riposté la société canadienne dans un communiqué. Le Parlement roumain devra rapidement décider du sort de l'Eldorado des Carpates.

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